La Presse Anarchiste

Revue des livres

Le Socia­lisme au Congrès de Londres, par A. Hamon. volume in-18 de 277 page ; P.V. Stock, édi­teur, Paris, 1896.

Ce livre est sous-titré : Étude his­to­rique. Et il nous paraît, en effet, que notre cama­rade Hamon a su conser­ver la « séré­ni­té de l’his­to­rien », comme il dit, en sa pré­face, s’y être efforcé. 

Le compte ren­du des séances du Congrès nous semble impar­tial, pré­cis et com­plet autant que pos­sible, étant don­né le peu de temps lais­sé à l’au­tour pour que ce livre, paru à son heure, pro­duise son effet. 

Dans une conclu­sion judi­cieuse, Hamon pré­cise le résul­tat du der­nier Congrès socia­liste international. 

Ce résul­tat est double. 

De l’en­semble des débats, des inci­dents sur­ve­nus, des pro­tes­ta­tions for­mu­lées — sinon des votes extor­qués par des orga­ni­sa­teurs peu scru­pu­leux — il res­sort que la ten­dance liber­taire empreint de plus en plus le socia­lisme mon­dial. Les hommes sou­cieux, de régé­né­ra­tion veulent y atteindre, comme il sied, par les larges voies de la tolé­rance et de la liber­té, répu­diant le capo­ra­lisme, la coer­ci­tion poli­tique, le sec­ta­risme étroit et mesquin. 

Le second résul­tat fut de dévoi­ler, comme jamais aus­si bien, l’im­pu­dence, la mau­vaise foi, la vani­té sans bornes, et aus­si la bêtise des social-démo­crates de tous pays. On a pu voir à Londres en pleine lumière et, pour ain­si dire, dans l’exer­cice de leurs fonc­tions, ces étranges socia­listes, ces hommes qui pro­testent chaque jour contre les vio­lences arbi­traires et les dupli­ci­tés de la bour­geoi­sie et qui sont eux-mêmes plus auto­ri­taires et plus fourbes que le der­nier réac­tion­naire ; ces gens de pro­grès qui, au lieu de consta­ter avec joie le pro­grès des masses popu­laires vers la digni­té morale et la véri­té éco­no­mique, entravent le mou­ve­ment, har­gneux d’être dépas­sés ; ces gens de science (socia­listes scien­ti­fiques) qui élisent leurs cabi­nets d’é­tude en les par­le­ments et par­lottes élec­to­rales et laissent aux autres écoles socia­listes — qu’ils méprisent — le soin d’a­dap­ter la pro­pa­gande au pro­grès scien­ti­fique et d’u­ti­li­ser pour la lutte, ain­si élar­gie, toutes les mani­fes­ta­tions de la pen­sée humaine. 

Ce double résul­tat méri­tait d’être consi­gné en un docu­ment plus durable que bro­chures et jour­naux, et Hamon, pour l’a­voir fait, méri­ta nos remer­cie­ments. Outre le pro­cès-ver­bal des séances du Congres, le livre contient deux cha­pitres, les deux pre­miers, écrits pour fami­lia­ri­ser le lec­teur avec la notion du socia­lisme, de ses varié­tés et de sa situa­tion dans le monde. En ces pre­mières pages qui forment, avec la conclu­sion, la par­tie plus spé­cia­le­ment per­son­nelle du livre, s’est glis­sé, à notre avis, une erreur grave, mais très facile d’ailleurs à éliminer. 

Après avoir défi­ni le col­lec­ti­visme : un « sys­tème social dans lequel les moyens de pro­duc­tion sont pos­sé­dés col­lec­ti­ve­ment », Hamon écrit : « Le com­mu­nisme est une moda­li­té du. socia­lisme, un sys­tème social, dans lequel la pro­prié­té est com­mune. » — Or, ces termes de pos­sé­dés col­lec­ti­ve­ment et de pro­prié­té com­mune nous paraissent enfer­mer une contra­dic­tion. Cer­taines choses aujourd’­hui, n’ap­par­tiennent à per­sonne, telles l’air, l’eau, de la mer ou les par­terres d’un jar­din public, il n’est pas vrai de dire que ces mêmes choses appar­tiennent à tous. Une col­lec­ti­vi­té peut avoir la jouis­sance d’une chose ; elle n’en peut pas avoir la pro­prié­té au sens pro­fond de ce mot : pou­voir qu’a l’in­di­vi­du de dis­po­ser d’une chose à l’ex­clu­sion de tout autre indi­vi­du. La pro­prié­té ne peut être donc qu’in­di­vi­duelle. Et sous cette forme, sa forme unique, elle exis­te­ra tou­jours en une cer­taine mesure, car le plus par­fait com­mu­niste sera tou­jours pos­ses­seur invio­lable du pain qu’il man­ge­ra, de l’ha­bit dont il sera cou­vert, de l’ar­ran­ge­ment plus ou moins artis­tique de sa demeure. Le pro­grès socia­liste consiste donc, non pas à trans­for­mer la pro­prié­té indi­vi­duelle en pro­prié­té com­mune, ce qui nous semble incon­ce­vable, mais à éli­mi­ner la pro­prié­té par­tout où ses résul­tats sont funestes. 

Et si nous repre­nons de ce point de vue les défi­ni­tions du col­lec­ti­visme et du com­mu­nisme, nous trouvons : 

Le col­lec­ti­visme est le sys­tème social dans lequel la pro­prié­té est abo­lie quant aux moyens de pro­duc­tion, mais conser­vée quant aux objets de consom­ma­tion, grâce à la fic­tion du salaire. Le com­mu­nisme est le sys­tème social dans lequel la pro­prié­té est abo­lie, quant aux moyens de pro­duc­tion et subor­don­née, quant aux objets de consom­ma­tion, à la réa­li­té des besoins. 

Dans la socié­té col­lec­ti­viste on satis­fe­ra ses besoins parce qu’on pos­sé­de­ra (un salaire). — Dans la socié­té com­mu­niste les termes se ren­ver­se­ront et l’on pour­ra pos­sé­der (tel ou tel objet), parce qu’on pour­ra satis­faire ses besoins. 

On peut dire encore que le com­mu­nisme réa­lise la confu­sion abso­lue des efforts pro­duc­teurs et des besoins consom­ma­teurs, tan­dis que le col­lec­ti­visme, sem­blable en cela au capi­ta­lisme, subor­donne les seconds aux premiers. 

Ces réserves faites, nous affir­mons encore l’u­ti­li­té et la valeur du Socia­lisme et le Congrès de Londres [[Des édi­tions ita­lienne, por­tu­gaise et espa­gnole sont en pré­pa­ra­tion à Ancône, Por­to et la Corogne.]], de notre cama­rade Hamon. 

[/​Charles Albert./​]

Tom­bouc­tou la mys­té­rieuse, par Félix Dubois. Volume in‑8° de 420 pages avec nom­breuses gra­vures (200) ; 10 francs. Flam­ma­rion, édi­teur. Paris, 1897.

Félix Dubois est à la fois jour­na­liste et voya­geur. Il fut au Pana­ma, en Syrie, dans l’Ouest afri­cain- En 1894, il par­tit pour Tom­bouc­tou, envoyé par le Figa­ro ; c’est la rela­tion de ce voyage d’un an qu’il nous donne en ce volume à la fois inté­res­sant et ins­truc­tif. Cet ouvrage est bien dif­fé­rent de celui que nous don­na le même auteur il y a trois ans sous le titre La Vie au conti­nent noir. C’é­tait sur­tout à la jeu­nesse à peine sor­tie de l’en­fance que ce pré­cé­dent livre s’a­dres­sait. Tom­bouc­tou la mys­té­rieuse inté­res­se­ra tout le monde, enfants et adultes, savants et igno­rants. Les deux cents illus­tra­tions qui éclairent le texte aide­ront aus­si bien à récréer qu’à ins­truire le lec­teur, car elles sont la repro­duc­tion de pho­to­gra­phies. Il y a dix-sept cha­pitres. Les des­crip­tions du Niger et de sa val­lée sont enchan­te­resses. On a l’im­pres­sion d’un beau pays mer­veilleu­se­ment riche. L’his­toire de Dien­né, de l’empire Son­ghaoi, de Tom­bouc­tou et de son uni­ver­si­té sai­sissent le lec­teur par l’at­trait puis­sant de l’in­con­nu. Il y a eu en ces régions toute une civi­li­sa­tion nègre abso­lu­ment remar­quable et qui vient en contra­dic­tion avec la théo­rie de l’in­fé­rio­ri­té de la race noire. Pour M. Dubois, il semble pro­bable qu’une période de paix per­met­trait le relè­ve­ment de cette civi­li­sa­tion et l’é­pauouis­se­ment d’une littérature,de sciences chez les nègres de l’empire Son­ghaoi. Ce sont les Toua­regs qui seraient cause de cette déca­dence. L’his­toire de ces régions, briè­ve­ment expo­sée par l’au­teur depuis le xie siècle, il suit un manus­crit arabe des xvie et xviie siècles qu’il a fait copier à Tom­bouc­tou. Nous regret­tons que M. Dubois ne se soit pas un peu appe­san­ti sur la patho­lo­gie de la région et qu’il ait été très bref sur la cli­ma­to­lo­gie. Il s’é­tend sur­tout sur l’as­pect phy­sique, les mœurs et l’his­toire. S’il eût trai­té de la patho­lo­gie du Sou­dan, peut-être eût il été un peu moins opti­miste. En tout cas, ‘Tom­bouc­tou la mys­té­rieuse est un livre à lire. 

Une Famille ven­déenne pen­dant la Grande Guerre (1793 – 1795), par Bou­til­lier de Saint-André. Volume in-80 de liv 373 pages, fr. 7 50. E. Pion, Nour­rit et Cie édi­teurs. Paris, 1896.

Ces mémoires, qui viennent prendre place dans la col­lec­tion des Sou­ve­nirs his­to­riques sur la Révo­lu­tion et l’Em­pire de la librai­rie Pion, sont dus à M. Bou­til­lier de Saint-André. L’au­teur vécut en plein drame ven­déen, au cœur même de l’in­sur­rec­tion, où venaient se concen­trer tous les bruits de la guerre. Col­la­bo­ra­teur de son père, qui fut l’a­mi de Cathe­li­neau et de d’El­bée, et char­gé par ce der­nier d’é­crire au jour le jour le récit des évé­ne­ments de cette époque tra­gique, il a vécu près des prin­ci­paux acteurs du drame, il a assis­té à toutes ses péri­pé­ties, il en a gar­dé les vives émo­tions dans une âme for­te­ment frap­pée. De ses mémoires, on peut dire qu’ils sont, selon l’ex­pres­sion de leur édi­teur, « l’his­toire de la guerre de la Ven­dée vue au tra­vers d’une âme d’enfant. » 

L’é­di­teur de ce livre est l’ab­bé Eugène Bos­sard, qui l’a fait pré­cé­der d’une magis­trale intro­duc­tion sur l’his­toire de la Ven­dée. Des notes sub­stan­tielles, des pièces jus­ti­fi­ca­tives capi­tales accom­pagnent ce volume empoi­gnant comme un roman mal­gré des lon­gueurs assez fré­quentes. M. Bou­til­lier de Saint-André s’ef­force d’être impar­tial ; son récit le montre maintes et maintes fois. Quoique sobre de com­men­taires, il en est cepen­dant trop à notre avis, bien qu’ils soient signes néces­saires de l’é­tat d’âme de l’au­teur. Ces com­men­taires sont tout impré­gnés de reli­gio­si­té et du sen­ti­men­ta­lisme du siècle der­nier et du com­men­ce­ment de ce siècle. Une Famille ven­déenne a un puis­sant inté­rêt pour le socio­logue et le psy­cho­logue ; on peut y voir de près l’é­tat d’âme des révol­tés ven­déens, des mili­taires répu­bli­cains ou roya­listes. Ces mémoires inédits montrent que la Ven­dée se sou­le­va pour ne pas que ses enfants soient sol­dats. Les Ven­déens étaient des fédé­ra­listes et non des uni­taires ; sans la conscrip­tion, il n’y eût pas eu de guerre dans l’ouest. C’est sur­tout de la Ven­dée ange­vine, en contact avec la Bre­tagne, dont l’au­teur nous entre­tient. Il est sobre sur la Ven­dée poi­te­vine ; il nous pro­mène sur les bords de la Sèvre nan­taise, au Pal­let, Les Sori­nières, La Haie, Les Her­biers, Mor­tagne, Tif­fauge, Cus­son, Nantes, puis à Chol­let, Beau­préau, Mon­tre­vault, puis sur la Loire, etc. La Roche­jac­que­lein, D’El­bée, Cathe­li­neau, Cha­rette, Stof­flet, de Bon­champs, etc., défilent devant le lec­teur accom­pa­gnés de moindres acteurs, tous ou qua­si tous de la région et de la foule paysanne. 

Enquête médi­co-psy­cho­lo­gique sur les rap­ports de la supé­rio­ri­té intel­lec­tuelle avec la névro­pa­thie. Intro­duc­tion géné­rale : Émile Zola, par Édouard Tou­louse. Volume petit in‑8° de xiv-285 pages ; fr. 3,50. Socié­té d’é­di­tions scien­ti­fiques. Paris, 1896.

Le Dr Édouard Tou­louse, chef de cli­nique des mala­dies men­tales de la Facul­té de méde­cine de Paris, eut l’i­dée de recher­cher les rap­ports de la supé­rio­ri­té intel­lec­tuelle avec la névro­pa­thie. Dans ce but, il ins­ti­tua une enquête sur une série d’hommes de grand talent ou même de génie : Zola, A. Dau­det, Puvis de Cha­vannes, etc. L’en­quête se com­pose d’un exa­men des anté­cé­dents héré­di­taires et per­son­nels, d’un exa­men phy­sique, d’un exa­men psy­cho­lo­gique. Toute une série d’ex­pé­riences, dont quelques-unes fort ingé­nieuses, furent ins­ti­tuées pour connaître l’é­tat psy­chique des per­sonnes enquê­tées. Des sché­mas, des pho­to­gra­phies de Zola, de ses mains, des empreintes de ses doigts, des gra­phiques illus­trent le texte. 

Ce volume a fait déjà cou­ler bien de l’encre. Maints chro­ni­queurs ont par­lé de ce qu’ils igno­raient et cri­ti­qué des choses qu’ils ne com­pre­naient point. L’exa­men du sang, des urines sur­tout a été l’oc­ca­sion de plai­san­te­ries fort spi­ri­tuelles. Je ne sais si le Dr Tou­louse s’en est affec­té ; je sou­haite que non, car il aurait eu bien tort de s’oc­cu­per de ces inep­ties. L’en­quête du Dr Tou­louse est émi­nem­ment inté­res­sante et je crois que ses consé­quences seront fort grandes. Elle est menée avec toute la rigueur, toute la pré­ci­sion pos­sibles. Il serait à dési­rer que de sem­blables exa­mens sur les hommes de grand talent se conti­nuassent pen­dant des années. Alors on obtien­drait des docu­ments d’une énorme valeur. Mais, telle quelle, cette enquête qui dura quelques mois, aura une uti­li­té très grande quand elle ce sera répé­tée sur nombre de per­sonnes. Nous ne pen­sons pas qu’il soit pos­sible au Dr Tou­louse de tirer des conclu­sions valables des quelques per­son­na­li­tés qu’il a pu exa­mi­ner et qu’il pour­ra exa­mi­ner. Il en faut bien plus et pour ce nous ne sau­rions trop recom­man­der à des méde­cins, à des scien­tistes de lire le livre du Dr Tou­louse et de le suivre comme guide pour une enquête qu’ils devraient faire sur les artistes et scien­tistes de leur connais­sance. Avec M. René Ghil nous avions eu l’i­dée d’une enquête simi­laire et nous avions dres­sé un ques­tion­naire [[Voir Archives d’An­thro­po­lo­gie cri­mi­nelle, 1896.]] qui fut motif à peu de réponses. Il serait à sou­hai­ter qu’il en vînt, car elles vien­draient en cer­tains points com­plé­ter l’œuvre pro­je­tée du Dr Tou­louse. Nul doute que ces enquêtes ne finissent par abou­tir et qu’ain­si une branche de la science encore inex­plo­rée ne décèle ses secrets. 

Le livre du Dr Tou­louse est on ne peut plus inté­res­sant ; il sera lu avec fruit par tous ceux que les ques­tions de psy­cho­lo­gie inté­ressent. Sou­hai­tons qu’ils soient nom­breux. Zola a com­pris la gran­deur d’une sem­blable enquête, il a su se mettre au-des­sus des pré­ju­gés, des peti­tesses d’es­prit et avec la plus grande sin­cé­ri­té il a répon­du à toutes les questions. 

Cette sin­cé­ri­té est indé­niable. Nous avons étu­dié spé­cia­le­ment Lourdes et Rome en l’in­ten­tion de recher­cher dans ces œuvres cer­taines carac­té­ris­tiques psy­chiques de leur auteur. Nous les déter­mi­nâmes et ce sera un jour pro­chain l’ob­jet d’un mémoire ; or, ces carac­té­ris­tiques nous les retrou­vâmes signa­lées par Zola lui-même et aus­si dans l’exa­men du Dr Toulouse. 

On a dit d’a­près Tou­louse que Zola était un dégé­né­ré supé­rieur. Si on lit avec soin le livre Zola, on voit que M. Tou­louse hésite à cette qua­li­fi­ca­tion, qu’il constate l’har­mo­nie phy­sique et psy­chique de Zola, qu’il le note plein de pon­dé­ra­tion. Pour nous, Zola qui est un génie indé­niable, qui est le plus grand roman­cier de notre époque, est un pen­seur émi­nent, et point du tout un dégé­né­ré. C’est un être fort, puis­sant, doué d’une grande volon­té, tenace, pon­dé­ré essen­tiel­le­ment dans sa vie et dans ses œuvres. Certes il a le sys­tème ner­veux hyper­es­thé­sié ; il a quelques obses­sions et impul­sions. Mais quel est l’hu­main qui n’en a pas ? Nous sommes de l’a­vis de Lacas­sagne qui, selon un pro­pos à nous répé­té par le DR Laupts, pen­sait que tous les humains avaient ou avaient eu de ces idées mor­bides, obses­sions ou impul­sions vagues. Zola en a, mais elles réagissent insen­si­ble­ment sur l’in­tel­lec­tua­li­té — son œuvre en témoigne — et il s’en­suit qu’il ne peut logi­que­ment être clas­sé comme dégénéré. 

Socia­lisme et Science posi­tive, par Enri­co Fer­ri. Volume in‑8 de 220 pages : 4 fr. Giard et Brière, édi­teurs. Paris, 1897.

Dans cet ouvrage, M. Enri­co Fer­ri s’est pro­po­sé de démon­trer que le socia­lisme mar­xiste, « le seul selon lui qui ait une méthode et une valeur scien­ti­fique posi­tives », n’est que l’ap­pli­ca­tion à la vie sociale de la méthode expé­ri­men­tale qui a triom­phé de nos jours grâce aux tra­vaux de Charles Dar­win et de Her­bert Spen­cer. Le socia­lisme contem­po­rain est, selon l’au­teur, en accord com­plet avec les lois les plus cer­taines de la science posi­tive. Il n’a rien à redou­ter ni du dar­wi­nisme ni de l’é­vo­lu­tion­nisme. La lutte des classes n’est pas autre chose que l’ap­pli­ca­tion sociale de la lutte pour la vie. Marx com­plète Dar­win et Spencer. 

La cri­tique impor­tante que nous ferons à M. Fer­ri est de consi­dé­rer le socia­lisme mar­xiste comme le seul socia­lisme qui vaille d’être défen­du. Il y avait un socia­lisme avant Marx et sans Marx il sub­sis­te­rait encore. Il est peu scien­ti­fique de rayer d’un trait de plume des pen­seurs tels que Owen, Prou­dhon, Saint-Simon, Four­rier. La science de K. Marx est peut-être aus­si plus dans les mots que dans la réa­li­té des faits. Enri­co Fer­ri pré­tend (p. 30) que le col­lec­ti­visme est une phase de l’é­vo­lu­tion sociale qui doit néces­sai­re­ment pré­cé­der le com­mu­nisme. C’est une pré­ten­tion qui n’a pour appui rien de bien solide ; et les faits ne sont pas tels que M. Fer­ri puisse déduire cette néces­si­té. Cela peut être, mais cela aus­si peut ne pas être. M. Fer­ri déduit aus­si que l’in­di­vi­du vit pour l’es­pèce ; celle-ci est l’é­ter­nelle réa­li­té de la vie. Cette déduc­tion est inexacte ; et si M. Fer­ri veut ana­ly­ser les phé­no­mènes vitaux des êtres quels qu’ils soient, il consta­te­ra que l’in­di­vi­du vit pour lui, pour vivre. L’es­pèce se main­tient parée que les indi­vi­dus sub­sistent et ils sub­sistent parce que leur inté­rêt est de sub­sis­ter. L’é­ter­nelle réa­li­té de la vie ne peut être l’es­pèce, car l’es­pèce est en une per­pé­tuelle trans­for­ma­tion comme tout ce qui est dans l’u­ni­vers. Dire que l’in­di­vi­du vit pour l’es­pèce, c’est voir une fina­li­té à l’être et il n’y en a pas si ce n’est celle de vivre sous des formes diverses. Il est donc inexact et contraire à la véri­té scien­ti­fique de dire que l’in­di­vi­du est fait pour la socié­té ; la socié­té est faite par les indi­vi­dus, pour les indi­vi­dus, voi­là la véri­té. Il serait d’ailleurs faux d’en déduire que des mil­lions d’in­di­vi­dus doivent tra­vailler pour quelques indi­vi­dus ; cette conclu­sion ne répon­drait pas aux pré­misses. La socié­té est faite pour l’in­di­vi­du ; donc elle doit tendre à satis­faire tous les indi­vi­dus qui la com­posent ; c’est là la seule conclu­sion logique qu’on puisse tirer. 

Fer­ri écrit que l’Al­le­magne est le champ le plus fécond pour la pro­pa­gande consciente des idées socia­listes. Nous pen­sons que là Fer­ri se trompe et selon nous ce champ est l’An­gle­terre. Là, la pro­pa­gande n’est pas la plus répan­due mais elle ren­contre le sol le plus favo­rable à son expan­sion. La France, la Bel­gique, les Pays-Bas pré­cé­dent l’Al­le­magne sur la voie du socia­lisme. Sur la pro­pa­gande par le fait, Fer­ri est trop caté­go­rique. Il affirme que l’ex­plo­sion d’une bombe ne fait pas avan­cer d’un mil­li­mètre l’é­vo­lu­tion des consciences vers le socia­lisme. Cette affir­ma­tion est-elle juste ? Nous ne le pen­sons point. Évo­lu­tion­niste, nous ne croyons pas qu’une ou plu­sieurs bombes trans­forment la socié­té, mais nous savons que tout phé­no­mène pro­voque d’autres phé­no­mènes se réper­cu­tant indé­fi­ni­ment. L’ex­plo­sion d’une bombe attire l’at­ten­tion, sur­ex­cite la curio­si­té, émeut les sen­ti­ments, pro­voque une réac­tion qui elle-même influence les êtres et il s’en­suit des adeptes au socia­lisme. Fer­ri, qui connaît notre Psy­cho­lo­gie de l’a­nar­chiste socia­liste,eût pu le consta­ter en étu­diant les réponses faites par les anar­chistes enquê­tés. Fer­ri écrit que, selon le socia­lisme mar­xiste, le prin­ci­pal moyen de trans­for­ma­tion sociale est la conquête des pou­voirs publics. C’est la social-démo­cra­tie qui a pro­cla­mé cela mais point Karl Marx. Il semble dif­fi­cile pour le scien­tiste de clas­ser les moyens de trans­for­ma­tion sociale, car ils sont fonc­tions de mul­ti­tudes de causes ; M. Fer­ri aurait dû ne pas l’oublier. 

Socia­lisme et Science posi­tive, mal­gré ces quelques cri­tiques, est un livre que nous ne sau­rions trop conseiller de lire. Il est ter­mi­né par une réponse au livre si vide et plat de Garo­fa­lo : La Super­sti­tion socia­liste. Fer­ri eût aus­si bien fait de ne pas réfu­ter ce qui est enfan­tin et sans valeur. 

Dans les cou­loirs du Vati­can, par Guy De Pier­re­feu. Volume in-18 de xiv-411 pages ; fr. 3.50. — Dans l’É­glise. Volume in-18 de xiv-388 pages ; fr. 3 – 50. — Dos­sier des nou­veaux évêques. Bro­chure in-18 de 72 pages ; 1 franc. Den­tu, édi­teur. Paris, 1896.

Les deux pre­miers volumes de M. de Pier­re­feu sont des romans sans valeur, très ennuyeux à lire. Ils se sont ven­dus beau­coup à cause de l’ha­bi­le­té de l’au­teur qui mêle des per­son­nages ecclé­sias­tiques vivants aux inci­dents du roman. Il y sème des lettres d’é­vêques, prêtres divers, lettres qu’il affirme authen­tiques. Nous esti­mons que le cadre roma­nesque nuit beau­coup à l’im­por­tance docu­men­taire de ces volumes. La bro­chure vaut d’être lue et conser­vée à fin de consul­ta­tion ; il s’a­git de nou­veaux évêques et les notes y consa­crées sont intéressantes. 

La Grève de Car­maux et la Ver­re­rie d’Al­bi, par Léon de Seil­hac. Volume in-18 de 226 pages ; fr. 3 – 50. Per­rin, édi­teur. Paris, 1897.

M. Léon de Seil­hac fit une enquête à Car­maux et à Albi sur la grève célèbre et sur la ver­re­rie. Il vit les ver­riers et les patrons, les socia­listes et les réac­tion­naires. Il agit enfin avec la plus grande impar­tia­li­té ; nous l’en féli­ci­tons. Il a rédi­gé son livre, cette sorte de rap­port, avec la même impar­tia­li­té ; aus­si ne sau­rions-nous trop conseiller aux socio­logues, aux hommes poli­tiques, aux curieux en géné­ral de le lire et de le gar­der pour y pui­ser des faits. Il y a bien quelques asser­tions ris­quées sur l’in­fluence de la reli­gion, par exemple, mais elles sont si peu nom­breuses qu’il vaut mieux les négli­ger. Il manque une table des matières, ce qui est très gênant. M. de Seil­hac a ana­ly­sé le phé­no­mène social de la grève comme un bio­lo­giste ana­ly­se­rait un phé­no­mène de bio­lo­gie ; aus­si il y a des nota­tions très inté­res­santes sur les états d’âme des patrons, des ouvriers. M. Res­sé­guier n’en sort point à son hon­neur. Un cha­pitre fort sug­ges­tif est consa­cré à une ver­re­rie coopé­ra­tive de Saint-Étienne. En appen­dice sont des docu­ments importants. 

L’En­fer­mé, par gus­tave Gef­froy. Volume in-18 de 446 pages, avec une eau-forte fr. 3 – 50. Eugène Fas­quelle, édi­teur. Paris, 1897.

L’En­fer­mé, ce titre de roman, sort pour Gef­froy à qua­li­fier Auguste Blan­qui, Né en 1805, il meurt en 1881, après avoir pas­sé trente sept ans de sa vie en pri­son. Il mérite donc bien le nom de l’En­fer­mé. Gef­froy a recons­ti­tué cette vie si agi­tée en même temps que si uni­forme. Il nous le montre enfant, jeune homme, pri­son­nier au Mont Saint-Michel, à Belle-Isle, à Corte, au Tau­reau, etc. Il nous fait souf­frir et jouir avec son héros qui fut un pen­seur certes, mais pas de l’en­ver­gure de Prou­dhon. Gef­froy, en écri­vant la vie de Blan­qui, l’a fait revivre, car on sent le Vieux — ain­si on le nom­mait — pal­pi­ter, vivre ; on l’en­tend par­ler. C’est inté­res­sant comme un roman, plus inté­res­sant même. Les souf­frances phy­siques et morales sup­por­tées vaillam­ment par les pri­son­niers poli­tiques ouvrent de sug­ges­tifs hori­zons sur la psy­cho­lo­gie des geô­liers et des déten­teurs d’un pou­voir quel­conque. Il fal­lut dix ans de recherches pour que Gef­froy pût mener à bonne fin ce livre. Il faut féli­ci­ter l’au­teur de cette téna­ci­té qui lui a per­mis de faire une belle œuvre qui restera. 

Le Spi­ri­tisme et l’a­nar­chie devant la science et la phi­lo­so­phie, par J. Bou­ve­ry.Volume in‑8° de 464 pages ; 3 francs. Cha­muel, édi­teur Paris, 1897.

Il y a de bien bonnes choses, de fortes pen­sées dans ce volume, mais il y a aus­si des choses mau­vaises, des pen­sées vagues, folles. Ce livre est un mélange de bon et de mau­vais. Le tout est pêle-mêle, sans ordre. Tous les sujets sont trai­tés en un désordre remar­quable. C’est un livre confus, cepen­dant inté­res­sant à lire pour le sociologue. 

Les Secrets d’Yel­diz, par Paul Régla Volume in-18 de 336 pages ; fr. 3 50. P.-V. Stock, éditeur. 

Ce volume est la suite des Mys­tères de Constan­ti­nople dont nous par­lâmes en une pré­cé­dente cri­tique. C’est un roman très inté­res­sant pour ceux et celles qui aiment le feuille­ton, mais cela n’a point de valeur his­to­rique. Nous regret­tons que M. de Régla ait écrit des romans aus­si petit-jour­na­lesques que cela. 

La Véri­té sur les mas­sacres d’Ar­mé­nie, par Un Phi­lar­mène. Volume in‑8° de 125 pages ; 2 francs. P.-V. Stock, édi­teur. Paris, 1897.

Ce livre est rem­pli de docu­ments authen­tiques, rap­ports de témoins ocu­laires, frag­ments de lettres, d’ar­ticles de jour­naux. Cela com­mence en novembre 1878 et se ter­mine en 1896. Suite inin­ter­rom­pue de mas­sacres, incen­dies, vols, viols, meurtres, tor­tures, etc., tel est le sque­lette de ce volume comme il était celui des Mas­sacres d’Ar­mé­nie pré­face par G. Clemenceau. 

Les Joyeu­se­tés de l’exil, par Charles Mala­to. Volume in-18 de 328 pages ; fr. 3 50. P.-V. Stock, édi­teur. Paris, 1897. 

L’au­teur de la Révo­lu­tion chré­tienne et révo­lu­tion sociale cultive par­fois le genre gai ; la preuve en est dans les Joyeu­se­tés de l’exil où l’au­teur fait de l’es­prit à chaque page.ÀA vrai dire nous aimons mieux son ton sérieux. Cela n’empêche point que nous n’ayons agréa­ble­ment dila­té notre rate pen­dant l’heure de lec­ture consa­crée à ce volume. C’est fran­che­ment amu­sant ; sur­tout sont drôles les cha­pitres de Paris à Londres, Cam­pagne de Bel­gique, la Guerre d’I­ta­lie, etc. En somme, volume qu’on dévore, qui récrée et qu’on reprend pour le consul­ter, car Mala­to, qui sait pen­ser, a su par­se­mer de fortes idées les plai­san­te­ries qui émaillent les Joyeu­se­tés de l’exil.

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La Véri­té sur l’Af­faire Drey­fus, par Ber­nard Lazare. — Deux bro­chures furent publiées sous ce titre : L’une à Bruxelles, in‑8° ; elle fut expé­diée par poste sous enve­loppe fer­mée ; l’autre à Paris, in-18, chez Stock. Cette der­nière a xvi-94 pages. La pre­mière est tout entière repro­duite dans la seconde. Nous avons lu ces bro­chures avec soin. Elles ne nous prou­vèrent pas l’in­no­cence du capi­taine Drey­fus pas plus que sa culpa­bi­li­té. Lazare est convain­cu de cette inno­cence ; il l’af­firme mais cette affir­ma­tion n’a point de valeur ; il faut ou des prouves évi­dentes ou une dis­cus­sion ser­rée, minu­tieuse de l’ac­cu­sa­tion. Ber­nard Lazare mal­heu­reu­se­ment, n’a ni mon­tré ces preuves, ni fait cette dis­cus­sion. Il suit l’acte d’ac­cu­sa­tion mais il le fait de telle sorte que l’on ignore où se ter­mine l’acte, et où com­mence la cri­tique de l’au­teur. Il donne la pho­to­gra­phie du fameux bor­de­reau mais ne met point en regard la pho­to­gra­phie d’une lettre quel­conque de Drey­fus pour qu’on com­pare les écri­tures. Il nie que les atta­chés alle­mands aient écrit la fameuse lettre secrète mais ne nous dit point sur quelles bases il éta­blit cette néga­tion, etc. L’au­teur affirme et nie au lieu de prou­ver et de démon­trer. Ces bro­chures laissent donc l’af­faire comme avant : Drey­fus condam­né par un conseil mili­taire à huis clos. Il peut donc être inno­cent ou cou­pable. Le public n’en sait rien. Le fait de la condam­na­tion ne peut faire pré­ju­ger de la culpa­bi­li­té, car les erreurs judi­ciaires ne sont pas rares, et il a pu y avoir une rai­son d’É­tat pour condam­ner un innocent. 

Le Géné­ral Bor­gnis-Des­bordes et le colo­nel Hum­bert est une bro­chure in‑8° de 65 pages publiée par le colo­nel Hum­bert chez l’im­pri­meur Gil­bert Roux, à Gray. C’est l’ex­po­sé de pro­cé­dés peu déli­cats employés par le géné­ral pour retar­der la nomi­na­tion du colo­nel. Docu­ment inté­res­sant et sug­ges­tif pour le psy­cho­logue ; preuve nou­velle que la déten­tion d’un pou­voir conduit à l’abus. 

La Lettre au par­le­ment (vol. in-18 de 115 p., Cha­me­rot, édi­teur) du capi­taine de fré­gate Picard-Des­te­lan est non moins sug­ges­tive. Les ami­raux Duperre et Sal­lan­drouze doivent être peu satis­faits de voir un infé­rieur mon­trer à tous leurs vile­nies. Pour l’hon­neur du corps, un offi­cier voleur est pro­té­gé envers et contre tous, preuve nou­velle de l’a­bus de pou­voir, de l’in­fa­tua­tion pro­fes­sion­nelle. Les évé­ne­ments quo­ti­diens se chargent chaque jour de prou­ver notre thèse de la Psy­cho­lo­gie du mili­taire pro­fes­sion­nel.

Chez Stock est paru la Véri­té sur Mada­gas­car, bro­chure de 65 pages que Lux a écrit. Sa forme est très vive ; elle semble soli­de­ment docu­men­tée et signale les menées des jésuites pour conqué­rir Mada­gas­car à la papau­té. Selon Lux la guerre décla­rée à M. Laroche, le résident main­te­nant dis­gra­cié, a pour ori­gine sa non-pro­tec­tion des jésuites. Les Faha­va­los se sont mon­trés tels qu’ils sont, des patriotes lut­tant pour l’in­dé­pen­dance de leur patrie. Bro­chure à consul­ter par le sociologue. 

Le Dr Corre a fait un tirage à part de l’é­tude sur Duguay-Trouin, parue dans la Revue de Bre­tagne et signa­lée par nous dans la pré­cé­dente revue des revues. Les Pre­mières Courses de Duguay-Trouin forment une bro­chure in‑8° de 39 pages, à Vannes, chez Lafolye. 

Le Géné­ral Kil­maine, bro­chure d’his­toire très inté­res­sante due à Léonce Gra­si­lier. (Savine, édi­teur, 33 p. in-18.) Vue 131 sur 997

Dans la revue L’An­thro­po­lo­gie, M. Ed. Piette publie des études d’eth­no­gra­phie pré­his­to­rique. C’est ain­si qu’il fit paraître les Plantes culti­vées de la période de tran­si­tion au Mar d’A­zil. Cet article en tirage à part forme une bro­chure in‑8° de 24 pages. (Mas­son, édi­teur, Paris). Les plantes en ques­tion sont le chêne, l’au­bé­pine, le pru­nel­lier, le noi­se­tier, le blé, le ceri­sier, le pru­nier, le noyer. 

Léon Tol­soï conti­nue sa pro­pa­gande contre le mili­ta­risme et l’i­dée de patrie dans une nou­velle œuvre : Les Temps sont proches (bro­chure in-18 de 34 p., Per­rin, édi­teur). La tra­duc­tion est de MM. Paul Boyer et Charles Salo­mon. On retrouve là l’ar­gu­men­ta­tion ser­rée de l’au­teur du Salut est en vous. Il faut lire cette plaquette. 

On n’est pas sans se rap­pe­ler la confé­rence que notre col­la­bo­ra­teur Pierre Kro­pot­kine devait faire à Paris, mais que le minis­tère du radi­cal M. Bour­geois, qui gou­ver­nait alors avec le concours des socia­listes par­le­men­taires, empê­cha en expul­sant le confé­ren­cier anar­chiste avant qu’il eût par­lé ! Cette confé­rence, qui avait pour titre : L’A­nar­chie, — sa phi­lo­so­phie, — son idéal, vient de paraître en une pla­quette édi­tée à la librai­rie Stock) (59 p., in-18 ; 1 franc). Ce que l’au­teur de la Conquête du pain n’a pu dire à la tri­bune, il l’a écrit. « Ver­ba volant, scrip­ta manent ». C’est donc tout ce qu’y auront gagné ceux qui, n’o­sant écou­ter la véri­té, ne trouvent rien de mieux que de bâillon­ner ceux qui veulent la leur faire entendre. Les qua­li­tés habi­tuelles de Kro­pot­kine, clar­té, pré­ci­sion, logique et aus­si ima­gi­na­tion se retrouvent dans cette bro­chure que nous espé­rons voir lue et relue par beaucoup. 

On sait que Kro­pot­kine, il y a déjà long­temps, écri­vit un opus­cule, Les Pri­sons. Il a été der­niè­re­ment tra­duit en espa­gnol par J. Mar­ti­nez Ruiz qui l’ac­com­pa­gna de notes nom­breuses, claires et heu­reuses par la pré­ci­sion, l’é­lu­ci­da­tion de cer­tains points. Las Pri­siones est édi­té à Valen­cia à l’U­nion tipo­gra­fic­fa (bro­chure in‑S° de 34 p.). 

Le poète Adolphe Ret­té est un pen­seur qui mit au jour en 1894 une bro­chure très remar­qua­ble­ment élu­ci­dée, Réflexions sur l’A­nar­chie. Il les réim­prime, en les aggra­vant dépen­sées lon­gue­ment médi­tées et cela sous le titre de Pro­me­nades sub­ver­sives (in-18 de 50 p., Biblio­thèque artis­tique et lit­té­raire, édi­teur ; 1 franc). Cette bro­chure mérite d’être lue et relue. 

M. Mau­rice Char­nay publie annuel­le­ment l’Al­ma­nach socia­liste illus­tré. Celui de 1897 a du texte d’Al­le­mane, Cipria­ni, Argy­ria­dès, Bar­ru­cand, A. Metin, Tom Mann, E. Gué­rard, etc. Il est illus­tré de por­traits divers ; son prix de fr. 0.30 (in-18 de 120 p.) le met à la por­tée de toutes les bourses. 

Notre col­la­bo­ra­teur Fer­nand Pel­lou­tier a publié dans la col­lec­tion de la Biblio­thèque de 1’Art social deux bro­chures : L’Art et la Révolte, l’Or­ga­ni­sa­tion cor­po­ra­tive et l’a­nar­chie, que nous conseillons à tous de lire. La pre­mière est abso­lu­ment remar­quable. Cha­cune coûte fr. 0,10.

C’est aus­si le prix de Varia­tions gues­distes, recueillies et anno­tées par Émile Pou­get. Cette bro­chure de 36 pages in-18 fait par­tie de la biblio­thèque de la Sociale. C’est le résu­mé d’o­pi­nions suc­ces­sives de Jules Guesde ; aus­si son inté­rêt docu­men­taire est certain.

[/​A. Hamon./​]

La Presse Anarchiste