La Presse Anarchiste

Le pouvoir noir

A
cet article sur les mou­ve­ments noirs aux États-Unis, il nous a
paru bon de joindre un texte de Daniel Gué­rin sur le Pouvoir
noir, texte qui reflète le point de vue d’un socialiste
liber­taire qui connaît bien la situa­tion (cf. son livre :
« Déco­lo­ni­sa­tion du Noir amé­ri­cain », Paris,
éd. de Minuit, 1963).

[…]

Le
Pou­voir noir a mar­qué un nou­veau bond en avant par rapport
à son pré­dé­ces­seur le mou­ve­ment Freedom
now (Liber­té immé­diate). Celui-ci lut­tait encore pour
l’intégration raciale, mais à la dif­fé­rence
des mou­ve­ments anté­rieurs, ani­més par des élites,
recou­rant à l’action légale et gra­duelle, il tentait,
lui, de par­ve­nir à ses fins par l’action
directe des masses. Ce mou­ve­ment était né des
décep­tions cau­sées par la faillite de
l’intégration sco­laire de 1954 et il avait été
sti­mu­lé par l’exemple mon­dial de la décolonisation.

[…]

En
juillet 1966, se pro­duit un grand tour­nant : les direc­tions de ces
deux grou­pe­ments sont renou­ve­lées, la non-vio­lence abandonnée,
la néces­si­té de l’autodéfense proclamée,
la dupe­rie de l’intégration raciale reje­tée, et c’est
alors que Sto­ke­ly Car­mi­chael, un tout jeune homme, prend la tête
du SNCC. Mais le Pou­voir noir doit éga­le­ment beau­coup à
l’idéologie natio­na­liste des Musul­mans noirs et notam­ment de
Mal­colm X, leur chef le plus pres­ti­gieux, avant qu’il ne reprenne
sa liber­té. Pen­dant trop long­temps l’intégrationnisme
mili­tant et le sépa­ra­tisme reli­gieux avaient sui­vi deux voies
diver­gentes. Il était urgent d’opérer leur synthèse.
Mal­colm était à la veille de la faire. Le Pou­voir noir
est en train de l’opérer. Les mots Black power ont été,
pour la pre­mière fois employés par le grand écrivain
noir, trop tôt dis­pa­ru, Richard Wright, dans le titre d’un
livre sur le Gha­na paru en 1954 (titre qui, à l’époque,
a été tra­duit en fran­çais par Puis­sance noire et
non Pou­voir noir). L’idée du Pou­voir noir était déjà
impli­cite dans la bouche de Mal­colm X quand, dic­tant son
auto­bio­gra­phie, il affir­mait : « Le Noir pos­sède, dès
main­te­nant, un pou­voir poli­tique tel qu’il pour­rait, s’il le
vou­lait, chan­ger son des­tin en un jour. » C’est le 24 juin
1966 que le Pou­voir noir est deve­nu un mot d’ordre de lutte, au
cours d’une « marche contre la peur » à tra­vers le
Mis­sis­si­pi ; de Mem­phis à Jack­son. Les mani­fes­tants, attaqués
par la police à Can­ton, ont crié non plus « liberté
immé­diate », mais « Pou­voir noir ! »

Le
slo­gan a été repris, en juillet, par Car­mi­chael, adopté
par les Congrès du CORE et du SNCC. Les 15 et 16 octobre a eu
lieu Washing­ton la confé­rence consti­tu­tive du Pou­voir noir. Ce
mot d’ordre à la fois dyna­mique et vague encore, les
diri­geants l’ont cap­té parce qu’il éveillait un
écho for­mi­dable dans les masses, qu’il avait une valeur de
mythe. Mais ils ont eu tout d’abord quelque peine à en
four­nir une défi­ni­tion pré­cise, sinon qu’il était
un moyen de mobi­li­ser les forces de la com­mu­nau­té noire,
d’opposer au pou­voir blanc l’énergique pres­sion d’une
force de cou­leur cohé­rente et organisée.

Le
Pou­voir noir repose sur la notion de sépa­ra­tion dans tous les
domaines. A com­men­cer par l’action poli­tique. Dans un comté
de l’Alabama com­po­sé de 80% de Noirs et dans quelques
autres, Car­mi­chael a contri­bué à la création
d’un par­ti noir indé­pen­dant, dit de la « Panthère
noire ». Pour jus­ti­fier cette rup­ture avec les démocrates
sudistes, il a obser­vé que, pour un Noir du Sud, « rejoindre
le par­ti démo­crate, ce serait comme si l’on deman­dait à
un Juif de rejoindre le par­ti nazi ». Mais les Blancs ont, tout
à la fois, tru­qué le scru­tin et fait pres­sion sur les
élec­teurs de cou­leur, si bien qu’aux élections
géné­rales de novembre 1966 la liste indépendante
n’a pas été élue. Intran­si­geant à
l’égard des démo­crates racistes du Sud, le Pouvoir
noir ne l’a pas été au même degré
vis-à-vis de l’aile gauche du par­ti démo­crate dans le
Nord. Tou­te­fois il s’oriente aujourd’hui vers la création
d’un par­ti noir indé­pen­dant sur le plan natio­nal dont
l’entrée en scène bou­le­ver­se­rait la structure
tra­di­tion­nelle de la vie poli­tique amé­ri­caine. Par ailleurs,
le Pou­voir réclame le contrôle des ghet­tos, contrôle
à tous les niveaux, poli­tique aus­si bien qu’économique,
incluant l’administration, l’enseignement, l’autodéfense
assu­rée par sa propre police, la lutte contre l’incendie,
etc.; en un mot, le droit de com­plète autodétermination.
Mais ce mot d’ordre doit-il être interprété
comme une conquête légale, par la voie d’élections,
des organes du pou­voir local ou comme une mise en place de sortes de
soviets noirs de carac­tère révo­lu­tion­naire, n’hésitant
pas à défier les agents du pou­voir cen­tral ? Il reste
encore au Pou­voir noir à se défi­nir sur ce point.

Un
autre mot d’ordre du Pou­voir noir est celui du séparatisme
éco­no­mique : ache­ter noir, sub­sti­tuer, sur le plan commercial
et finan­cier, à l’exploiteur blanc ou noir la coopération
et le cré­dit mutuels noirs. Mais l’aile révolutionnaire
du Pou­voir noir n’a pas man­qué de faire obser­ver qu’une
éco­no­mie noire auto­nome est impra­ti­cable en régime
capi­ta­liste. Seule une révo­lu­tion pour­ra chas­ser des ghettos
les exploi­teurs blancs et noirs. Per­sis­tant, au sein du Pou­voir noir,
est le slo­gan d’un par­tage des États-Unis et de la création
d’une nation noire. Il paraît pra­ti­que­ment irréalisable
sur le plan géo­gra­phique, mais il conserve une valeur de mythe
et il res­ti­tue sa per­son­na­li­té à la communauté
de couleur.

Aujourd’hui
le Pou­voir noir s’est décou­vert une interprétation
plus radi­cale. Elle a jailli de la base, de la jeu­nesse noire des
ghet­tos du Nord et où sévit tou­jours davan­tage le
chô­mage aggra­vé par la méca­ni­sa­tion industrielle.
Pour cette jeu­nesse exas­pé­rée, qui n’accepte plus la
vie de misère et d’humiliation à laquelle se
sou­met­taient ses aînés, Pou­voir noir signi­fie révolution
libé­ra­trice et se tra­duit en termes concrets par
l’insurrection armée. En 1964, ce sont les révoltés
de Har­lem, de Roches­ter et Phi­la­del­phie ; en 1965, de Watts,
Cle­ve­land, Chi­ca­go ; en 1967, Newark et Detroit. Au total, depuis
trois ans, plus de cent révoltes éclatent dans les
ghet­tos noirs des États-Unis, au cours de « longs étés
brû­lants ». Et ce n’est, nous assure-t-on, qu’un
com­men­ce­ment. Comme l’a dit Rap Brown, ces sou­lè­ve­ments « ne
sont encore que des répé­ti­tions de la vraie
révolution ».

Bor­nons-nous
à par­ler de Detroit. Dans cette immense cité
indus­trielle, les tra­vailleurs de l’industrie la plus avancée,
celle de l’automobile, Blancs et Noirs se côtoient ou
s’entremêlent. Les rela­tions inter­ra­ciales y sont moins
ten­dues, le niveau de vie du ghet­to rela­ti­ve­ment plus élevé
qu’ailleurs. Cer­tains Noirs, en ver­tu de leur ancien­ne­té à
l’usine, ne gagnent pas moins de trois dol­lars de l’heure,
pos­sèdent mai­son, voi­ture, réfri­gé­ra­teur et
télé­vi­sion. Et pour­tant Detroit a été
trans­for­mé en un champ de bataille. Toute l’activité
du centre de la ville a été para­ly­sée, vingt
mille poli­ciers et sol­dats ont par­ti­ci­pé à la
répres­sion, il y a eu qua­rante morts, mille blessés,
plus de quatre mille arres­ta­tions, sui­vies d’odieuses brutalités
poli­cières, de gigan­tesques dégâts matériels,
tout un quar­tier aux murs cal­ci­nés à recons­truire. La
« reprise » des mar­chan­dises y a revê­tu une forme
pri­mi­tive de redis­tri­bu­tion com­mu­nau­taire, effec­tuée dans la
bonne humeur, la joie d’être libé­ré des
frus­tra­tions accu­mu­lées. La colère de la foule ne s’est
déchaî­née que contre l’autorité
repré­sen­tée par les forces dites de l’ordre. Il y a
eu peu d’incidents entre civils blancs et noirs. Au contraire, des
cen­taines de Blancs ont par­ti­ci­pé, au coude à coude
avec les Noirs, à la « reprise » des mar­chan­dises et
à la lutte contre les flics. Dix pour cent des personnes
arrê­tées ont été des Blancs. Par­mi eux, il
y avait des ori­gi­naires du Sud. Ils n’ont pas pris posi­tion contre
les Noirs. Ils n’ont pas fait mine de défendre le pouvoir
blanc.

[…]

Depuis
Newark et Detroit, le Pou­voir noir emploie cou­ram­ment les termes de
révo­lu­tion noire et de gué­rilla. Car­mi­chael a esquissé,
à la récente confé­rence de l’OLAS une
stra­té­gie de sabo­tage et de har­cè­le­ment destinée
à créer cin­quante Viet­nam sur le sol américain
et à frap­per au cœur un pays aus­si for­te­ment industrialisé
que les États-Unis. Les Noirs sont pré­sents dans toutes
les villes. Ils savent main­te­nant qu’ils sont en mesure de plonger
dans un « chaos mas­sif » les centres vitaux du capitalisme
le plus concen­tré du monde entier.

Sur
quoi peut débou­cher la révo­lu­tion noire ? Maurice
Duver­ger la croit sans issue. Dans un article du Monde, il a
expri­mé la crainte que « les Noirs ne s’enferment
long­temps encore dans une vio­lence impuis­sante ». Impuissante,
parce qu’il y aurait contra­dic­tion entre l’égalité
éco­no­mique qu’ils réclament et l’idéal
sacro-saint qu’ils par­ta­ge­raient avec les Blancs, celui de la libre
entre­prise. Mais dans cette pré­ten­due contra­dic­tion le Pouvoir
noir ne se laisse pas enfer­mer. Por­té en avant par l’élan
de la révo­lu­tion noire, il n’hésite plus à
mettre en cause le régime capi­ta­liste. Au soir de sa courte
vie, la pen­sée de Mal­colm X, en dépit de quelques
incer­ti­tudes qu’il aurait vite dis­si­pées s’il avait vécu,
débou­chait sur un socia­lisme inter­na­tio­na­liste. Carmichael,
Rap Brown, avec encore plus de net­te­té, lui font écho.
Pour eux les fon­de­ments éco­no­miques des États-Unis
doivent être bou­le­ver­sés pour que la libération
des Noirs soit effec­tive. Pas de véri­table solu­tion dans le
cadre du sys­tème capi­ta­liste, qui va tou­jours de pair avec le
racisme, l’exploitation et la guerre. Il faut le détruire,
il faut abo­lir la pro­prié­té pri­vée aux USA. Une
Amé­rique tota­le­ment dif­fé­rente doit naître.
Tou­te­fois le Pou­voir noir admet lui-même qu’il lui manque
encore une doc­trine, un pro­gramme clairs et consé­quents. Les
choses ont mar­ché si vite que l’action a précédé
l’idée. Le Pou­voir noir est en pleine réorganisation.
Rap Brown observe que les récentes émeutes « sont
en avance sur une idéo­lo­gie poli­tique qui doit être
déve­lop­pée ». La conscience révolutionnaire
est en train de gran­dir dans les masses des ghet­tos, mais la
révo­lu­tion noire est encore rela­ti­ve­ment inor­ga­ni­sée et
spo­ra­dique. Reste à for­mer, non pas seule­ment sur le plan
mili­taire, mais aus­si sur le plan poli­tique, une direction
révo­lu­tion­naire et une véri­table orga­ni­sa­tion, sinon
cen­tra­li­sée, car le cen­tra­lisme pour­rait affaiblir
l’initiative de la base, mais du moins fédérative
dans sa struc­ture, homo­gène dans ses objec­tifs. Aux États-Unis
où les Noirs ne forment que 11% de la popu­la­tion, la
révo­lu­tion noire n’aurait de chances de triom­pher que si
elle réus­sis­sait à déclen­cher une révolution
sociale de carac­tère inter­ra­cial, que si elle entraînait
dans son sillage les plus avan­cés des tra­vailleurs blancs.

Mal­heu­reu­se­ment
les Blancs ne sont pas encore pré­sents au rendez-vous
révo­lu­tion­naire. Par­ler aujourd’hui d’une alliance entre
les pauvres Blancs et les pauvres Noirs, sou­tient le Pou­voir noir,
est une ques­tion, pour l’instant, pure­ment académique.
Mal­gré les symp­tômes encou­ra­geants obser­vés à
Detroit, le pré­ju­gé racial reste for­te­ment enraciné
et la révo­lu­tion noire exa­cerbe l’hostilité raciste
de ces aveugles plu­tôt qu’elle ne la réduit. Le
pro­lé­taire blanc, avant d’être un prolétaire,
demeure un Blanc. Il défend désespérément
ce qu’il croit être ses pri­vi­lèges de Blanc. Bien
qu’exploité, il s’imagine que son inté­rêt le
lie au pou­voir blanc. Dans l’immédiat, les hommes de couleur
ne peuvent se per­mettre d’attendre une hypothétique
alliance, ni de déses­pé­rer, si elle tar­dait à se
pro­duire. Cepen­dant le Pou­voir noir connaît bien l’histoire
amé­ri­caine, où le pauvre Blanc a tou­jours fait figure
de girouette impul­sive, aux retour­ne­ments impré­vus. Dans sa
men­ta­li­té voi­sinent la conscience de classe et le racisme. Au
moins trois fois en un siècle, il a fait alliance avec le Noir
contre leurs exploi­teurs com­muns : après la guerre de
Séces­sion, pen­dant la vague de fond popu­liste des années
1890, enfin au cours des occu­pa­tions d’usines des années
1930.

Mal­colm
X, avant de dis­pa­raître, avait ces­sé de reje­ter en bloc
les non-Noirs. Il avait fra­ter­ni­sé avec des étudiants
blancs. Aujourd’hui, le Pou­voir noir admet qu’une coa­li­tion des
exploi­tés des deux cou­leurs est le prin­ci­pal moyen de
révo­lu­tion­ner la socié­té amé­ri­caine. Au
Ten­nes­see, par exemple, des efforts concrets sont ten­tés par
le SNCC au moyen d’équipes d’étudiants noirs et
blancs. A la confé­rence de l’OLAS à La Havane,
Car­mi­chael a décla­ré : « Pour la transformation
totale révo­lu­tion­naire qui doit avoir lieu, les Blancs doivent
com­prendre que la bataille dans laquelle nous sommes engagés
est leur propre bataille. »

Aux
États-Unis, de par la condi­tion même à laquelle
le racisme l’a réduit, le Noir est l’éducateur
poli­tique du Blanc. L’activisme dont il a fait preuve aujourd’hui
pour­rait bien ame­ner le tra­vailleur blanc à se radicaliser.
Notam­ment dans l’industrie auto­mo­bile que contrôle un
puis­sant syn­di­cat ouvrier d’un mil­lion et demi de membres. Sans
vou­loir idéa­li­ser sa direc­tion ni en taire les déficiences,
c’est un fait qu’elle a tou­jours été à
l’avant-garde à la fois de l’action reven­di­ca­tive et de
l’action contre la dis­cri­mi­na­tion raciale.

[…]

Cepen­dant
Car­mi­chael reproche, à juste titre, au mou­ve­ment ouvrier
amé­ri­cain de se conten­ter de ramas­ser les miettes du festin
capi­ta­liste au lieu de sou­le­ver la ques­tion de la redis­tri­bu­tion de
la richesse amé­ri­caine. Mais l’en blâ­mer, n’est-ce
pas aus­si l’inciter à sor­tir de son réfor­misme ? Un
mili­tant noir de Watts, un cer­tain Tom­my Jac­quett, affirmait
der­niè­re­ment : « Nous sommes le salut de l’Amérique
blanche parce que nous sommes une force révolutionnaire. »

Les
lea­ders du jeune mou­ve­ment sont obli­gés de for­mu­ler le Pouvoir
noir en termes de race en atten­dant de pou­voir le for­mu­ler en termes
de classe. Pour orga­ni­ser la com­mu­nau­té de cou­leur en un bloc
homo­gène et agres­sif, il leur faut bien se définir
d’abord en termes de race, mais ils ne pour­ront obte­nir l’audience
des tra­vailleurs blancs avan­cés que s’ils se définissent
en termes de classe ; et ils le font déjà, ouvertement,
lorsqu’ils condamnent tout racisme et, impli­ci­te­ment, lorsqu’ils
se pro­posent de détruire le capitalisme.

Il
est d’autant plus urgent que le Pou­voir noir trouve accès
auprès de l’avant-garde blanche qu’un dan­ger le menace :
celui de ce qu’on appelle aux États-Unis le bla­ck­lash, le
retour de flamme, la réac­tion raciste blanche. Plus le Pouvoir
noir se défi­ni­ra en terme de révo­lu­tion, de guérilla
et de lutte armée, plus il s’exposera au risque de
déclen­cher une riposte des fana­tiques du racisme, sou­te­nus par
le grand capi­tal amé­ri­cain qui se sent mena­cé. Déjà
des camps d’entraînement fonc­tionnent, et le pou­voir blanc
vient de déci­der une coor­di­na­tion à l’échelle
natio­nale de la lutte anti-rébel­lion. L’éventualité
d’un néo-fas­cisme ne peut être exclue. Tou­te­fois il
faut recon­naître qu’aux élec­tions générales
de novembre 1966 le bla­ck­lash avait été moins virulent
qu’on pou­vait le craindre. Et les for­mi­dables révoltes de
l’été 1966 n’ont pas, au moins dans l’immédiat,
pro­vo­qué de ripostes blanches sub­stan­tielles ou visibles, à
part celles des forces de l’ordre.

D’ores
et déjà, le Pou­voir noir a réus­si à
s’imposer, à se faire craindre, et aus­si à provoquer
dans l’opinion publique amé­ri­caine un choc psychologique
très pro­fond, un renou­vel­le­ment radi­cal des consciences, à
poser le pro­blème racial en termes brû­lants et
reten­tis­sants, à accu­ler les Blancs à un choix : être
cri­mi­nels ou révo­lu­tion­naires. Ne serait-ce qu’à ce
titre le sou­lè­ve­ment de Detroit et autres lieux aura porté
ses fruits.

En
conclu­sion, on peut dire, je crois, qu’une course de vitesse est
aujourd’hui enga­gée, aux États-Unis, entre le Pouvoir
noir et la contre-révo­lu­tion. Dans cette course, la révolution
noire a au moins une tête d’avance.

Daniel
Guérin

Gué­rin
Daniel : le Pou­voir noir, Paris, les Amis du SNCC, 1967, 1 F.
(Mlle Jane Her­vé, 18, rue Angé­lique-Vérien, 92
Neuilly. CCP 18 – 583-76 Paris.)

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