La Presse Anarchiste

Ballade pour la claire Tour

[/​Vienne ton jour, Déesse aux yeux si beaux,

Dans un matin ver­meil de Salamine !

Frappe nos cœurs en allés en lambeaux,

Anar­chie ! ô por­teuse de flambeaux !

Chasse la nuit ! écrase la vermine

Et dresse au ciel, fut-ce avec nos tombeaux,

La claire Tour qui sur les flots domine !

Laurent Tailhade/​]

Hau­taine encore sous l’a­zur impassible,
La claire Tour, l’A­sile aux réprouvés,
Dresse l’ou­bli des peines rémissibles
Et le vou­loir d’un ave­nir rêvé.
Mais par la ville, au seuil bas des tavernes,
Sur les fumiers puants de leurs chenils,
Dans leurs palais, pros­ti­bules, cavernes,
Les Phi­lis­tins et ceux qui nous gouvernent
Chargent de poudre et de plomb les barils,
Pen­dant que claque, au doux vent de galerne,
Le noir pen­non sur la tour en péril.

Ils vont livrer à la géante cible
Le rude assaut que leur rage a couvé.
Sus aux pen­seurs ! aux édens accessibles,
Aux lois d’a­mour, aux dogmes improuvés !
Pour ce com­bat, tous ont dans leurs gibernes
L’af­freux espoir de lau­riers puérils.
Ils ne voient pas que leurs maîtres les bernent ;
Ils ne voient pas, tant leurs âmes sont ternes,
Que leurs demains seraient encor plus vils,
Si les Héros venaient à mettre en berne
Le noir pen­non sur la Tour en péril !

Alarme ! Alarme ! ô misère indicible !
Vole au secours du Temple rénové.
Debout, les gueux ! les humbles, les sensibles !
Christs affli­geants cloués sur les pavés !
Métro­po­lis vomit par ses poternes
Les égor­geurs aux sinistres profils.
Les voi­ci tous, les Molochs subalternes,
Les igno­rants, les brutes, les badernes,
Les spa­das­sins, les fous, les alguazils,
Les voi­ci tous ! les mufles que consterne
Le noir pen­non sur la Tour en péril !

[|ENVOI|]

[/​À Pierre Seize/]

Aux morts san­glants qui jonchent la luzerne
Vont suc­cé­der les défen­seurs virils.
Chante, Révolte ! À l’ho­ri­zon te cerne
La meute sombre arra­chée aux casernes.
Clame ta Foi dans les futurs avrils,
Et va bran­dir, pour que tous le discernent,
Le noir pen­non sur la Tour en péril !

[/​Pierre Cha­te­lain-Tail­hade/​]

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