La Presse Anarchiste

Le virus politique dans les syndicats

Là est la cause pro­fonde du mal qui ronge le mou­ve­ment syndical.

Lut­ter contre l’in­gé­rence poli­tique dans les syn­di­cats, c’est se ména­ger la pos­si­bi­li­té de faire l’u­nion de tous les tra­vailleurs pour obte­nir des amé­lio­ra­tions à leurs condi­tions d’existence.

La lutte contre l’in­gé­rence poli­tique dans les syn­di­cats, c’est assu­rer aux mou­ve­ments la pos­si­bi­li­té de don­ner un renou­veau à la conscience de classe des mili­tants écar­tés des tri­pa­touillages électoraux.

La lutte contre l’in­gé­rence poli­tique dans les syn­di­cats, c’est affir­mer la pos­si­bi­li­té pour les tra­vailleurs de se déga­ger de la tutelle de l’É­tat et de ses repré­sen­tants pour gérer leurs propres intérêts.

La lutte contre l’in­gé­rence poli­tique dans les syn­di­cats, c’est écar­ter le dan­ger de pres­sion sur l’or­ga­ni­sa­tion exer­cée par une cer­taine forme de capi­ta­lisme dit « libé­ral », mais repré­sen­tant en fait les inté­rêts camou­flés des trusts.

La lutte contre l’in­gé­rence poli­tique dans les syn­di­cats, c’est écar­ter le dan­ger de voir le syn­di­ca­lisme, influen­cé par la poli­tique de puis­sances étran­gères, aban­don­ner son tra­di­tion­nel carac­tère d’an­ti­mi­li­ta­risme pro­lé­ta­rien pour joindre sa voix aux pour­voyeurs de charniers.

Cette lutte doit être le point cen­tral de l’ac­tion que mènent les liber­taires pour for­mer un mou­ve­ment syn­di­cal ; elle sera, non de sau­ver le capi­ta­lisme libé­ral pour­ris­sant, mais d’ac­cé­lé­rer sa chute tout en se pré­pa­rant à s’ins­tal­ler sur ses ruines pour jouer son rôle de pilier dans la Com­mune liber­taire de demain.

Il faut écra­ser le virus poli­tique dans les syndicats.

Les pers­pec­tives envi­sa­gées par les bonzes actuels du mou­ve­ment syn­di­cal sont claires. Elles revêtent cette forme de capi­tu­la­tion, connu sous le nom de réfor­misme, et de tout temps dénon­cée par le syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire, et dont le mot d’ordre cen­tral plus ou moins camou­flé sous une phra­séo­lo­gie aus­si creuse que ron­flante reste celui de tous les char­la­tans de tri­bune qui encombrent la cen­trale ouvrière : col­la­bo­ra­tion des exploi­tés avec les exploiteurs.

Si cer­tains conservent encore quelques illu­sions sur leurs direc­teurs cégé­tistes, le der­nier article de Mon­mous­seau dans la « Vie ouvrière » devrait suf­fire à les éclairer.

Dans cet article, le secré­taire de la Fédé­ra­tion des che­mi­nots y prend vio­lem­ment à par­tie la mino­ri­té de son syn­di­cat qui a dénon­cé par tracts les com­pro­mis­sions sus­pectes de la direc­tion fédé­rale. Il se sert pour cette besogne dou­teuse d’ar­gu­ments qui lui sont fami­liers, car ce sont ceux qu’employaient contre lui les bonzes réfor­mistes de la C.G.T. lors de la grande grève des che­mi­nots de 1922.

Quelles sont donc les rai­sons qui font que celui qui a été long­temps consi­dé­ré comme la « grande gueule » du syn­di­ca­lisme soit deve­nu main­te­nant le chantre ins­pi­ré de la récon­ci­lia­tion natio­nale, le vigi­lant gar­dien des inté­rêts d’une éco­no­mie sur le point de s’ef­fon­drer, que celui qui fut un anti­mi­li­ta­riste farouche soit deve­nu le cham­pion d’une grande armée natio­nale ? La rai­son est très simple : Mon­mous­seau a été gagné, comme beau­coup de ses pareils, par le virus politique.

Ce n’est pas la pan­ta­lon­nade sans digni­té qu’il joua au der­nier congrès du par­ti com­mu­niste, en affec­tant de rejouer pour son compte la fameuse nuit du 4 août, où notre farouche cégé­tiste immo­la à ses amours syn­di­ca­listes son man­dat de membre du comi­té cen­tral de son par­ti qui trom­pe­ra les tra­vailleurs. Devant ces contor­sions gro­tesques, on est ten­té de trou­ver avec le Petit Cha­pe­ron Rouge que la grand’­mère a de bien grandes dents.

Les méthodes de ces néo-réfor­mistes, pour arri­ver à impo­ser aux masses ouvrières leurs buts de conci­lia­tion, de récon­ci­lia­tion, revêtent éga­le­ment une forme bien connue.

Les coups de gueule les plus clair­voyants y voi­sinent avec les essais d’in­ti­mi­da­tion les plus répu­gnants. Qui­conque se trouve en désac­cord avec la gym­nas­tique que s’im­pose le bureau confé­dé­ral pour conci­lier les incon­ci­liables se voit aus­si­tôt rap­pe­ler sur un ton pate­lin les dan­gers de la cin­quième colonne non encore mise à la raison.

Cin­quième colonne, si vous pen­sez que le cama­rade Jou­haux a bien méri­té un repos après les souf­frances qu’il a pu endu­rer pen­dant sa captivité !

Cin­quième colonne, si vous pen­sez que la pré­sence de Mon­mous­seau est plus néces­saire à la direc­tion du par­ti com­mu­niste qu’à la C.G.T. et que, somme toute, les tra­vailleurs se seraient bien pas­sé du sacri­fice qu’il a fait en optant pour cette dernière !

Cin­quième colonne, si vous pen­sez que la ron­flante opé­ra­tion poli­tique ten­tée par cer­tains sous le nom d’«États géné­raux » n’a été qu’une par­lotte entre gens, tou­jours les mêmes, qui se ren­contrent dans toute une série de mani­fes­ta­tions dont le nom change, mais dont l’es­prit demeure !

Cin­quième colonne, si vous vous per­met­tez de mur­mu­rer que l’en­semble des métal­los s’est abs­te­nu de pavoi­ser à l’an­nonce de l’aug­men­ta­tion du timbre syndical !

Cin­quième colonne, si vous avez le mal­heur de pen­ser que d’autres méthodes appli­quées contre d’autres ministres du Tra­vail se sont révé­lées plus effi­caces que les par­lotes Saillant-Parodi !

Cin­quième colonne, d’au­tant plus redou­table qu’elle se mani­feste depuis long­temps, car il nous semble bien nous rap­pe­ler que ces véri­tés ont été écrites autre­fois dans un cer­tain nombre de jour­naux dont l’«Humanité » et la « Vie Ouvrière » sous la signa­ture de syn­di­ca­listes qui s’ap­pe­laient Semart, Ray­naud, Raca­mond et même Mon­mous­seau. Si cin­quième colonne il y a, il faut recon­naître qu’elle s’é­tait ser­vie de plumes bien alertes à trom­per les travailleurs.

Com­ment se fait-il que la cen­trale syn­di­cale se soit lais­sé impo­ser des méthodes si contraires aux tra­di­tions du syn­di­ca­lisme de lutte de classe ?

Là encore la rai­son est bien simple : la C.G.T. a été atteinte par le virus politique !

La Presse Anarchiste