DU TAC AU TAC
« Il faut courir vers le front :C’est le devoir qui l’exige ! »Docile comme un moutonEt bête jusqu’au prodige !….« Il faut avoir les élansD’un peuple que la foi mène !… »Sous les obus crépitantQui fauchent la race humaine !…« Il faut par de beaux exploitsMontrer que la France est forte »Et que lés jambes de boisSont faites pour qu’on les porte !…« Il faut, d’un effort puissant,Le front nimbé de lumière »Apprendre aux buveurs de sangComment on mord la poussière !…
FAUX ENTRAIN
Élan spontané des vertus guerrièresQuand a retenti l’appel du clairon,L’entrain des soldats « courant aux frontières »Cracha vers le ciel un brutal juron :Car, malgré les chants criminels et bêtesQu’on donne en pâture au peuple martyr,Jamais les combats ne seront des fêtesPour les .pauvres gens qui vont y mourir.Vouloir qu’ils soient gais, qu’ils aient un air crâne,Sans voir que leur front s’est creusé d’un pli,C’est avoir en soi le cerveau d’un âneOu la cruauté d’un monstre accompli.Ce soir, ayant bu l’alcool à pleins verres,Ils se croient déjà sur les bords du Rhin,Mais les plus joyeux ne sont pas sincères,Et dans leur ivresse il est du chagrin.Avant de sourire au breuvage influeQui fait oublier misère et douleur,Ils ont eu d’abord des larmes dans l’âme,Et ces larmes-là leur venaient du cœur !…
UN HOMME
« Et ce qui courbe un peuple -avorte aux pieds d’un homme ! »’ Victor Hugo
Toi, tu n’as pas commis le crime d’obéir,Et tu l’as condamné du fond de ta géhenne ;Et l’on a fait de toi l’apôtre et le martyrIncarnant le meilleur de la nature humaine.Toi, tu n’as pas voulu sabrer les AllemandsNi leur offrir non plus la cible de ton crâne,Et rien n’a prévalu sur les raisonnementsQue ton courage oppose à ceux d’une peau d’âne.Rien n’a pu détourner tes yeux de l’horizonOù brille à tes regards la vérité suprême ;Et pour ton idéal tu braves la prisonAvec la noble foi d’un laboureur qui sème.Devant l’écroulement des marbres de ParosOù la célébrité gravait d’autres images,Ton attitude altière est celle d’un hérosDigne des plus beaux noms et des plus grands hommages.Et si Diogène, un jour, sa lanterne à la main ;Venait scruter le cœur des gens que l’on renomme,En disant à plus d’un : « Va-t’en de mon chemin ! »C’est chez toi qu’il irait pour découvrir un homme !
Eugène BIZEAU.