Au Gouvernement espagnol les hommes à poigne se succèdent ; tous quittent bien vite le pouvoir en déclarant en substance qu’ils ne peuvent gouverner même avec un pouvoir dictatorial. C’est que, la question catalaniste est une épine bien difficile à arracher ; elle a pénétré profondément dans le pied de la monarchie très décadente d’Alphonse XII, et de ses jésuites. Le vieux régime boite horriblement, il est très malade. Les patriotes catalans le savent parfaitement. Aussi, ne se gênent-ils pas pour dire que l’autonomie ne leur suffit plus, il leur faut l’indépendance pure et simple. La Catalogne indépendante, avec des aspirations à peu près semblables à celles de la France, pourrait former une gentille et captivante république, elle a des hommes capables pour cela. N’oublions pas que parmi les catalanistes se trouvent de bons militants révolutionnaires et anarchistes. Il est regrettable cependant que les révolutionnaires des autres régions de la péninsule ibérique ne veuillent pas sympathiser avec le mouvement séparatiste de la Catalogne. Cependant, certains d’entre eux et non des moindres, ont affirmé que c’était là une fâcheuse conception et que le mouvement catalaniste était digne de l’appui de tous ceux qui ont hâte d’instaurer en Espagne un régime plus moderne et plus humain en accord avec les lois de l’humanité. En toute probabilité, la Catalogne républicaine serait la fin du régime monarchique et jésuitique ; elle livrerait le reste de la nation espagnole à la libre activité et au savoir des hommes de progrès.
Malgré les efforts prodigieux que font en Espagne les Américains pour y créer une grande industrie, le sort des travailleurs y est peut-être plus misérable que dans n’importe quel autre pays ; seules les provinces de la Catalogne, riches en agriculture avec une industrie plus moderne et mieux organisée, l’ouvrier peut y faire valoir quelques-unes de ses revendications. Aussi, les conditions du travail y sont-elles moins mauvaises qu’ailleurs. Dans les centres miniers de la Biscaye, de Huelva (Rio Tinto) et du centre de la péninsule, des grèves heureuses ont permis le relèvement des salaires, mais le coût de la vie s’accroît dans des proportions hors de comparaison.
Durant toute la guerre, le beau climat d’Espagne a été et est encore le paradis terrestre des spéculateurs et des mercantis.