La Presse Anarchiste

Bibliographie

Pro­blèmes éco­no­miques d’a­près-guerre [[Par M. de Lau­nay, membre de l’Ins­ti­tut, un volume, 4 fr. 55 avec la majo­ra­tion, chez A. Colin, 103, bou­le­vard Saint-Michel.]]. — Le pro­blème est : « Com­ment faire face aux charges qui vont peser sur les peuples par suite du gas­pillage d’hommes et d’argent qu’a entraî­né la guerre ? »

« Aug­men­ter la pro­duc­tion, amé­lio­rer l’ou­tillage et nos méthodes », répond l’au­teur. C’est la réponse que fera tout homme sen­sé, même s’il n’est pas de l’Institut.

« Et en cen­tra­li­sant le com­merce et l’in­dus­trie », ajoute-t-il, ce qui est dis­cu­table. « En éco­no­mi­sant, en retran­chant sur une foule de besoins fac­tices que nous nous sommes créés. »

Que la plu­part des gens seront for­cés de se pri­ver, non seule­ment sur des besoins fac­tices, mais sur de réels besoins, cela est hors de doute. Mais il est un autre cha­pitre d’é­co­no­mies que j’au­rais vou­lu voir M. de Lau­nay trai­ter, c’est celui des éco­no­mies sur le bud­get des dépenses publiques.

Avant la guerre, nous étions déjà sur­char­gés d’une bureau­cra­tie fai­néante et encom­brante, la guerre n’a fait que rajou­ter à ce far­deau désa­gréable, dont la prin­ci­pale occu­pa­tion est de com­pli­quer les choses et de faire perdre leur temps à ceux qui sont for­cés d’a­voir affaire à eux. Que l’on sup­prime les emplois inutiles, et que l’on exige de ceux qui res­tent un tra­vail utile et accom­pli d’une façon intel­li­gente. Que ceux-là soient mieux payés, soit ! Il y aura encore économie.

Et, enfin, il y a la grande éco­no­mie à laquelle il fau­dra bien que l’on se résolve : l’a­bat­te­ment du bud­get mili­taire, le désar­me­ment, en atten­dant qu’on le sup­prime totalement.

Mais reve­nons au livre de M. de Lau­nay.. L’au­teur nous prêche la cen­tra­li­sa­tion du com­merce et de l’in­dus­trie, nous don­nant comme exemple le Comp­toir de Longwy pour les fontes.

La cen­tra­li­sa­tion — en dehors de la poli­tique — dans le com­merce, dans l’in­dus­trie, par exemple ; peut avoir du bon, jusque à un cer­tain point. Il est évident que cela peut aider à réa­li­ser une éco­no­mie de tra­vail et d’argent. Mais, dépas­sé ce point, non seule­ment le béné­fice dis­pa­raît, mais il peut y avoir gas­pillage. Et, au sur­plus, la plu­part du temps, la cen­tra­li­sa­tion ne se fait qu’au détri­ment du consommateur.

Par exemple, pour la guerre, on a cen­tra­li­sé l’ar­ri­vée de cer­taines mar­chan­dises et char­gé cer­tains groupes de les répar­tir aux indus­triels qui les uti­lisent. On a bap­ti­sé cela de « péréqua­tion » ! C’est tou­jours bien d’employer des mots bar­bares que le public ne com­prend pas, ça aide à embrouiller les choses.

Cela aurait été très bien si les opé­ra­tions avaient été conduites hon­nê­te­ment. Mais, en matière de gain, où finit l’hon­nê­te­té, où com­mence le vol ?

Voi­ci, par exemple, ce qui s’est pas­sé pour les aciers. – On avait char­gé le Comi­té des Forges de cen­tra­li­ser les achats d’a­cier et de les répar­tir aux consommateurs.

Or, d’a­près Téry, dans l’Œuvre, ce Comi­té des Forges ache­tait des aciers en Angle­terre. Comp­tant lar­ge­ment, tou­jours d’a­près Téry, ils pou­vaient lui reve­nir à 55 fr. (la tonne ou les 100 kilos ? – ça n’a pas d’im­por­tance). Le Comi­té des Forges reven­dit d’a­bord 95 fr. ce qui lui coû­tait 55, ce qui lui fai­sait déjà un coquet béné­fice, de 73 %.

Mais à quoi bon avoir un mono­pole, s’il faut se conten­ter de si peu ? Le prix de vente finit par être por­té à 120 fr. !

Quant aux tôles, c’est encore M. Téry qui nous ren­seigne, elles valaient, en Angle­terre, 270 fr. la tonne. En France, 870 fr. !

Or, comme il faut de l’a­cier, des tôles, et autres sortes de fers pour construire de l’ou­tillage, des machines, des navires, voi­là une des pre­mières causes de la vie chère ; tout sim­ple­ment parce que des ban­dits, qui méri­te­raient d’être pen­dus, ont pro­fi­té des mal­heurs publics pour s’enrichir.

Quant au Comp­toir de Longwy que l’au­teur nous donne comme exemple et dont il entonne les louanges après MM. des Rou­siers [[ Les Syn­di­cats Indus­triels en France et à l’Étranger, un volume, chez Colin.]], de-Saint-Léon [[ Car­tells et Trusts, chez Lecoffre, 90, rue Bona­parte.]], et qui, loin de léser le public, aurait fait bais­ser le prix de la fonte, n’ayant pas le carac­tère d’un trust, lais­sant toute liber­té à ses membres quant à leur pro­duc­tion, ne leur impo­sant que l’o­bli­ga­tion pour la vente en France de pas­ser par son inter­mé­diaire, tout cela est bel et bien, mais il reste un point qui, selon moi, deman­de­rait à être étudié.

Le Comp­toir de Longwy ne fait que cen­tra­li­ser les com­mandes pour la France. Pour les prix, il est for­cé de tenir compte de la concur­rence, il aurait même aidé à faire bais­ser les prix, c’est enten­du. Mais, par la décou­verte du pro­cé­dé per­met­tant de déphos­pha­ter les mine­rais de Lor­raine, ces mine­rais, paraît-il, sont deve­nus d’une richesse incom­pa­rable. Leur meilleur ren­de­ment devait, incon­tes­ta­ble­ment, faire bais­ser le prix de la fonte. Cette baisse est-elle des­cen­due au bas prix que, nor­ma­le­ment, elle devait atteindre ? Voi­là ce qu’il s’a­gi­rait de savoir.

Il y a, dans cette situa­tion du Comp­toir de Longwy, deux choses qui portent à réflexion :

  1. Les four­nis­seurs du Comp­toir sont, pour la fonte qu’ils pro­duisent, leurs propres clients, c’est-à-dire qu’ils ne mettent en vente que ce qu’ils ne peuvent consommer.
  2. Ils peuvent vendre à l’é­tran­ger l’ex­cé­dent de leur pro­duc­tion sans les offices du Comp­toir, et il leur est arri­vé de vendre au-des­sous du prix de revient ! N’é­tait-ce pas au détri­ment de leurs clients français ?

Il faut croire qu’il y a bien quelque chose à dire sur les opé­ra­tions dudit Comp­toir, car M. des Rou­siers, dans son livre, parle, à plu­sieurs reprises, des attaques injustes dont, dans un livre, Le Fer, la Houille et la Métal­lur­gie, M. Georges Vil­lain serait cou­pable. Mal­heu­reu­se­ment, je n’ai jamais eu la pos­si­bi­li­té de lire ledit livre.

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La « Ligue des Droits de l’Homme » nous a envoyé deux bro­chures : Le Pro­cès Mal­vy (exa­men cri­tique). — L’Af­faire Caillaux (la cam­pagne de pré­pa­ra­tion) [[Bro­chures à 0.75 au siège de la Ligue, 10, rue de l’U­ni­ver­si­té.]] — Dans la pre­mière, l’au­teur, M. F. Albert, n’a pas beau­coup de peine à démon­trer que le pro­cès de Mal­vy n’a d’autre rai­son que de vieilles ran­cunes à satis­faire. C’est le fait de tous les pro­cès poli­tiques, pour la plus grande par­tie d’eux, tout au moins. Pour les anar­chistes, il a cela de bon au moins qu’il leur a fait connaître la mora­li­té de quelques-uns d’entre eux.

Quant à l’Af­faire Caillaux, je sup­pose que, là aus­si, il s’a­git de vieilles ran­cunes à satis­faire. Mais, je ne sais pour­quoi, M. Caillaux. n’ar­rive pas à me pas­sion­ner : Il a tant d’a­mis, du reste, que cela n’a aucune importance.

J. Grave.

À lire : Les Chefs de l’Oc­ci­dent (leurs déci­sions), par E. Four­nol, Mer­cure de France, 16 sep­tembre 1919

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