La Presse Anarchiste

Correspondance

Vous vous sou­ve­nez qu’en novembre, lorsque la police s’est mise à la recherche des exé­cu­teurs de Mézent­soff et de l’im­pri­me­rie clan­des­tine, elle a eu à se heur­ter, dans le cou­rant de ses per­qui­si­tions, contre deux femmes, dont une a reçu les agents du gou­ver­ne­ment à coups de revol­ver. Mal­gré tous les efforts de la gen­dar­me­rie, mal­gré toutes les tor­tures morales, la femme, qui a tiré a obs­ti­né­ment refu­sé de dire son nom, et, jus­qu’à pré­sent, il reste abso­lu­ment incon­nu aux persécuteurs.

Cette femme devait être la pre­mière vic­time de la nou­velle loi qui condamne à la peine de mort qui­conque résis­te­ra à main armée aux auto­ri­tés. Mais l’im­pres­sion qu’au­rait pro­duit sur le public la condam­na­tion par la Cour mar­tiale de cette femme, frêle, ché­tive, mala­dive et héroïque, cette impres­sion aurait été par trop forte. Le gou­ver­ne­ment a recu­lé devant l’ap­pli­ca­tion de sa loi : il va trans­por­ter la cou­ra­geuse jeune fille clan­des­ti­ne­ment dans une for­te­resse quelconque.

Mais la Cour mar­tiale ne res­te­ra pas sans besogne. Au mois de jan­vier, on vint faire une per­qui­si­tion à Sta­raya Rousse (gou­ver­ne­ment de Nov­go­rod), chez deux jeunes offi­ciers socia­listes. Ils reçurent les poli­ciers avec des balles — sûrs de pas­ser devant la Cour mar­tiale et d’être fusillés. Ils vont bien­tôt pas­ser devant le tribunal.

Tous ceux qui furent arrê­tés pen­dant cette même raz­zia, ont fait le déses­poir de la jugaille. Per­sonne ne répon­dait rien, per­sonne ne consen­tait à écrire un mot. Les juges d’ins­truc­tion tenaient sur­tout à avoir l’é­cri­ture d’un des arrê­tés. On annon­ça qu’il ne rece­vrait pas de nour­ri­ture s’il ne la deman­dait par écrit. Refus abso­lu. Trois jours se passent ; l’ar­rê­té ne reçoit pas de nour­ri­ture, mais ne la demande pas. On finit par lui appor­ter la soupe.

À la pro­chaine, pour d’autres faits intéressants.

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