La Presse Anarchiste

Mouvement social

Dans le par­ti socia­liste, l’é­vé­ne­ment impor­tant de ces der­nières semaines est la rup­ture, au moins tem­po­raire, des pour­par­lers d’u­ni­fi­ca­tion avec le P.C. On sait que le motif avoué de cette rup­ture est un article de Dimi­trov, repro­duit avec grand tapage par la presse sta­li­nienne, où les lea­ders de la social-démo­cra­tie inter­na­tio­nale sont trai­tés de com­plices du fas­cisme, et où le secré­taire de l’I.C. déclare, une fois de plus, que l’u­ni­té poli­tique ne peut se faire que si ses par­ti­ci­pants s’en­gagent à pro­fes­ser vis-à-vis de l’U.R.S.S. une admi­ra­tion sans réserve.

Cette déci­sion des som­mets du Par­ti a été accep­tée par la base sans résis­tance, ni mécon­ten­te­ment. Seul Zyrom­ski s’est dres­sé contre elle, et il est — même au sein de sa propre ten­dance — à peu près com­plè­te­ment iso­lé. Les rai­sons de cette hos­ti­li­té presque una­nime des socia­listes au sta­li­nisme sont de deux ordres.

En pre­mier lieu, les com­mu­nistes ont fati­gué les mili­tants socia­listes avec leurs appels obs­ti­nés à l’U­nion sacrée bap­ti­sée Front des Fran­çais, leurs œillades au « frère catho­lique », leur bel­li­cisme et leur chau­vi­nisme patents. En outre, les pro­cès, arres­ta­tions, limo­geages, exé­cu­tions en cas­cades, la poli­tique de l’I.C. en Espagne, ont mon­tré à beau­coup l’U.R.S.S. dans sa nudi­té, c’est-à-dire dans l’i­gno­mi­nie de son régime. En ce sens, l’an­tis­ta­li­nisme de la base social­dé­mo­crate est un sen­ti­ment sain.

Il est mal­heu­reu­se­ment sûr que la déci­sion de rup­ture n’a pas été déter­mi­née prin­ci­pa­le­ment par ce sen­ti­ment. Par cer­tains aspects de son acti­vi­té, le par­ti com­mu­niste reste encore, en effet, plus « à gauche » que les socia­listes aux yeux de l’homme de la rue. Son refus de par­ti­ci­per au gou­ver­ne­ment, sa sur­en­chère à pro­pos de la retraite des vieux, des trai­te­ments des fonc­tion­naires, de l’aide à « l’Es­pagne répu­bli­caine » gênent et irritent les réfor­mistes clas­siques empê­trés dans la col­la­bo­ra­tion au minis­tère Chautemps.

Le texte de la réso­lu­tion de la C.A.P., où sont indi­quées les rai­sons de la rup­ture, attaque, pré­ci­sé­ment, ce qu’au milieu d’in­sa­ni­tés sans nombre, le texte de Dimi­trov contient de jus­ti­fié, à savoir sa cri­tique du réfor­misme. Pas un mot sur la pré­pa­ra­tion de l’U­nion Sacrée et de la croi­sade démo­cra­tique par Mos­cou. En effet, sur ces ques­tions sociaux-démo­crates et sta­li­niens sont d’ac­cord, et ne divergent que par des nuances de pen­sée et sur­tout d’expression.

La « gauche révo­lu­tion­naire » du P.S. vient, une fois de plus, de mon­trer, par son atti­tude la contra­dic­tion per­sis­tante qui oppose en son sein’ les élé­ments réel­le­ment révo­lu­tion­naires et le noyau de poli­ti­ciens francs-maçons à qui la direc­tion de la ten­dance appar­tient tout entière. Les pre­miers vou­laient, en effet, prendre le tau­reau par les cornes, et dire hau­te­ment ce qu’ils savaient de la nature de l’É­tat russe et du rôle anti-ouvrier joué par les par­tis com­mu­nistes. Les autres ont pré­fé­ré prendre une posi­tion incer­taine et équi­voque, s’as­so­ciant par leur vote aux criaille­ries offen­sées de la C.A.P. mise en face des res­pon­sa­bi­li­tés de la social­dé­mo­cra­tie dans les grandes défaites ouvrières des der­nières années, mais conti­nuant, en même temps, à prô­ner l’u­ni­té dans le vague et de manière à per­pé­tuer les espoirs que beau­coup de tra­vailleurs ont mis dans l’ac­tion bol­che­viste. Une fois de plus, la gauche révo­lu­tion­naire a failli à rem­plir le rôle qu’elle s’est assignée.

[/​J. R./]

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