La Presse Anarchiste

Lectures

Fré­dé­ric
Hof­fet, ancien pas­teur pro­tes­tant, connaît bien ce dont il
parle. Avo­cat, il sait aus­si com­ment s’équilibre un
réqui­si­toire. Et il nous place devant un texte convaincant,
dont le mérite prin­ci­pal réside dans la construction
logique, la clar­té, la pro­bi­té. Ce texte une fois lu,
une ques­tion se pose : allons-nous devoir retour­ner à
l’anticléricalisme de nos pères ?

Il
est de mau­vais ton, depuis une tren­taine d’années, de
« man­ger du curé »… Au temps du
com­bisme, beau­coup consi­dé­raient l’Eglise comme le mal
suprême et ils lut­taient, dans les par­tis de gauche et la
franc-maçon­ne­rie, contre les entre­prises vati­canes. Après
1918, soit las­si­tude contrac­tée durant quatre années
déses­pé­rantes, soit indul­gence née au sein des
uni­tés com­bat­tantes où voi­si­naient toutes les
croyances, les « man­geurs de curés » de
naguère mirent une sour­dine à leurs res­sen­ti­ments et
peu à peu se dés­in­té­res­sèrent de l’action
de l’Eglise. Impru­dence, dit Fré­dé­ric Hof­fet car le
Vati­can n’a jamais ces­sé de pour­suivre son rêve
mil­lé­naire qui est de domi­ner le monde.
Et il nous montre
com­ment, tout en demeu­rant fidèle à ses préférences,
qui vont tout natu­rel­le­ment aux régimes monar­chistes de
« droit divin », le Vati­can sut prendre, à
l’égard des régimes démo­cra­tiques, des
atti­tudes poli­tiques par­fai­te­ment étu­diées, qui
condui­sirent ses créa­tures à la conquête des
par­tis dits de gauche. Il y eut le Sillon, la Jeune République,
les par­tis chré­tiens-sociaux, enfin le MRP : cela pour la
France. Il en fut de même dans tous les autres pays. Une
expres­sion que l’on trouve cou­ram­ment sous la plume des
chro­ni­queurs et jour­na­listes d’aujourd’hui est celle de
« catho­liques de gauche ». Hof­fet nous dit de
ces catho­liques qu’ils ont épou­sé les thèses
les plus géné­reuses de la démo­cra­tie et du
socia­lisme. Ils ont reje­té la poli­tique natio­na­liste et
mili­ta­riste qui était jadis celle des milieux cléricaux
et ont pris des posi­tions réso­lu­ment paci­fistes.
Mais
alors ils cou­raient le risque de se trou­ver en désac­cord avec
cer­taines ency­cliques et de contre­car­rer les inten­tions de la Curie.
C’est bien en effet ce qui leur arri­va, et c’est pour­quoi nous en
voyons de temps à autre quelques-uns reprendre le che­min de
Rome la tête basse et le repen­tir aux lèvres, tels ces
prêtres ouvriers dont la car­rière fit scan­dale et
qu’ils durent abré­ger, si regret­table que cela puisse
paraître.

À
la faveur de la confu­sion qui se créa autour de ces attitudes
contra­dic­toires, l’Eglise s’applique à développer
son influence et à reprendre en main le gouvernement
des hommes. Mise en goût par sa facile réus­site auprès
des dic­ta­tures espa­gnole, por­tu­gaise et sud-amé­ri­caines, elle
pénètre par des voies diver­se­ment détournées
dans les orga­nismes poli­tiques des démo­cra­ties et il semble
bien qu’elle en tire cer­tains avan­tages : témoin en
France la loi Baran­gé, qui revien­dra néces­sai­re­ment sur
le tapis, sur­tout après la visite de René Coty au saint
Père.

Mais
n’est-il pas his­to­rique que l’Eglise abuse volon­tiers de ses
avan­tages ? C’est ce qui nous fait dire que le retour à
l’anticléricalisme de 1905 va peut-être devenir
néces­saire, si nous ne tenons pas à nous entendre
annon­cer un jour par les clé­ri­caux reve­nus aux leviers de
com­mande qu’ils nous refusent, au nom de leurs prin­cipes, les
liber­tés que nous leur avons accor­dées, au nom des
nôtres.

R.
Proix

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