La Presse Anarchiste

Jusqu’à la lie

Sant’ Andrea delle fratte
 

De brique rose, avec l’élan
Des nudi­tés de ses pilastres,
Et puis tout en haut la corbeille
De la cou­ronne sur le ciel.
Dites Saint-André-des-«Fratte »,
Dites Saint-André-des-Buissons,
Et c’est dans la ville si vieille
Et sa pous­sière, la campagne.
Comme tant de choses à Rome
Ce bibe­lot de Borromine
Est bri­co­lage, mais grandeur.
Parce qu’elle fut écossaise
On rêve de Nord et de rois.
En la ville de tant d’églises
C’est mon église. Préférée.
Car elle fut notre voisine
Et le salut de nos matins
Aux jours heu­reux, aux jours enfuis…
Et jamais je n’y reviens seul.
L’absente ici pré­sente, en moi
En redé­couvre la présence.
Rose sou­rire dans les larmes :
De soleil et d’ombre s’abreuvent
Dans le doux cloître des minimes
Le puits, l’étoile des allées.
Cimiers funèbres, roses fraîches,
Tout, cha­ri­ta­ble­ment, enivre
Le pèle­rin, moins étranger —
Son chant le livre et le délivre,
Son chant, pré­sent fait du passé —
Au noir mys­tère de survivre.
 
Rome, 14 mai 1963

Plus ton petit Liré…
  Plus ton petit Liré sans gloire, du Bellay,
Que le mont Pala­tin était cher à ton âme ;
Mais dans Rome où l’auto le dis­pute à l’infâme
Publi­ci­té, le tertre où fut le vieux palais,
Sem­blable à nos ver­gers, aujourd’hui te plairait.
 
Jusqu’à la lie
  Un ciel d’ouragan.
Le jour dure. A quand
La fin du soleil ?
Tout jusqu’à la lie
Faut boire : la vie,
La mort, c’est pareil.
 
Jean Paul Samson

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