La Presse Anarchiste

Dans notre courrrier

D’un camarade d’Extrême-Orient

Les progrès de la démocratie coloniale française

Il est inté­res­sant de com­pa­rer la repré­sen­ta­tion par­le­men­taire sous la IVe et la Ve Répu­blique, des dif­fé­rents groupes humains com­po­sant l’empire colo­nial fran­çais. Cela nous donne la cote offi­cielle de chaque caté­go­rie d’homme considérée :

1. LES FRANÇAIS de la Métro­pole (Corse com­prise) sont envi­ron 42.000.000. Ils avaient, sous la IVe Répu­blique 544 dépu­tés, c’est-à-dire 1 dépu­té pour 77.000 citoyens. Actuel­le­ment ils n’en ont plus que 465, c’est-à-dire 1 dépu­té pour 94.000. La cote est en baisse.

2. LES EUROPÉENS (ET JUIFS) D’ALGÉRIE : leur nombre est d’en­vi­ron 1.000.000. Ils conservent sous la Ve Répu­blique comme sous la IVe leur col­lège élec­to­ral séparé.

De 15 dépu­tés ils sont pas­sés actuel­le­ment à 21 soit d’un dépu­té pour 66.000 citoyens à 1 dépu­té pour 42.000. Cote net­te­ment en hausse.

3. LES ALGÉRIENS pro­pre­ment dits : Envi­ron 10.000.000 d’ha­bi­tants (Saha­ra com­pris). de 15 dépu­tés ils passent à 49 dépu­tés donc d’un dépu­té pour 600.000 à 1 dépu­té pour 200.000. Cote encore plus en hausse, que leur vaut, sans doute, leur ardeur à vou­loir se déta­cher dé la « métro­pole ». Reste à savoir si les futures élec­tions auront autant de valeur pour eux que les anciennes, entiè­re­ment pré­fa­bri­quées par l’administration. 

4. LES NOIRS d’A­frique occi­den­tale, équa­to­riale et de Mada­gas­car. Popu­la­tion esti­mée, faute de recen­se­ment pré­cis à plus de 30.000.000. Conservent inté­gra­le­ment le droit au même nombre de dépu­tés (excep­tion faite de la Gui­née qui est. sor­tie du sys­tème) soit 34 dépu­tés au lieu de 37 donc tou­jours 1 dépu­té pour 1.000.000 de citoyens.

La. ser­vi­li­té éhon­tée des diri­geants poli­tiques afri­cains rap­porte peu dans ce domaine.

Même pro­por­tion pré­vue pour les États auto­nomes (Togo et Came­roun) voués à l’in­dé­pen­dance parce que sous contrôle de l’O.N.U. : Tou­jours 5 dépu­tés pour 5.000.000 d’ha­bi­tants environ.

5. Quant à la ribam­belle des petites colo­nies éparses aux quatre coins des Océans (Poly­né­sie, Nou­velle Calé­do­nie, Soma­lie, Comores, Réunion, Guyane, Antilles et natu­rel­le­ment St Pierre et Mique­lon) elles conservent la même repré­sen­ta­tion. Quelque soit leur exi­guï­té elles ne peuvent avoir moins d’un dépu­té cha­cune, au total 15 dépu­tés pour un peu moins de 1.500.000 citoyens. Soit une pro­por­tion ana­logue aujourd’­hui à celle des Fran­çais d’Europe.

Nous avions sous la IVe Répu­blique l’é­qui­va­lence suivante :

— 66.000 colons = 77.000 Fran­çais = 600.000 Arabes = 1.000.000 de Noirs.

Main­te­nant la rela­tion devient :

— 44.000 Colons = 94.000 Fran­çais = 200.000 Arabes = 1.000.000 de Noirs.

Ou si l’on veut :

IVe Répu­blique, Union fran­çaise soit :

1 colon = 1 Fran­çais = 9 Algé­riens = 15 Noirs.

Ve Répu­bli­qgue, Com­mu­nau­té fran­çaise soit :

1 colon = = 2 Fran­çais = 4 Algé­riens = 20 Noirs.

Ain­si pro­gresse la démo­cra­tie, dans ce sens que le sort du fran­çais métro­po­li­tain se rap­proche de celui de l’A­rabe, tan­dis qu’é­merge le sur­homme du régime, deve­nu seul citoyen à part entière de la « com­mu­nau­té » : le colon d’Algérie.


Nous avons reçu d’An­gle­terre une lettre du cama­rade Ken Hawkes. Celui-ci écrit au nom de la S.W.F. (Socia­list Wor­ker Fede­ra­tion) dont l’or­gane est « Direct Action ». Voi­ci un extrait de sa lettre :

[…] Une cri­tique seule­ment, au sujet de l’ar­ticle « Majo­ri­té et Mino­ri­té ». Nous avons dis­cu­té cette ques­tion très lar­ge­ment il y a des années, au moment où la scis­sion se pro­dui­sit dans le mou­ve­ment anar­chiste bri­tan­nique (1944). Notre expé­rience amère est que le prin­cipe de « l’u­na­ni­mi­té » conduit fata­le­ment à une dic­ta­ture de la fac­tion mino­ri­taire. Évi­dem­ment votre expé­rience au sein de la F.C.L. est tout à fait dif­fé­rente, mais j’es­père que vous ne réagi­rez pas vers un anar­chiste négatif. […]


Suite à notre « Revue des revues mar­xistes » du nº 10 de Noir et Rouge, Jean Mai­tron nous a envoyé une très inté­res­sante lettre dont nous publions la par­tie sui­vante, qui est une mise au point :

[…] « L’Actualité de l’his­toire est la revue d’un Ins­ti­tut créé en 1948 pour ten­ter de sau­ver les archives sociales et tout par­ti­cu­liè­re­ment les archives ouvrières fran­çaises qui jus­qu’a­lors avaient été trop sou­vent ven­dues — ou don­nées — à l’é­tran­ger ou dis­per­sées et même détruites après la mort de ceux à qui elles appar­te­naient Vous savez comme moi — et je ne veux par­ler ici que des archives — que la biblio­thèque de Grave a été acquise par des Chi­nois en 1939 —40. Où est-elle aujourd’­hui ? Mais où sont aus­si les archives de Pou­get, de P. Mar­tin, de Mala­to et de tous ceux qui furent « grands » par­mi les anar­chistes des cin­quante ou soixante-dix der­nières années ? Du moins croyons-nous sau­vé, grâce à sa com­pagne, la biblio­thèque et les papiers de Paul Dele­salle et, ces der­nières années, les 2.000 lettres qui consti­tuaient l’es­sen­tiel des archives de Jean Grave (une thèse est en cours d’é­di­tion aux U.S.A. dont l’au­teur a uti­li­sé ces lettres dans la mesure où elles éma­naient de peintres ; nous-mêmes allons publier très pro­chai­ne­ment l’in­ven­taire de ces lettres ain­si qu’une ou deux études).

Voi­là ce qu’est l’Ins­ti­tut, voi­là ce qu’est sa revue « L’Ac­tua­li­té de l’His­toire ». Certes ceux qui écrivent dans la revue sont aus­si des citoyens et la façon dont ils inter­prètent les docu­ments peut reflé­ter une men­ta­li­té bour­geoise, sta­li­nienne, social-démo­crate… ou anar­chiste, mais cette varié­té même apporte, selon moi, la preuve qu’il ne s’a­git pas d’un Ins­ti­tut ou d’une revue orien­tés. Et je puis assu­rer qu’aus­si long­temps que j’en serai le Direc­teur il en sera ain­si : l’Ins­ti­tut et sa revue seront au ser­vice de l’his­toire sociale, au ser­vice des archives ouvrières et non au ser­vice d’une idéo­lo­gie ou d’un par­ti quels qu’ils soient. 

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