Ma tendre amie ;
D’ici, mes yeux chercheurs ne trouvent plus le toit
Où ma douleur s’est endormie
Quand ton amour naissant m’a redonné la vie.
Le train va lentement dans un vallon désert
Et monotone,
Où les prés mal tondus ont la couleur du fer,
Cependant qu’au lointain moutonne
Le troupeau familier des brumes de l’automne.
Le vent du nord, léger, souille dans les rameaux
Où l’oiseau rêve ;
Et je vois s’incliner des saules, des ormeaux
Sur une rivière sans grève
Qui parait couler d’eux comme un torrent de sève.
La torpeur du ciel pris descend dans les yeux las
Du paysage ;
La vigne échevelée au pied des échalas.
Laisse tomber son vert corsage
Et prend la pourpre et l’or des reines de passage…
Je ne suis pas ému pourtant par ce décor
Doucement triste ;
Ce que j’entends en moi n’est pas le son du cor
Dont s’endeuille une âme d’artiste
Devant le ciel pétri de noir et d’améthyste.
Je pense au bon accueil des monts et des ravins,
Ma bien-aimée.
Où l’été renaîtra par les baisers divins
Que je verrai, sous la ramée,
Tomber comme des fleurs de ta lèvre embaumée.
Et s’il me faut, dans l’ombre, attendre encore un jour
Ce bien suprême.
Il me semble déjà vivre dans le séjour
Où la tendresse que je sème
Pour celle qui m’attend prépare un diadème !…
[/Eugène