Dans son numéro
du 15 nov., la Revue termine son étude sur la situation
financière de la Russie. Elle répète que,
d’accord avec l’Angleterre, nous devons tendre la perche à
notre pauvre amie.
Livrée à
elle-même, la Russie ne pourra jamais rompre avec ses habitudes
routinières si préjudiciables. La Douma n’est qu’un
Parlement de parade, qui ne peut rien pour la régénération
du pays. Elle est incapable, en ce moment, de contrôler et de
censurer le budget. Seul, un système de contrôle et de
garantie dû à la collaboration franco-anglaise pourrait
arrêter la course de la Russie vers l’abîme.
L’heure est grave :
les valeurs russes sont en pleine décrépitude ;
elles ne sont un peu soutenues qu’à grand renfort d’articles
d’outrancière réclame, payés bon prix, et grâce
aux achats que fait, le Gouvernement russe de ses propres valeurs.
La Revue
nous annonce que bientôt « les hommes de bonne foi,
soucieux des intérêts des petits rentiers et de ceux de
la patrie », se refuseront à alimenter de leurs
deniers la clique qui tient le peuple russe sous sa botte. Alors ?
À cette heure
décisive, sera-t-il facile de trouver un grand établissement
de Crédit qui consente à entretenir l’imprévoyance
russe, un ministre qui ose admettre à la cote des emprunts
conclus dans les conditions du passé ?
La Revue ajoute
qu’en considérant avec franchise l’intérêt
réciproque des pays alliés, il y aurait utilité
et qu’il y aurait aussi moyen de rendre sa prospérité à
la fortune russe et de garantir sa dette.
Pour obtenir ce
résultat, il faudrait rompre avec le système des
emprunts au jour le jour. Il faudrait que la France acceptât — d’accord avec l’Angleterre — le noble rôle de fournir à
la Russie la somme gigantesque dont elle a besoin. On échelonnerait
le payement de ces milliards sur une série d’années.
Ainsi la nation amie et alliée serait tirée de son
gâchis financier.
En échange, le
gouvernement russe devrait faire quelques efforts : en premier
lieu, abandonner aux requins français un morceau des
milliards ; puis rompre avec le régime du désordre,
offrir des garanties de contrôle, ouvrir largement ses
frontières aux amis : français et anglais,
réformer son code, assurer, en un mot, le bonheur des Russes
et la grandeur de la Russie.
Si cela se réalise,
la paix européenne sera confortablement assise. Au contraire,
si l’empire moscovite ne réussit pas à se relever,
l’équilibre des nations croulera comme un château de
cartes.
C’est dans ces
conditions que la Revue accepte de grand cœur les futurs
emprunts. Les précédents n’ont servi, dit-elle, qu’aux
« aventuriers de la haute finance et à toute sorte
d’exploiteurs du budget russe ».
Mais, les prochains, on
peut être sûr que leur sort sera différent. Ils ne
seront pas la proie des vautours de France et de Russie. La Revue
veille : la Revue qui, après avoir donné
l’hospitalité aux propos de Lysis sur l’Oligarchie.
financière — qui cessèrent brusquement un beau
jour — accepte aujourd’hui de préparer le terrain pour un
exode nouveau des capitaux français vers le tonneau russe des
Danaïdes : permettant au tsarisme de payer ses bandes
noires et ses Azef.
R. Desailly.