Est-il
besoin de le rappeler ? Nous ne sommes ici ni marxistes ni donc, à
plus forte raison, inféodés à la pensée
théorique ou pratique de Léon Davidovitch, ce qui ne
rend peut-être que plus authentique le respect que nous nous en
voudrions de ne pas témoigner à ce grand homme victime
de la plus odieuse des tyrannies totalitaires, et à celle qui
fut sa compagne et la gardienne de sa mémoire. Comment
dignement parler de ce poignant hommage réunissant, avec les
allocutions prononcées au Père-Lachaise le 29 janvier
1962 lors de l’incinération de Natalia Sedowa, les
témoignages de quelques-uns de ses plus proches amis (dont
Alfred Rosmer, Marguerite Bonnet, tant d’autres) et, rédigé
par Natalia Sedowa elle-même, le récit de l’assassinat
de Trotsky ? Dans une sobre et grave préface, Maurice Nadeau
écrit : «… l’image qui, ce matin du 29 janvier,
rejoignait celle de Léon Trotsky dans notre souvenir, évoquait
moins les étapes d’un long calvaire personnel que celles
d’une victoire à la fin remportée sur la condition où
nos sociétés réduisent ceux qui travaillent à
les rendre plus humaines. » Car, comme l’a dit ce jour-là
André Breton, « il est apaisant, il est presque heureux
malgré tout qu’elle ait assez vécu pour voir
dénoncer, par ceux-là mêmes qui en ont recueilli
l’héritage, le banditisme stalinien qui a usé contre
elle des pires raffinements de cruauté ». À nous
tous, survivants, de ne pas laisser de repos aux dits héritiers
tant que justice ne sera pas enfin rendue par eux à Trotsky
et, soit dit sans pour autant leur apporter une adhésion
inconditionnelle, aux « idées pour lesquelles il a donné
sa vie ».