La Presse Anarchiste

« Ils » sont encore en prison

Eysses (Lot-et-Garonne)? Nom sinistre qui résonne dou­lou­reu­se­ment dans la tête de ceux qui y furent les pen­sion­naires de la « Révo­lu­tion du Men­songe » entre 1940 et 1945.

Eysses qui vit se dérou­ler dans ses murs, avant la libé­ra­tion en masse de ses déte­nus, une effroyable tuerie.

Eysses aux murs sombres, aux cours étroites, aux sabots cla­quants d’un bruit sinistre. Eysses vient de rece­voir un nou­veau contin­gent de prisonniers.

Des fas­cistes ? Des mili­ciens ? Enfin peut-être de ces bour­reaux dont le sadisme a pu s’exer­cer pen­dant des années, à l’ombre de la « récon­ci­lia­tion fran­çaise » ? Allons donc ! Eysses vient de rece­voir les « mutins de Vancia ».

Des hommes avaient cru au com­bat pour la libé­ra­tion. Des hommes avaient cru à l’ap­pel lan­cé pour la lutte anti­fas­ciste. Des hommes, répon­dant à cet appel, essayaient, le 24 août 1944, de s’emparer du fort de Van­cia où ils étaient déte­nus pour divers délits mili­taires par la pour­ri­ture vichyssoise.

Il s’a­gis­sait là de détruire un dépôt de muni­tions qui se trou­vait dans ce fort, de libé­rer les pri­son­niers et de for­mer un groupe déci­dé à lut­ter contre « les fas­cismes ». L’af­faire échoua, la répres­sion fut ter­rible. Tra­duits devant une cour mar­tiale, ils allaient être fusillés, lorsque les Nazis et leurs valets éva­cuèrent la région.

S’ils s’at­ten­daient à être libres, leurs illu­sions s’en­vo­lèrent bien vite. Non seule­ment ils res­tèrent en pri­son sous les coups des mêmes gardes-chiourmes, mais ils virent avec stu­peur les auto­ri­tés judi­ciaires gaul­listes pour­suivre contre eux les accu­sa­tions de leurs prédécesseurs.

Et il fal­lut attendre cinq longs mois de misère, de doute, d’a­mer­tume pour qu’en­fin la sinistre comé­die prît fin et qu’ils obtinssent de la « France libre » un non-lieu pour avoir par­ti­ci­pé à un mou­ve­ment de résis­tance antifasciste.

Et depuis ils conti­nuent d’ef­fec­tuer la peine que leur avaient infli­gée les tri­bu­naux de Pétain. Peine mili­taire ? Effec­tuée dans des pri­sons mili­taires ? Peine adou­cie par la consi­dé­ra­tion que leur vaut leur nette atti­tude dans la lutte anti­fas­ciste ? Allons donc ! Les pri­sons mili­taires sont occu­pées par les col­la­bo­ra­teurs et nos amis viennent de rejoindre Eysses où ils pour­ront médi­ter sur la dif­fé­rence entre la répres­sion impi­toyable par le gou­ver­ne­ment fas­ciste de Vichy de la muti­ne­rie de cette cen­trale et le trai­te­ment que leur réserve le gou­ver­ne­ment « anti­fas­ciste » d’aujourd’hui.

Il faut en finir avec la déten­tion de mili­taires empri­son­nés depuis de longues années. Il faut en finir avec cette cen­trale de cau­che­mars. Il faut libé­rer les mutins de Van­cia. Il faut raser Eysses !

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