La Presse Anarchiste

Revue des Revues

Morale anar­chiste et morale socia­liste, par A. Kuroff (Sozia­lis­tische Monats-Hefte, mars.)

Les Sozia­lis­tieche Monats-Hefte conti­nuent l’an­cien Étu­diant socia­liste de Ber­lin, qui a ces­sé de paraître depuis quelque temps. C’est une revue assez éclec­tique au moins dans la liste de ses col­la­bo­ra­teurs où l’on peut remar­quer E. Reclus à côté de Liebk­neckt, Lan­dauer à côté de Mme Cla­ra Zet­kin, etc. Il ne peut man­quer d’ar­ri­ver que, au bout d’un cer­tain temps, ces col­la­bo­ra­teurs de nuances si dif­fé­rentes ne se ren­seignent exac­te­ment sur leurs ten­dances réci­proques. Ils ne semblent pas encore l’a­voir suf­fi­sam­ment fait. L’au­teur de l’ar­ticle croit, par exemple, qu’il y a une oppo­si­tion abso­lue entre la morale socia­liste et la morale anar­chiste. Les rai­sons qu’il pro­duit ne sont pas extrê­me­ment neuves. Il se place, par exemple, sur le ter­rain du socia­lisme scien­ti­fique, part en guerre contre l’i­dée de liber­té, mais se hâte de « don­ner son adhé­sion à la morale comme telle ». « L’a­nar­chiste, cela va de soi, men­ti­ra consciem­ment si cela favo­rise son inté­rêt par­ti­cu­lier », etc., etc. « Le prin­cipe du socia­lisme est au contraire la soli­da­ri­té, l’a­mour d’au­trui, la fra­ter­ni­té, l’a­mour de la véri­té, l’u­nion de l’in­di­vi­du et de la com­mu­nau­té. Le prin­cipe de l’a­nar­chisme est l’é­goïsme, le règne de l’in­té­rêt indi­vi­duel et du men­songe, la sépa­ra­tion de l’in­di­vi­du d’a­vec la socié­té. » Pour appuyer ses pré­ten­tions, M. Kuroff cite les opi­nions de Liebk­necht, de W. Mor­ris, de H. Greu­lich, du Congrès de Saint-Gall et de G.Deville, etc. C’est un excellent moyen d’ex­po­ser une théo­rie que d’al­ler cher­cher auprès de ses adver­saires les plus décla­rés les prin­cipes et les argu­ments sur les­quels elle repose. D’au­tant plus que cer­tains des socia­listes cités ont été ou ont vu des anar­chistes. M. Deville n’a-t-il pas décla­ré publi­que­ment que s’il savait si exac­te­ment ce qu’é­tait l’a­nar­chisme en France, cela pro­ve­nait de ce qu’il avait bien connu les deux pre­miers anar­chistes fran­çais dont l’un était A. Cos­ta et l’autre Mme Kuli­schofe. Nous ne pou­vons cepen­dant nous empê­cher de croire que l’au­teur a été sinon mal infor­mé, au moins impar­fai­te­ment ren­sei­gné et très peu métho­dique. Il aurait peut être mieux fait de consul­ter l’o­pi­nion de quelques anar­chistes en se pla­çant au point de vue scientifique. 

[/​L. Rémy./​]

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