La Presse Anarchiste

Un critérium libertaire de la révolution

Nous n’en sommes plus aux concep­tions roman­tiques d’une révo­lu­tion par quoi l’homme, libé­ré des oppres­sions sociales et des contra­dic­tions éco­no­miques, pro­gres­se­rait ensuite sans à‑coups dans la paix vers la justice.

Trente années de révo­lu­tions et de contre-révo­lu­tions met­tant le vieux monde au chaos de l’At­lan­tique au Paci­fique, toutes accom­plies dans la vio­lence, la pas­sion, le sec­ta­risme et la cruau­té ; trente années de dés­illu­sions inclinent le socio­logue et le phi­lo­sophe à repen­ser le pro­blème du pro­grès humain sur des don­nées plus objec­tives que les vues de l’es­prit des dis­ciples de Jean-Jacques.

Il est à remar­quer aus­si que ces révo­lu­tions se sont pro­duites dans et par les guerres inter­na­tio­nales et que la guerre civile — qui est le corol­laire inévi­table des bou­le­ver­se­ments sociaux — n’a nulle part échap­pé aux inter­ven­tions de forces gou­ver­ne­men­tales d’autres nations.

Autre­ment dit, la révo­lu­tion dans un pays ne se limite plus de nos jours aux consé­quences qu’en pou­vaient attendre les habi­tants de ce pays. Ces consé­quences affectent le monde entier et sont modi­fiées de ce fait. Une révo­lu­tion natio­nale est, en quelque sorte, une offen­sive vic­to­rieuse sur un point du front de la révo­lu­tion pla­né­taire. Elle appelle donc, inévi­ta­ble­ment des contre-offen­sives, des réac­tions sur d’autres points.

Ain­si s’ex­plique l’é­tat de guerre per­ma­nent où nous vivons depuis 1914 et les condi­tions cruelles, la forme tota­li­taire de ces conflits qui, dans leurs mobiles et leurs moyens, ont tous les carac­tères d’une guerre civile.

Les contradictions de notre temps

À cause de ces carac­tères, les atti­tudes des par­tis et des hommes dans ces conflits déroutent l’en­ten­de­ment. Les aspects capi­ta­listes de la guerre que dénoncent les paci­fistes révo­lu­tion­naires sub­sistent. Mais il se trouve que les inter­fé­rences des idéo­lo­gies natio­nales en conflit placent par­tis et indi­vi­dus devant des situa­tions contradictoires.

Sans y insis­ter davan­tage, cha­cun sait com­ment, par exemple, le capi­ta­lisme peut appuyer le fas­cisme contre le com­mu­nisme, puis, gêné par les atteintes que le fas­cisme porte au lais­sez-faire du libé­ra­lisme éco­no­mique, se retour­ner contre cet auxi­liaire abu­sif. À ce moment, les adver­saires du fas­cisme, qui sentent qu’ils seront défi­ni­ti­ve­ment écra­sés si le fas­cisme l’emporte, ont momen­ta­né­ment par­tie liée avec leurs adver­saires capi­ta­listes. Des remarques de même ordre expliquent de sur­pre­nantes ren­contres à l’é­gard du com­mu­nisme sta­li­nien aux mani­fes­ta­tions impérialistes.

Il est évident que des hommes poli­tiques, obli­ga­toi­re­ment enga­gés sur des posi­tions que les fluc­tua­tions de la conjonc­ture les forcent d’a­ban­don­ner, puis de reprendre sous un autre angle, ne sau­raient évi­ter l’ac­cu­sa­tion de pali­no­die et gar­der figure d’hon­nêtes gens. À la véri­té, ils n’en prennent guère sou­ci, entraî­nés qu’ils sont à ne rien juger qu’en fonc­tion de l’immédiat.

Voi­là pour la démo­ra­li­sa­tion publique insé­pa­rable des longues guerres et pour la dure­té des hommes insé­pa­rable des guerres civiles.

Les inconséquences idéologiques

Quelle est, en tout cela, la situa­tion d’un esprit liber­taire pour qui le des­tin de l’homme est la rai­son de lut­ter par delà les contin­gences du temps ?

Son atti­tude dépend et ne peut dépendre que de sa posi­tion phi­lo­so­phique. Les liber­taires pas­sion­nels, ins­tinc­tifs — qui sont les plus nom­breux sin­gu­liè­re­ment par­mi les jeunes — obéissent à leurs élans et se butent faci­le­ment dans un abso­lu. Tout perdre s’il le faut, mais ne tran­si­ger sur aucun principe.

Qui se per­met­trait de les en blâ­mer ? Certes pas le liber­taire objec­tif, bien que sa posi­tion soit aux anti­podes, parce que, pré­ci­sé­ment, cette posi­tion lui com­mande de prendre les choses comme elles sont, que l’a­nar­chisme pas­sion­nel est un élé­ment des choses et que, sans lui, il n’y aurait sans doute pas d’a­nar­chisme du tout.

Il faut que des hommes aillent plus loin qu’il n’est rai­son­nable d’al­ler pour que d’autres puissent plus tard s’y rendre par che­min de fer. Il suf­fit de savoir que l’in­gé­nieur qui construit le che­min de fer ne rai­sonne pas comme l’explorateur.

Tou­te­fois, l’ex­plo­ra­teur lui-même aug­mente ses chances de réus­sir si ses connais­sances géo­gra­phiques et quelques autres connais­sances corol­laires lui per­mettent de ne pas s’a­ven­tu­rer au hasard. Et lors­qu’il se pro­pose en même temps de chas­ser l’é­lé­phant, il est pré­fé­rable qu’il ne choi­sisse pas l’A­ma­zo­nie comme ter­ri­toire d’exploration.

Or c’est exac­te­ment ce qu’ont fait les explo­ra­teurs de la révo­lu­tion au cours du XIXe siècle. C’est ce que conti­nuent de faire beau­coup de leurs dis­ciples qui ne consentent pas à tran­si­ger sur leur idéal, même si cet « idéal » est fal­la­cieux. Bien qu’ils s’af­firment anti­re­li­gieux, ils s’en­ferment dans une obs­ti­na­tion mys­tique et chassent l’é­lé­phant blanc en Patagonie.

Le XIXe siècle, qui accou­cha les sciences fécon­dées au siècle pré­cé­dent, prê­ta à ses pupilles toutes les ver­tus, toutes les beau­tés qu’il rêvait. Il pen­sa que si leur père, l’homme, mal­gré ses défauts et ses vices, avait pu enfan­ter de si belles filles, c’est qu’il por­tait en lui le germe d’un pro­grès indé­fi­ni. Toutes les idéo­lo­gies révo­lu­tion­naires — y com­pris le mar­xisme — ont pro­cé­dé de cette illu­sion. Nos dés­illu­sions en ont décou­lé non moins naturellement.

L’homme ne change pas…

L’axiome : « Le fond de l’homme ne change pas », qui fut la conclu­sion de l’é­tude his­to­rique des com­por­te­ments humains, est aujourd’­hui confir­mé par la bio­lo­gie géné­tique, en dépit de la pseu­do­bio­lo­gie « sta­li­nienne » dont nous reparlerons.

La pro­gres­sion de l’homme comme tel, du pithé­can­thrope à l’homme de Cro-Magnon, peut trou­ver une expli­ca­tion dans de suc­ces­sives muta­tions sur­ve­nues au cours d’un mil­lion d’an­nées d’é­vo­lu­tion à l’é­tat sau­vage. Dans le monde moderne il n’y a pra­ti­que­ment aucune chance pour qu’une muta­tion favo­rable — si elle se pro­dui­sait — se main­tienne et se déve­loppe. Un homme uti­le­ment trans­for­mé serait un monstre et un monstre ne dure ni ne se repro­duit au sein de notre civilisation. 

Au regard de la bio­lo­gie, il est aujourd’­hui avé­ré que les carac­tères acquis au cours de la vie d’un indi­vi­du ne se trans­mettent pas à sa des­cen­dance. S’il en était autre­ment, les enfants de Jiva­ro, à qui on apla­tit le front à leur nais­sance, auraient fini par deve­nir des repro­duc­teurs d’en­fants au front apla­ti ; les Chi­noises aux pieds atro­phiés durant des siècles auraient fina­le­ment don­né nais­sance à des filles et, aus­si, à des gar­çons aux pieds atro­phiés. Seules se trans­mettent les vir­tua­li­tés conte­nues dans les gènes et sans cesse repro­duites, les mau­vaises comme les bonnes. Mal­gré les croi­se­ments, la moyenne de ces vir­tua­li­tés se main­tient, en ver­tu de la loi des grands nombres, pro­ba­ble­ment la même depuis quelque trente ou trente-cinq mille ans. Il n’y a pas de rai­son pour qu’elle change.

… mais ses comportements évoluent

Cepen­dant, l’homme de Paris n’est plus l’homme de Cro-Magnon. Un chan­ge­ment, sinon un pro­grès, s’est opé­ré dans ses com­por­te­ments, sa pen­sée s’est enri­chie, sa sen­si­bi­li­té s’est affi­née. C’est de l’é­tude des condi­tions de ce chan­ge­ment que découle l’o­rien­ta­tion à don­ner aux révo­lu­tions. C’est en s’ef­for­çant de diri­ger les chan­ge­ments qu’on en fera résul­ter un progrès.

Le pro­ces­sus de ce pro­grès appa­raît d’é­vi­dence. Les qua­li­tés bonnes et mau­vaises de l’homme demeurent immuables, les condi­tions de vie ne s’a­mé­liorent que par une modi­fi­ca­tion du milieu social en un sens tel qu’une sorte de prime soit acquise aux qua­li­tés les meilleures. En d’autres termes, l’é­goïsme indi­vi­duel étant irré­duc­tible — et d’au­tant moins qu’il est un fac­teur d’i­ni­tia­tive et d’ac­ti­vi­té — il faut que les condi­tions de la vie sociale entraînent l’in­di­vi­du à se com­por­ter de telle sorte que ses actes soient à la fois pro­fi­tables à lui-même et à la col­lec­ti­vi­té tout entière.

Cette vue n’est pas nou­velle et cepen­dant aucun sys­tème n’est jamais par­ve­nu à la réa­li­ser. Cor­res­pond-elle ou non à la réa­li­té ? Sa réa­li­sa­tion ne dépend-elle que du fac­teur temps ? L’his­toire de l’hu­ma­ni­té répond affir­ma­ti­ve­ment, sous la réserve qu’on la consi­dère depuis ses ori­gines et en s’en tenant aux grandes courbes de l’é­vo­lu­tion des sociétés.

L’homme grégaire

La cause ini­tiale de l’as­su­jet­tis­se­ment des hommes fut leur ins­tinct gré­gaire, l’ins­tinct ani­mal de l’es­pèce qui, en accé­dant à l’in­tel­li­gence, se tra­dui­sit par des rites. Faute de pou­voir s’ex­pli­quer concrè­te­ment la nature des choses, l’homme ima­gi­na des expli­ca­tions dic­tées par ses réac­tions subjectives.

Il y avait là un bal­bu­tie­ment de la pen­sée, mais aus­si un réflexe de défense ins­tinc­tive contre les élé­ments hos­tiles. L’homme défen­dait sa vie et, d’a­bord, son vivre et son cou­vert. D’où les rites de chasse et de construc­tion qui le firent pri­son­nier d’un confor­misme étroit. Les actes d’un homme du clan reten­tis­sant sur tous dans le monde magique qu’ils avaient ima­gi­né, nul ne pou­vait être libre puisque tous dépen­daient des actes de chacun.

Il a fal­lu les cata­clysmes cli­ma­tiques de la fin du paléo­li­thique pour que les hommes, obli­gés de s’a­dap­ter à des condi­tions nou­velles, s’af­fran­chissent de rites désor­mais dépas­sés. Peut-être est-ce à cette cir­cons­tance qu’est due l’é­vo­lu­tion plus rapide et plus ancienne des peuples de l’hé­mi­sphère nord où se sont pro­duits ces cataclysmes.

Un pre­mier point est à rete­nir : c’est le bou­le­ver­se­ment du cli­mat, et donc des condi­tions éco­no­miques, qui a déter­mi­né la libé­ra­tion de l’in­di­vi­du par rap­port aux impé­ra­tifs mys­tiques du groupe. Un second point, c’est que les luttes à mener pour s’a­dap­ter aux condi­tions nou­velles ont déve­lop­pé chez l’homme l’in­tel­li­gence objective.

Si l’on réflé­chit au rôle inhi­bi­tif, émas­cu­la­teur, que n’ont ces­sé de tenir les idéo­lo­gies sub­jec­ti­vistes — phi­lo­so­phiques ou reli­gieuses — la conclu­sion s’im­pose d’elle-même : l’homme pro­gresse par sa lutte pour la conquête d’un mieux-être maté­riel et, à l’oc­ca­sion de cette lutte, il déve­loppe ses facul­tés d’ob­ser­va­tion et de juge­ment. Au contraire, les phi­lo­so­phies sub­jec­ti­vistes — même de bonne foi — ont pour consé­quence de le détour­ner de la recherche des réa­li­tés posi­tives et du bien-être maté­riel qui faci­lite le déga­ge­ment de la pen­sée et de le livrer à l’eu­nu­chisme des jouis­sances ima­gi­na­tives, à la facile et vaine construc­tion d’un monde ima­gi­naire. Du même coup, elles faussent son jugement.

L’homme imaginatif

Mais il reste que l’homme a une ten­dance innée aux créa­tions ima­gi­naires, à se sor­tir de sa condi­tion natu­relle, à se déli­vrer de ses ins­tincts ani­maux. Il se veut gran­dir et c’est par cela que se fait le pro­grès moral des socié­tés. Il ima­gine des hypo­thèses et c’est par elles qu’il est entraî­né à décou­vrir. Culti­vée sur ce plan, l’i­ma­gi­na­tion est féconde. Le mal, c’est que trop sou­vent elle se satis­fasse de soi et sub­sti­tue le rêve à la pen­sée, la béa­ti­tude à l’action.

Par cette sub­sti­tu­tion, l’homme perd la facul­té de rai­son­ner juste, donc d’ap­prendre à se conduire seul ; il retombe aux chaînes des rites, parce que son juge­ment se satis­fait des approxi­ma­tions d’une logique abs­traite. Or si la logique est un ins­tru­ment par­fait de rai­son­ne­ment, c’est à condi­tion qu’elle parte de pos­tu­lats véri­fiés. Elle n’est pas par elle-même un cri­tère d’exac­ti­tude. On rai­sonne avec une égale logique sur le vrai et. sur le faux. Un juge­ment n’est valable que si le pos­tu­lat du rai­son­ne­ment est véri­fié, et il ne l’est que par sa coïn­ci­dence avec les faits observables…

En résu­mé, l’homme a conquis des avan­tages maté­riels sous l’empire de la néces­si­té. Il y a acquis un élar­gis­se­ment de la pen­sée objec­tive, mais il n’a pas dis­ci­pli­né sa néces­saire ima­gi­na­tion à ce qui est du domaine de ses facul­tés, c’est-à-dire à l’ex­plo­ra­tion et à l’ap­pré­hen­sion du réel.

Com­ment peut-il acqué­rir cette dis­ci­pline qui le gar­de­ra des embas­tille­ments de l’es­prit ? Tout sim­ple­ment de la même manière que sont conci­liées les ten­dances au moindre effort qui sus­citent l’in­ven­tion des machines aux dépens de la san­té phy­sique : le sport, l’ef­fort deve­nu jeu, réta­blit l’é­qui­libre. De même, la culture de l’es­prit satis­fait aux élans ins­tinc­tifs qui portent l’homme à se dépas­ser, sans qu’il ait à renon­cer les plai­sirs de la chair que sa culture même l’in­cite à modé­rer natu­rel­le­ment. Plus un homme est culti­vé et, sur­tout, éclec­ti­que­ment culti­vé, moins il offre de prise aux dogmes, aux truismes, aux confor­mismes. Plus il s’at­tache, en marge de sa spé­cia­li­té, à prê­ter atten­tion à des dis­ci­plines diverses, à se tenir au fait des choses du vaste monde, plus il devient déli­cat dans le choix de ses plai­sirs et com­pré­hen­sif des dilec­tions d’autrui.

La culture dans la révolution

Ain­si, res­té bio­lo­gi­que­ment sem­blable à lui-même, le bar­bare que nous voyons réap­pa­raître chez tant d’in­di­vi­dus quand les troubles déchaînent et exa­cerbent les ins­tincts de la brute refou­lée, ce même homme se mani­feste sociable, cour­tois et sou­vent géné­reux dans une ambiance sociale comme hui­lée de civi­li­té. La culture accu­mu­lée et décan­tée a déve­lop­pé dans le milieu ce qui est pro­fi­table à l’hu­ma­ni­té et ten­du à inhi­ber ce qui lui est nui­sible. Chaque indi­vi­du par­ti­ci­pant de cette culture et bai­gnant dans cette ambiance a fait épa­nouir le meilleur de sa nature et contraint ou mas­qué le mauvais.

Il se pro­duit à l’é­gard du cer­veau et de la sen­si­bi­li­té exac­te­ment ce qui se pro­duit à l’é­gard du corps. L’ath­lète, en culti­vant, en déve­lop­pant ses muscles pour eux-mêmes, se délivre de sur­croît des adi­po­si­tés mal­saines et de la méchante humeur que cause une mau­vaise circulation.

Il semble donc qu’on puisse admettre que l’es­sen­tiel du pro­grès de l’homme réside dans l’ap­pro­fon­dis­se­ment et la grande dif­fu­sion de la culture, sa liber­té dans l’ex­pres­sion sans entraves de ses idées et la cor­rec­tion de la liber­té dans la confron­ta­tion des idées aux faits. La liber­té dis­pa­raît avec la culture quand les indi­vi­dus sont sou­mis à un ensei­gne­ment diri­gé, quel qu’il soit, et d’où sont ban­nis, l’op­po­si­tion, la contra­dic­tion et le souple éclec­tisme, celui qui sert à s’in­for­mer et non à se dérober.

Le plus grand des crimes contre l’in­tel­li­gence, c’est de conduire l’in­di­vi­du, au moyen d’un ensei­gne­ment faus­se­ment objec­tif, à des réflexes sub­jec­tifs qui le rendent inca­pable de réagir à l’ar­gu­ment d’au­to­ri­té. Une telle édu­ca­tion est pire que la for­ma­tion d’un sub­jec­ti­visme reli­gieux. La reli­gion sup­pose la foi. Les incon­sé­quences de la reli­gion peuvent détruire la foi ou la sous­traire aux impé­ra­tifs des cler­gés tem­po­rels. Rien ne peut remé­dier à la défor­ma­tion de jeunes cer­veaux en qui est incul­quée une rigou­reuse méthode de rai­son­ne­ment à sens unique. Mieux vau­drait ne pas rai­son­ner que de rai­son­ner sys­té­ma­ti­que­ment faux.

C’est quand elle abou­tit à cette concep­tion de l’u­ni­fi­ca­tion imbé­cile d’un peuple qu’une révo­lu­tion — quoi qui la jus­ti­fie d’autre part — est une dan­ge­reuse réac­tion, un ren­ver­se­ment de l’é­vo­lu­tion et qu’il serait niais de la tenir pour un pro­grès quand même parce qu’elle s’ap­pelle révo­lu­tion. Un esprit liber­taire ne sau­rait sans se nier se lais­ser aller à des atti­tudes dic­tées par le féti­chisme des mots. Ce ne sont pas les mots qui comptent, mais leur conte­nu à une époque et dans des cir­cons­tances don­nées. C’est à cette facul­té de choi­sir sous les éti­quettes et les embal­lages que com­mence l’exer­cice d’une liber­té authen­tique, d’une liber­té libertaire.

Ch.-Aug. Bon­temps

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