La Presse Anarchiste

L’îlot de Clipperton

Qui croi­rait qu’un îlot déser­tique, aux côtes infes­tées de requins, situé en plein Paci­fique, et, qui plus est, éloi­gné de toutes les grandes routes mari­times, pût être l’en­jeu d’une riva­li­té franco-américaine ?

Décou­vert par la marine royale le 17 novembre 1838, le rocher de Clip­per­ton fut « annexé » par la Troi­sième Répu­blique, mal­gré l’op­po­si­tion du Mexique et après qu’une sen­tence arbi­trale de feu Vic­tor-Emma­nuel III eût solen­nel­le­ment confir­mé la sou­ve­rai­ne­té fran­çaise sur l’île.

Nul ne se sou­ciait plus de son exis­tence, lors­qu’en jan­vier 1943 la marine amé­ri­caine — dési­rant sans doute s’of­frir une base stra­té­gique dans sa guerre contre le japon — s’a­vi­sa d’en­voyer à Clip­per­ton un déta­che­ment char­gé d’y ins­tal­ler une sta­tion météo­ro­lo­gique. Mal­heu­reu­se­ment, cette opé­ra­tion fut entre­prise à l’in­su du Gou­ver­ne­ment fran­çais, lequel, ayant eu par la suite connais­sance de ce « coup de force », éle­va une pro­tes­ta­tion éner­gique à Washing­ton contre cette atteinte à la sou­ve­rai­ne­té nationale.

Avant la fin de l’an­née tout ren­trait dans l’ordre, le Gou­ver­ne­ment des États-Unis ayant reti­ré de Clip­per­ton tout son per­son­nel naval, lais­sant le rocher inha­bi­té comme devant…

Ayant appris que l’île se trou­vait aujourd’­hui incluse dans l’«aire pri­vi­lé­giée de défense conti­nen­tale » défi­nie à la Confé­rence de Rio, un dépu­té com­mu­niste, M. Jean Guillon, s’in­quié­ta auprès du Ministre des Affaires étran­gères de savoir « si le Gou­ver­ne­ment de la Répu­blique main­te­nait tou­jours sa sou­ve­rai­ne­té sur Clip­per­ton et sous quelles formes il l’affirmait ».

L’ho­no­rable par­le­men­taire a, comme il fal­lait s’y attendre, reçu tous apai­se­ments, le Minis­tère de la Marine se décla­rant « dis­po­sé, si besoin était, à envoyer à nou­veau l’une de ses uni­tés de guerre à Clip­per­ton » afin de rap­pe­ler « d’une manière osten­ta­toire » aux puis­sances étran­gères les droits de la France sur cet îlot per­du du Grand Océan [[Voir Jour­nal offi­ciel du 23 août 1948.]].

Au moins, les requins sau­ront sur qui compter…

Mais qui donc osait trai­ter de « défai­tistes » ou de « natio­na­listes étran­gers » les membres du grand par­ti ouvrier français ?

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