La Presse Anarchiste

Tes mains, ô ma mie

[/​à Fabienne de Faget/]

Tes mains…
Tous les poètes, dignes de ce nom
ont chan­té le baiser,
le divin et suave baiser
qui unit dans l’é­ter­ni­té d’un instant
l’é­treinte des amants,
je m’en vou­drais de mécon­naître cet instant.
Mais aujourd’­hui, ce sont tes mains ―
ô mon amante ! ―
que je veux chanter
tes mains sati­nées et effilées
tes mains qui sont un joyau
autre­ment, que celui fabri­qué par l’homme
tes mains si belles, si douces,
qui charment et enivrent
autant, si ce n’est plus que le bai­ser divin
et moins fugi­tives que ce dernier,
tes mains, ô mon amante
quel poète les chantera
quelle muse s’en grisera ?
Si le bai­ser peut feindre,
tes mains, ô mon amante
ne savent men­tir, ni simuler.
Leur étreinte est plus éloquente
que le plus beau ser­ment d’amour
dans l’en­tre­la­ce­ment de nos doigts ;
nous vibrions par tous nos pores,
notre fris­son était plus suave
que la plus tendre tendresse.
Tes mains, ô mon amante,
t’en sou­viens-tu quand nous courions
la cam­pagne, les sous-bois
muets, d’i­vresse champêtre ?
nos doigts enla­cés se ser­raient davantage
devant la beau­té du site
ou la majes­té de l’immensité !
Plus nous étions interdits
plus nous vibrions tactilement !
T’en sou­viens-tu. ô mon amante
comme tu fer­mais tes yeux
quand je bai­sais tes longs doigts de Fée
au sor­tir de nos longues randonnées ?
Tes mains magiques, ô mon amante
sont comme pour d’autres, dit-on, les yeux,
révé­la­trices de ton âme
de ton carac­tère, de ton intelligence.
Quel est l’ar­tiste peintre, qui pour­ra en per­pé­tuer l’ivoire ?
Le sculp­teur le modelé ?
Le musi­cien la vibration ?
L’é­treinte de tes mains, ô mon amante,
m’a mar­qué d’une indé­lé­bile empreinte
pour l’é­ter­ni­té… c’est-à-dire pour toute mon existence.
Tes mains, que tu sais si belles,
ô mon amante,
sont plus que divines, tant elles sont diaphanes ;
tes mains ne sont ni félines ni diaboliques,
mal­gré leur charme ensorceleur,
elles sont spon­ta­nées, véridiques,
dans leur élan, dans leur étreinte,
Tes mains, ô mon amante
sont toute la Vie, et tout l’amour
tant elles sont HUMAINES.

Albert Arjan

La Presse Anarchiste