Joan Baez a donné deux récitals, à Lyon et à Toulon, au profit des emprisonnés pour l’objection en Espagne et leur action.
« L’Union pacifiste de France » dans son numéro de juin 1971, publie intégralement le texte que Pepe a tenté de lire lors de son procès, le 23 avril. Ecrire à Thérèse Collet, 4, rue Lazare‑Hoche, 92 Boulogne.
Nous rappelons notre supplément au n° 25 sur « L’objection de conscience en Espagne » et publions ci‑après des extraits de lettres écrites par Pepe à sa famille.)]
Extraits de lettres de Pepe
[…] Bien que je sois enfermé, le moral est bon et je vis intensément cette nouvelle expérience qui m’oblige à approfondir et à mettre à l’épreuve beaucoup de mes conceptions éthiques.
La prison est un monde de violence, conséquence et symbole de la société dans laquelle nous vivons. Le fait d’être entouré de murailles, la défiance des compagnons, le policier armé sur le mur, obligé de nous tirer dessus si nous voulons nous échapper, les rixes qui ont lieu quelquefois, le fait qu’on ferme à clef la cellule pour la nuit, les relations avec les fonctionnaires froids et autoritaires, à quelques exceptions près, etc., bref, vivre intensément ce drame, si bien que quelquefois j’ai peur de mûrir — de vieillir ? — trop, tout cela s’oppose à la foi que j’ai toujours eue envers les gens, à l’espérance et à la joie qui m’animent.
C’est une cure de repos, bien que ce ne soit pas seulement ça, mais quelque chose de plus, de beaucoup plus profond, inévitable pour quiconque est sensible à la souffrance.
J’espère gagner la partie (j’en suis sûr) et sortir d’ici avec le même caractère qu’avant, mais avec des motivations plus profondes (optimisme tragique, dit Mounier) et une expérience de la vie beaucoup plus riche…
[…] La prison donne des occasions extraordinaires de réfléchir et je dois les mettre à profit… Ce n’est pas que je la flatte, mais il faut la situer dans sa dimension réelle…
[…] On m’a appris ce que sont les cachots et bien qu’ils soient durs (on n’a guère que les couvertures pendant le jour), je n’en ai pas peur.
[…] C’est impressionnant de voir à la TV les Américains marcher sur la lune, quand on est en prison, mangé par les poux, sans comprendre comment la société n’a pas dépassé ce stade.
[…] J’ai des livres et beaucoup de choses à faire ou à penser, et si tu ne t’emploies pas à penser à ce qu’il y a de bien dehors, c’est facilement supportable. Je ne sais pas jusqu’à quel point je supporterai, mais je crois que je peux en supporter beaucoup.
[…] J’ai commencé à donner une heure de classe, je suis entré dans la chorale… Il est possible de former un orchestre, et puis il y a des instruments. On m’a offert d’être bibliothécaire, responsable des sports, écrivain de l’école, etc. J’ai tout repoussé ; j’en fais déjà assez et je dois étudier et lire. En outre, je ne suis pas venu en prison pour être un fonctionnaire de plus… Nous allons essayer de faire un atelier de cuir repoussé.
[…] Les problèmes théoriques ne sont pas faciles à résoudre ; la vie, ce n’est pas les mathématiques et il y a beaucoup de problèmes sans solution claire ou dont la réponse d’aujourd’hui ne sera pas valable demain. Il y a des fois où la seule réponse est d’agir avec probité et d’espérer beaucoup et surtout de ne pas avoir peur, il n’y a pas de raison. On ne peut pas avoir de réponse à toutes les questions. Tout arrivera. La vie nous appartient… Les honneurs ne durent pas, ni le pouvoir, ni le luxe, mais ce qui est juste sera reconnu et cela nous donne une force invincible, la force de vérité, qui est la non‑violence, et cette force exige agressivité, énergie, et n’a rien à voir avec la résignation passive, complice de l’injustice…
Beaucoup de courage à tous.
Pepe