La Presse Anarchiste

Propositions pour tenir compte des données critiques ci-dessus énumérées

Face à la situa­tion créée par la prise de conscience des pro­blèmes inhé­rents à un groupe, plu­sieurs pos­si­bi­li­tés apparaissent :

a) Sup­pri­mer la cause des pro­blèmes, ce qui équi­vaut au sabor­dage du groupe et de la revue, qui peut être soit dis­per­sion et néant, soit recons­truc­tion quel­conque sous une autre forme ris­quant d’amener à terme plus ou moins long les mêmes problèmes ;

b) Se voi­ler la face, mini­mi­ser les pro­blèmes, consi­dé­rer le posi­tif avec une lunette gros­sis­sante, ne pas recon­naître que le groupe et la revue consti­tuent des pôles affec­tifs sécu­ri­sants ame­nant les indi­vi­dus à se regrou­per dans une situa­tion défen­sive et non offensive ;

c) Conti­nuer en s’attaquant aux problèmes :

— Appro­fon­dis­se­ment théo­rique insuffisant,

— Manque d’insertion dans le réel en tant que groupe,

— Manque de rota­tion des tâches,

— Inca­pa­ci­té de pou­voir répondre à la demande d’accueil et d’élargissement (dis­pa­ri­té des acquis, frein au tra­vail, etc.).

Nous pri­vi­lé­gions l’engagement et le tra­vail d’approfondissement indi­vi­duels, tra­vail ensuite pro­po­sé et sou­mis à la cri­tique du groupe. Pour ce faire, nous deman­dons qu’à la limite ceux qui ne par­ti­cipent d’aucune façon (écrit, oral, action, vécu quo­ti­dien) se posent la ques­tion de ce qu’ils font au groupe.

Nous man­quons d’insertion dans le réel en tant que groupe, nous n’avons pas su tenir compte, par­ta­ger et sou­te­nir suf­fi­sam­ment les actions enga­gées indi­vi­duel­le­ment par des membres du groupe. En tant que groupe infor­mel, nous ne nous sommes pas trou­vés mêlés au phé­no­mène gau­chiste, même si cer­tains d’entre nous y étaient enga­gés. Certes, cela nous a évi­té en par­tie la dépres­sion d’après Mai, mais nous res­sen­tons le besoin impé­rieux de :

— Sys­té­ma­ti­ser l’échange d’informations et la confron­ta­tion sur notre vie quo­ti­dienne (cf. ren­contre du 14 juillet 1969) ;

— Prendre conscience du rôle que nous pou­vons jouer dans la lutte contre le mili­ta­risme en accen­tuant notre par­ti­ci­pa­tion (indivi­duelle) en faveur de l’objection de conscience poli­tique et de l’ani­mation des comi­tés de sou­tien aux objec­teurs. L’expérience de l’action menée autour de Daniel Bro­chier est matière à réflexion à ce sujet.

La rota­tion des tâches se fait trop peu. Si la rédac­tion de la revue entraîne une rela­tive par­ti­ci­pa­tion col­lec­tive, il n’en est pas de même pour la fabri­ca­tion tech­nique qui repose tou­jours sur les mêmes indi­vi­dus, éga­le­ment la tenue du fichier, de la caisse, etc. Nous esti­mons néces­saire que très rapi­de­ment chaque poste de res­pon­sa­bi­li­té soit dou­blé. S’il est dif­fi­ci­le­ment évi­table que des lea­ders ou « locomo­tives » se dégagent d’un groupe, ce ne devrait pas être une contradiction :

— Si le pro­blème de la par­ti­ci­pa­tion de tous était réglé ;

— Si n’était res­sen­ti comme lea­der que celui qui à un moment et sur un pro­blème don­nés devient l’expression de l’entité du groupe par sa com­pé­tence, son action, etc.

L’accueil peut se faire au niveau, des indi­vi­dus, des « familles », des groupes. Nous avions choi­si que chaque « nou­veau » soit « par­rai­né » par un membre du groupe qui lui donne un maxi­mum d’informations pour évi­ter le hia­tus « anciens‑nouveaux ».

Si avoir des cor­res­pon­dants locaux est une façon d’avoir plu­sieurs têtes, le rôle n’a pas tou­jours répon­du à notre attente d’une manière égale. Cela tient à l’insertion de cha­cun dans le milieu local et régio­nal et aux pos­si­bi­li­tés (y com­pris maté­rielles) d’accueil. Mais leur rôle n’étant pas négli­geable, selon les pos­si­bi­li­tés nous devrions en étendre le nombre.

Quant au pro­blème de l’accueil, pour l’instant nous hési­tons en per­ma­nence entre deux pôles : l’un, l’accueil sélec­tif et limi­té, nous oblige à avoir un com­por­te­ment res­tric­tif, l’autre est l’accueil incon­di­tion­nel de tous ceux qui se pré­sentent. Et bien qu’ayant pri­vi­lé­gié l’accueil sélec­tif, notre manque de fer­me­té crée une situa­tion de confu­sion dont se res­sentent la cohé­sion et le tra­vail col­lec­tif du groupe. Notre « sélec­tion » reste donc à mettre en pratique.

Nous pro­po­sons que se créent des com­mis­sions de tra­vail, des groupes affi­ni­taires, des équipes d’action, des cel­lules de réflexion, etc., se recon­nais­sant en tant qu’entité. Ces cel­lules de base seraient la struc­ture élar­gie d’un « groupe‑carrefour ANV» ; de ce fait, il y aurait des rencontres‑carrefours, des ren­contres de tra­vail, d’action, de réflexion, déter­mi­nées par les groupes de base. En plus, le cam­ping ouvert pour­rait être aus­si un aspect de rencontre‑carrefour.

Cha­cun peut par­ti­ci­per à autant de cel­lules qu’il a de centres d’intérêt, et y trouve une pos­si­bi­li­té d’expression com­plète, non para­ly­sée par ceux qui ne se sentent pas concernés.

Les rencontres‑carrefours, bi ou tri­an­nuelles, sont l’occasion pour chaque indi­vi­du, chaque cel­lule, d’essayer de faire par­ta­ger son acquis aux autres, d’en rece­voir les cri­tiques, de faire le point.

[(Et pour­quoi pas ? Si nous ces­sions de nous faire des illu­sions ? S’adapter aux situa­tions nou­velles, c’est s’adapter au réel, c’est voir les choses en face, y com­pris la sclérose.)] 

La Presse Anarchiste