Jamais je n’ai aimé la Politique. Quels que soient les partis, ils se valent. Que veulent ou prétendent vouloir ces partis aux programmes divers, aux nuances disparates ?
Le bonheur des hommes.
Jusqu’ici ils n’ont guère réussi, tout le monde est d’accord la-dessus.
Les partis politiques de gauche s’affirment amis du progrès – ceux de droite se présentent comme les champions de la conservation sociale – ceux du centre sont les éternels opportunistes.
Distinctions purement théoriques.
J’ai connu des droitiers nettement révolutionnaires. En revanche combien de gens de « gôche » n’ai-je pas connus qui, dans la pratique, s’avéraient des réformistes, des conformistes, voire de féroces conservateurs sociaux ?
Se proclamer révolutionnaire, « vouloir faire la révolution », c’est comme l’entendent et l’espèrent de nombreuses personnes, tout chambarder, tant renverser, tout démolir, ne pas craindre de répandre le sang à flots dans des batailles de rues.
En ce qui me concerne j’ai toujours considéré comme une absurdité cette conception de la révolution. Cependant, je me crois, je me sens un révolutionnaire.
Le temps est passé où l’on changeait de régime, de gouvernement, en prenant une Bastille.
Le symbolisme, tel bien d’autres choses, a fait long feu et n’a plus sa raison d’être. J’ai toujours soutenu qu’on ne fait « de neuf » en accumulant ruines sur ruines.
Être révolutionnaire, à mon sens, c’est regarder la vie en face, l’analyser telle qu’elle se présente à nos sens. C’est proposer des mesures d’abord théoriques, ensuite pratiques, ayant pour but d’employer la méthode expérimentale, de telle façon qu’on puisse aboutir à la modification de ce qui existe d’abord, à la liquidation du passé ensuite ; de sorte que plus rien n’en subsiste, sauf au point de vue historique.
Sur le plan culturel, être révolutionnaire, c’est se libérer des préjugés, s’affranchir des idées préconçues, se débarrasser des dogmes – c’est-à-dire de tout ce qui a été imaginé, fabriqué d’avance pour les besoins d’une cause qui n’a rien de commun avec la notre.
Être révolutionnaire, c’est méditer, penser, réfléchir, peser les concepts nouveaux, les considérer en fonction de notre vie présente et même future.
Le réformisme ? De quel gaspillage d’encre, de salive, de temps, ce terme n’a-t-il pas été la cause ? Ce n’est pas pour rien que « réformisme » rime avec « conformisme ». Être un « réformiste », c’est accepter de vivre dans une société qui vous répugne en maquillant l’édifice, en colmatant les lézardes, tellement on redoute d’être enseveli sous ses décombres, en cas de chute.
Ce réformisme ne change rien, ne résout rien, la vermine grouille derrière la façade, la décomposition mine la charpente… Faire sa part au progrès, le faire avec ostentation, mais à condition que cette part soit raisonnable, sous prétexte que dans le chaos rien ne s’accomplit, voilà l’éternel programme des réformistes.
D’ailleurs, quelles que soient les solutions apportées par les politiciens, réformistes ou non, elles ne s’avèrent que négatives. Pour les vieux, c’est une amère déception ; pour les jeunes c’est un désastre complet.
Que fait la politique ? Unir quelques-uns, diviser le plus grand nombre.
Malgré toutes les crises, le flux et le reflux des événements, le progrès continue sa marche en avant, plus on moins ralentie selon les événements. À la place d’hommes-sandwiches, de porte-drapeaux, de suiveurs, ce qu’ils réclament de plus en plus, ce sont des compétents, des techniciens habiles, des clairvoyants. Il implique une union basée sur la volonté de bien faire, loyale, sincère, absolue.
Cette union dans la bonne volonté doit, devrait aboutir à la formation d’hommes vivant joyeusement, sainement, dans un monde nettoyé de toutes tares – où la vie serait plus douce, plus facile.
S’il se laissent tenter par le politique, les hommes continueront à se diviser, à se blesser, à se meurtrir. Ceux-là même qui pourront en profiter sur-le-champ en seront pour plus tard les premières victimes.
Dans les jour troublés que nous traversons, j’estime qu’il appartient à des hommes, d’opinions différentes, de se mettre d’accord sur un plan de réalisation pratique et conçu en vue de sortir du marais où nous croupissons tous tant que nous sommes. J’estime qu’il serait profitable et utile que des hommes généreux, intelligents, volontaires, se rassemblent, s’associent pour former des « cellules » sociales constructives, permettant, pour commencer, à ceux qui en feraient partie, de s’épanouir pleinement. Tant pis pour ceux qui se refusent à tenter l’effort nécessaire. Il en est d’autres, dont je suis, décidés à passer outre.
Maurice Imbard