Être vrai vis-à-vis de moi-même exige que je réfléchisse. Je désire être franc et loyal, et absolument sincère. Vrai vis-à-vis de moi, et par suite vrai quant à autrui. M’efforcer honnêtement de me développer ne ferait pas de moi un égotiste. Ni un égoïste non plus. Un véritable développement de moi-même bannirait l’égoïsme. Je ne puis parvenir à être meilleur moi-même par l’égoïsme. Je ne puis y arriver par l’altruisme. Je pourrais être un égoïste intolérable à force d’insister sur mon « altruisme ». L’altruisme est une sorte d’égotisme, si vous voulez. Il n’offre aucune chance réelle de se manifester à l’autre personne. En fait, il le charge d’un lourd fardeau. Cet autre finira sûrement par être conscient de mon « altruisme », mais si souvent conscient qu’il finira aussi par en être incommodé.
Grant Allen a écrit quelque part que « le développement de soi vaut mieux que le sacrifice de soi ». Je pense que cette fois-là, il a frappé la note juste, la note pure. Il convient que je vive ma vie à ma propre guise, mais à condition que « vivre ma vie » ne comporte pas empiéter sur les droits de l’autre. Il convient que ma liberté de vivre et de me développer me soit garantie. mais il convient aussi qu’il en soit de même le concernant. Je ne dois pas empiéter sur ses droits. Il ne doit pas empiéter sur les miens. Chacun de nous doit avertir l’autre et l’éloigner en cas de transgression. Si j’empiète sur ses droits ou si je m’immisce dans son développement, je ne joue pas franc jeu, S’il empiète sur mes droits ou s’immisce dans mon développement, il ne joue pas franc jeu. Chacun de nous doit laisser l’autre se débrouiller seul, afin que nous atteignions l’un et l’autre à notre croissance la meilleure, à notre développement le meilleur.
Cela porte loin quant à l’action. Pratiquement c’est très satisfaisant. Ce principe empêche ceux qui s’aiment de se tyranniser, qu’il s’agisse du compagnon, de la compagne, des parents, des enfants, des amis, des fréquentations. Mon amie n’est pas « mienne ». Je ne suis pas « sien ». Chacun s’appartient à soi-même. mon enfant n’est pas « à moi ». Il s’appartient, et possède le droit d’être soi. Aidé par moi, non pas gêné par moi. Il ne me doit rien. D’autre part, cependant, j’ai vis-a-vis de lui un devoir, car je l’ai appelé dans ce monde sans lui demander s’il se souciait d’y entrer. Je l’aiderai de mon mieux a grandir et à croître. Je l’aiderai, je ne l’entraverai pas. Puisse-je n’entraver personne !
Je veux donc grandir et croître, grandir et croître moi-même. À la clarté du soleil d’une vie droite. À la chute du soleil d’une pensée juste. À la clarté du soleil de l’action loyale. Et s’il arrive que par quelque heureux hasard la clarté du soleil de ma vie se répande un peu sur une vie proche de la mienne, que j’en aurai de joie ! J’aime la clarté du soleil qui me parvient, émise par les vies de ceux qui m’entourent. Semblable clarté est merveilleuse et réchauffante. Ce sont ceux qui vivent, ceux qui se développent qui sont environnés de clarté solaire ! Il vous faut être vous-même. Chacun de nous s’efforçant de mettre au point son individualité propre. Chacun de nous s’efforçant de ne pas s’immiscer dans le développement d’autrui. Cela produira-t-il de l’égoïsme ? Je ne le crois pas. Au contraire, j’imagine qu’il en résultera un altruisme véritable. Nous découvrirons tous, et bientôt, que notre bonheur dépend largement du bonheur de ceux qui nous entourent. Nous ne pouvons être heureux qu’en rendant les autres heureux. Mais revenons à notre développement. Il dépend grandement de nous. Et la croissance s’opère du dedans au dehors. Cette croissance-là comporte une vie élargie, une vitalité intensifiée. Donc, laissez-moi grandir, croître, me développer. Laissez-moi être moi-même. Puisse-t-il en être de même vous concernant. Puissiez-vous être vous-même.
Abby Hedge Coryell