La Presse Anarchiste

Manifeste

Notre Revue cor­res­pond à une nécessité.

Il n’existe pas en France de Revue de jeunes indé­pen­dante, inter­na­tio­nale, consa­crée à des études révolutionnaires.

Les organes de la plu­part des mou­ve­ments de jeunes sont sous la tutelle des par­tis adultes et subissent le confor­misme doc­tri­nal et tac­tique de ceux-ci.

Cepen­dant, dans tous les par­tis socia­listes, ouvriers, révo­lu­tion­naires, nom­breux sont les jeunes qui cherchent à échap­per aux sys­tèmes péri­més de leurs anciens, à la dis­ci­pline bureau­cra­tique de leurs ainés.

De même, à l’in­té­rieur ou en marge des ten­dances offi­cielles, des révo­lu­tion­naires sincères_​ et hon­nêtes rejettent les cré­dos et les caté­chismes vieillis pour recher­cher une inter­pré­ta­tion des faits et une méthode d’ac­tion qui tien­draient compte des fac­teurs nou­veaux que les évé­ne­ments de notre siècle ont révé­lés et dont ils subissent l’influence.

De plus en plus, les dif­fé­rentes écoles socia­listes paraissent répondre insuf­fi­sam­ment aux pro­blèmes actuels. Chaque frac­tion du mou­ve­ment socia­liste pré­sente un sys­tème plus ou moins cohé­rent, mais que la réa­li­té démo­lit par­tiel­le­ment ou tota­le­ment au fur et a mesure que les évé­ne­ments les éprouvent.

Réfor­misme, bol­che­visme, syn­di­ca­lisme, anar­chisme, sont des doc­trines dont les dogmes ne sont plus entiers pour aucun mili­tant. Il est temps de révi­ser l’en­semble de nos concep­tions socia­listes et révo­lu­tion­naires par une étude fraiche de la réa­li­té d’hier et d’aujourd’hui.

Notre but est de voir Révi­sion deve­nir un centre de ral­lie­ment, un point de contact pos­sible entre tous ceux qui, sous des éti­quettes dif­fé­rentes, pensent et luttent dans une mène direc­tion : un socia­lisme libre et humain, un socia­lisme liber­taire. Nous enten­dons par liber­taires tous les révo­lu­tion­naires qui se refusent à négli­ger le côté humain du socia­lisme et qui ne conçoivent la lutte sociale et la socié­té nou­velle que sur les bases d’une démo­cra­tie véritable.

Notre Revue sera indé­pen­dante du contrôle de toute orga­ni­sa­tion, comi­té ou par­ti. Nous pour­rons donc cri­ti­quer ouver­te­ment la poli­tique incer­taine et lâche des diri­geants de la IIe Internationale ;

La poli­tique de tra­hi­son de la IIIe qui abou­tit en U.R.S.S. à la dic­ta­ture sta­li­nienne et à des par­tis com­mu­nistes qui ne repré­sentent, mal­gré leurs bases ouvrières et par le manque de démo­cra­tie inté­rieure, que des ambas­sades et des suc­cur­sales de l’im­pé­ria­lisme soviétique ;

Le doc­tri­na­lisme hyper­cri­tique et sté­rile des diverses oppo­si­tions communistes ;

L’op­por­tu­nisme et le purisme qu’on trouve étroi­te­ment asso­ciés dans cer­taines ten­dances anarchistes.

Mais nous ne ferons pas seule­ment un tra­vail de cri­tique. Nous vou­lons abor­der d’une façon pré­cise et concrète les mul­tiples pro­blèmes posés par l’in­sur­rec­tion et l’or­ga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naires. Nous essaie­rons de recher­cher les solu­tions liber­taires à la révo­lu­tion en rap­port avec la situa­tion poli­tique et sociale d’un ave­nir proche, dans le cadre des forces réelles existantes.

La Revue donc ne sera pas d’ac­tua­li­té, dans ce sens qu’elle évi­te­ra de suivre point par point les évé­ne­ments du jour. Au contraire, nous vou­lons don­ner une série de tableaux syn­thé­tiques de la situa­tion poli­tique, éco­no­mique et sociale dans les dif­fé­rents pays : en Espagne, riche d’ex­pé­riences, en Rus­sie où est née et se déve­loppe une classe exploi­teuse nou­velle ; en Alle­magne et en Ita­lie où le capi­ta­lisme se sur­vit en modi­fiant sa struc­ture ; en France, où nous nous atta­che­rons à étu­dier les pro­blèmes par­ti­cu­liers que pour­ra sou­le­ver une révo­lu­tion dam ce pays, et les pro­blèmes d’une actua­li­té brû­lante tels que celui de la ques­tion coloniale.

Ce tra­vail ne peut s’ac­com­plir que grâce à des équipes de jeunes qui se refusent à trai­ner les pré­ju­gés des époques loin­taines, qui repoussent les solu­tions méta­phy­siques ou morales don­nées aux pro­blèmes sociaux et veulent se pla­cer uni­que­ment sur un plan scien­ti­fique et humanitaire.

Nous vou­drions donc faire le moins pos­sible appel à la col­la­bo­ra­tion des « offi­ciels » des orga­ni­sa­tions que le patrio­tisme de par­ti rend trop sou­vent inca­pables de don­ner des études objec­tives des pro­blèmes. Nous ne vou­lons pas nier leur com­pé­tence, mais nous pen­sons nous déga­ger ain­si de quan­ti­té de dogmes et de prin­cipes aux­quels cha­cun se rac­croche, bien que les faits les contre­disent chaque jour. Les jeunes auront donc ain­si la pos­si­bi­li­té de faire entendre leur voix. Mais il va sans dire, que les mili­tants pour qui les expé­riences d’a­près-guerre ne sont pas res­tées lettre morte auront place dans cette Revue.

Nous ne jus­ti­fie­rons que plus tard le carac­tère d’in­ter­na­lio­nale que nous vou­lons don­ner à la Revue, au fur et à mesure que nous pour­rons nous mettre en rela­tions avec d’autres grou­pe­ments ou noyaux que l’ex­pé­rience a pla­cés dans le même état d’es­prit que nous, à qui elle a impo­sé les mêmes inquié­tudes, qu’elle a pous­sés à des recherches iden­tiques, et dont l’exis­tence se mani­feste au sein de dif­fé­rente cou­rants d’ex­trême-gauche. Ces rela­tions sont d’au­tant plus néces­saires que les mili­tants res­tent le plus sou­vent igno­rants des mou­ve­ments et recherches dans le monde, igno­rants de la com­plexi­té des problèmes.

Nous espé­rons enfin qu’au tra­vers de ces docu­ments ras­sem­blés, de ces ana­lyses d’ex­pé­riences mul­tiples, à la suite de ces études faites en col­la­bo­ra­tion, dans un libre esprit de dis­cus­sion et de recherche de la véri­té, un cou­rant révo­lu­tion­naire libé­ré des bou­lets de la tra­di­tion et de l’u­ni­forme des confor­mismes pour­ra, sur­gir. Nous fai­sons appel à tous les jeunes, com­bat­tifs et clair­voyants, pour nous aider dans notre tâche.

Ont signé :

Marie-Louise ber­ne­ri, des Étu­diants Liber­taires ; Suzanne Broi­do, des Étu­diants Liber­taires ; Luc Dau­rat, de la Jeu­nesse Anar­chiste Com­mu­niste ; René Dumont, de l’U­nion Anar­chiste ; Gre­ta jumin, ex-membre des Jeu­nesses Com­mu­nistes ; Mares­ter, de la Jeu­nesse Anar­chiste Com­mu­niste ; Jean Meier, de la Fédé­ra­tion Auto­nome des jeu­nesses Socia­listes ; Jean Rabaud, des Étu­diants Socia­listes ; Charles Ridel, de la Jeu­nesse Anar­chiste Com­mu­niste ; Sejourne, exclu des J.E.U.N.E.S.

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