La Presse Anarchiste

La vénus d’Arles

Tu es belle, ô Vénus d’Arles, à faire deve­nir fou !
Ta tête est fière et douce et ten­dre­ment ton cou
S’in­cline, Res­pi­rant les bai­sers et le rire,
Ta fraiche bouche en fleur que va-t-elle nous dire ?
Les amours, d’une ban­de­lette, avec grâce ont noué
Tes longs che­veux sur ton front, par ondes frisés.
O blanche Vénus d’Arles, O reine provençale,
Aucun man­teau ne cache tes superbes épaules ;
On voit que tu es déesse et fille du ciel bleu ;
Ta belle poi­trine s’offre à nous, et l’œil plein de flammes
Se pâme de plai­sir devant les jeunes hauteurs
Des pommes de ton sein, si rondes et si pures.
Que tu es belle!… Venez, peuples, venez téter
À ses beaux seins jumeaux, l’a­mour et la beauté.
Oh ! sans la beau­té que serait le monde ?
Que luise tout ce qui est beau, que tout ce qui est laid se cache !
Fais voir tes bras nus, ton sein nu, tes flancs nus,
Montre-toi toute nue, ô divine Vénus !
Ta beau­té t’ha­bille mieux que ta robe blanche ;
Laisse à tes pieds tom­ber la robe qui, autour de tes hanches,
S’en­roule, cachant tout ce que tu as de plus beau :
Aban­donne ton ventre aux bai­sers du soleil !
Comme le lierre s’a­grippe à l’é­corce d’un arbre.
Laisse dans mes embras­sades étreindre en plein ton marbre ;
Laisse ma bouche ardente et mes doigts tremblants
Cou­rir, amou­reux, par­tout sur ton corps blanc,
O douce Vénus d’Arles ! Ô fée de jouvence !
Ta beau­té qui répand sa clar­té dans toute la Provence
Fait belles nos filles et nos gars sains ;
Sous cette chair brune, Ô Vénus ! il y a ton sang,
Tou­jours vif, tou­jours chaud. Et nos filles alertes,
Voi­là pour­quoi elles s’en vont, la poi­trine ouverte ;
Et nos gais jou­vents, pour­quoi ils sont forts
Aux luttes de l’a­mour, des tau­reaux et de la mort.
Et voi­là pour­quoi je t’aime, — et ta beau­té m’égare,
 — Et pour­quoi, moi chré­tien, je te chante, ô grande païenne !

Théo­dore Aubanel

Tra­duc­tion lit­té­rale de José Rouquet

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