Au moyen âge, la famille devient la base de la société. De même pendant la Renaissance, malgré les mœurs dissolues, imputables du reste aux couches sociales les plus policées…
Ce tour d’horizon nous permet de constater que l’humanité, après avoir passé par une période de simple attraction sexuelle et d’indépendance, est parvenue à canaliser ses instincts et constituer un foyer où doit régner, avec la conformité des goûts, le sentiment des devoirs et des droits.
L’individu n’offre-t-il pas en raccourci la même image qui, après avoir jeté sa gourme pendant la tumultueuse jeunesse, aspire en pleine maturité aux joies apaisées du mariage ?
L’acheminement vers la monogamie se réalise, en effet, au fur et à mesure de l’évolution morale des peuples.
Ainsi la loi mosaïque et plus tard le christianisme en font une règle absolue. Dans l’Inde, nous relevons dans le Mahabharata, recueil de légendes, que Suwe Taktu, fils de Rishi Vdaalana, exige « qu’à l’avenir chaque femme appartiendrait à un seul homme et chaque homme à une seule femme ».
De même, l’empereur chinois Fouhi abolit la promiscuité dans ses États et institue le mariage.
Chez les Lapons existent des chants légendaires en l’honneur des dieux Njarvis et Altjis symbolisant le mariage.
À Rome, la matrone genitrix est fort respectée, les « divertissements » extra-conjugaux étant assurés par mimes, courtisanes et joueuses de flûte…
Certains facteurs interviennent pour assurer la protection et l’efficacité du mariage ; ils sont de deux ordres, les uns imposés par un processus naturel commun à toutes les espèces, les autres dictés par une législation libérale ou coercitive suivant les pays.
La doctrine de la sélection naturelle de Darwin et son école au XIXe siècle démontrent avec éclat le mécanisme de l’évolution sous l’influence du milieu. Elle semble pleinement justifiée.
En vertu de la reproduction non contrôlée, le nombre des individus vivants tend à s’accroître sans cesse ; or les ressources du globe surtout alimentaires restant limitées ou tout au moins sujettes à de grandes variations, le surpeuplement engendre automatiquement la famine, établit une concurrence vitale redoutable où le faible est impitoyablement éliminé et parviennent seuls à subsister les plus résistants et les mieux adaptés aux conditions ambiantes.
La nature paraît effectuer un choix intelligent en réglementant la fécondité. Une certaine mutabilité apparaît dans les différentes espèces, ce qui n’exclut pas la valeur de l’hérédité, les enfants ressemblant davantage à leurs générateurs qu’à des étrangers, mais l’hérédité a justement le mérite de fixer les caractères utiles obtenus par la sélection naturelle. La consanguinité pose à cet égard un problème des plus intéressant : nous avons vu l’union du frère et de la sœur préconisée jadis en Égypte et en Assyrie afin d’assurer par la lignée maternelle la pureté du sang.
Or cette coutume ne se généralisa pas, très vraisemblablement à la suite de la stérilité qui en a découlé. Pendant plus de cent ans les mariages fraternels des Lagides demeurèrent inféconds et aboutirent à une seule naissance, celle de Plolémée V Épiphane. Il a fallu la transfusion du sang séleucide par Cléopâtre de Syrie pour donner à cette dynastie une fécondité que la consanguinité avait étouffée.
En zootechnie, le croisement consanguin est utilisé pour fixer les caractères dominants et les éleveurs ne sont pas peu fiers des animaux primés, qu’ils cèdent aux amateurs munis de leur pedigree ou arbre généalogique… Mais la dégénérescence survient rapidement, surtout si les accouplements ont lieu dans la même parenté et oblige ultérieurement à une fécondation croisée. Il est à remarquer que les défauts s’accentuent à l’égal des qualités, ce qui frappe le public et l’incite à déconseiller les unions entre trop proches parents (cousins, oncle et nièce, etc.).
Mendel, par des études systématiques chez le rat, le pois, la drosophile, a déterminé les lois de l’eugénisme, de l’hybridité et du métissage. Il en ressort qu’il existe une limitation des croisements d’abord par la dégénérescence, puis par la stérilité consécutive des produits (mulets, certains passereaux, etc.).
L’exception se transmet seulement si elle recèle un ferment de progrès amplifiable chez les descendants. La nature sait apporter là encore le plus souhaitable des freins.
Son action sur l’homme civilisé est par contre assez réduite, car celui-ci s’est ingénié à améliorer au maximum les conditions de son existence et à y introduire les notions d’hygiène susceptibles d’en prolonger la durée. Par ailleurs, il a largement collaboré à la raréfaction de l’espèce en recourant à la guerre !
En temps ordinaire, le souci de diminuer les charges d’assistance aux malades et aux anormaux lui a suggéré des remèdes législatifs. Les méthodes ont été variables suivant les pays, partagés en tendances démocratiques et totalitaires.
Dans les premiers, il a été institué des consultations prénuptiales, afin d’éliminer les reproducteurs tarés. Elles sont obligatoires et tendent à instruire les futurs époux de leur état sanitaire et de l’éventualité de sanctions judiciaires et réparatives en cas de dommage.
Ces mesures, très souples, se fient à la conscience, l’honnêteté réciproque des époux, mais n’ont pu donner jusqu’à présent en France les résultats escomptés : les malades passent généralement autre au verdict et n’osent plus ensuite recourir à la loi.
Des mesures sévères, voire draconiennes, ont été prises dans les pays totalitaires. Hitler, dans Mein Kampf, dégage l’observation suivante : « Il est certain qu’un jour viendra où l’humanité ne pouvant plus faire face aux besoins de sa population croissante par l’augmentation du rendement du sol, devra limiter l’accroissement du nombre des humains. Elle laissera la nature se prononcer ou bien elle essayera d’établir elle-même l’équilibre. »
Le 14 juillet 1933, entrait en vigueur dans le Reich une loi instituant la stérilisation : 1° dans le cas de faiblesse mentale congénitale, idiotie, schizophrénie, épilepsie, malformations héréditaires importantes, etc.
La stérilisation, notons-le, est obtenue par la ligature des canaux déférents chez l’homme, des trompes utérines chez la femme. Elle devait être pratiquée contre la volonté même des intéressés, à partir de dix ans, pas à un âge avancé ou si le malade était interné et sons surveillance. Un tribunal de santé présidait à l’examen de chaque cas avant de statuer.
La stérilisation dans les cas précités est indéniablement excellente, car il est des a « fécondations criminelles », ainsi que le démontre Aurèle Patorni dans son Livre sociologique, mais les motifs qui la déterminent doivent rester purs et surtout exempts de fins politiques et raciales forcément arbitraires.
En conclusion, nous ne pouvons mieux faire que de citer notre maître Sicard de Plauzoles, terminant ainsi, en 1935, sa leçon inaugurale à la Faculté de médecine :
« Je pense, quant à moi, que la paix du monde et l’avenir de l’espèce humaine sont liés à la limitation et à l’équilibre des populations. Réaliser dans chaque pays la population optima, organiser internationalement la production et la répartition des subsistances, organiser le travail pour tous, tel doit être le but commun des nations. »
Dr Yvonne Menneret