La Presse Anarchiste

Notre Voix

Les maîtres ont dit : Arrête ! et les peuples tueurs se sont arrê­tés. Après cin­quante-deux mois de meurtre, voi­ci reve­nue celle que notre ami le poète Georges Ban­ne­rot appelait :

la fleur inflexible de fer
la Paix,

Mais est-ce vrai­ment la Paix ?

Les maîtres vont-ils, demain, ces­ser d’é­cra­ser les esclaves ? Les pré­ju­gés, les men­songes, les ins­tincts bar­bares, tous les sombres gar­diens de cette nuit où mûris­sait la guerre, vont-ils ces­ser d’obs­cur­cir les esprits et les cœurs, par le seul fait que le sang cesse de cou­ler sur la terre ?

D’où est née la guerre ? ont osé se deman­der, en cette époque de stu­pi­di­té et d’a­néan­tis­se­ment, les rares auda­cieux qui, au lieu d’un mot d’ordre, cher­chaient une pen­sée. Et sur les lèvres les plus dis­sem­blables, socia­listes révo­lu­tion­naires, tol­stoïens, nietz­chéens, liber­taires ou chré­tiens, tous ont répon­du : Du manque d’a­mour entre les hommes.

C’est dons sur­tout d’une réforme inté­rieure que peut naître la Paix véri­table : « C’est en nous qu’il faut détruire Ial­da­baoth », écrit Ana­tole France dans la Révolte des Anges ; lutions infa­ti­ga­ble­ment en nous-mêmes, comme autour de nous, contre tous les poi­sons qui nour­ris­saient le stu­pide et féroce esprit de guerre.

Notre Voix doit être une voix d’in­tel­li­gence et de bonté.

Nous sommes loin, cepen­dant, de nous dés­in­té­res­ser des choses maté­rielles. Avec un inté­rêt pas­sion­né, nous sui­vrons et aide­rons tous les efforts faits pour ame­ner plus de jus­tice et de bon­heur par­mi les hommes. Nous accueille­rons, com­men­te­rons, dis­cu­te­rons toutes les théo­ries qui tendent vers ce but.

Aucune des graves ques­tions éco­no­miques qui pré­oc­cupent les clair­voyants ne nous sera indif­fé­rente, nous obser­ve­rons donc les aspects et les efforts du monde ressuscité.

Mais au-delà des tâches immé­diates, des besoins phy­siques, des reven­di­ca­tions maté­rielles, au-delà de la construc­tion des cadres d’une Socié­té Nou­velle, nous nous effor­ce­rons de divul­guer la Pen­sée vivante et libre, sans laquelle tout pro­grès visible est pauvre et limité.

Appor­ter notre petite pierre à l’é­di­fice de l’A­ve­nir, voi­là notre tâche, et si, sans pro­mettre le Para­dis ter­restre, nous pou­vons contri­buer un peu à l’a­mé­lio­ra­tion des hommes, notre espoir ne sera pas déçu et notre labeur ne sera pas inutile.

La Rédac­tion

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