On a inauguré dimanche à Auxerre la statue d’un de ses anciens maires, M. Cha. les Surugue, un patriote qui s’engagea, en 1915, à l’âge de 76 ans, en qualité de sapeur de 2e classe pour toute la durée de la guerre. La carrière publique de M. Surugue nous montre qu’il s’est toujours conduit en rouage bien graissé de l’organisation sociétaire. Capitaine de l’armée Faidherbe, agent voyer chef, maire, conseiller général, membre d’un comité technique ministériel, décoré de la légion d’honneur, M. Surugue était de ceux pour qui la patrie n’est pas un mot creux : elle ne lui avait marchandé ni les honneurs, ni les postes de responsabilité. Son geste s’explique parfaitement. Sa patrie étant en danger, il prend les armes pour la défendre : il est d’accord avec son passé. Rien à objecter.
Contrastons son comportement — style ultra moderne — avec celui du gâteux Jean Grave, antipatriote et antimilitariste d’avant-guerre. Touché par la grâce kropotkinienne, cet annonciateur de Temps Nouveaux, se révèle soudain défenseur de la Patrie ; et nous savons par ses élucubrations, qu’à l’exemple des nouveaux convertis, il ne se montrait guère tendre à l’égard de ses anciens camarades, demeurés, eux, fidèles à leurs idées d’antan. On s’attend à ce qu’il montre par un acte la solidité de ses nouvelles convictions. Va te faire… lan laire. Paris se trouvant « sous la menace d’un siège ou pis encore d’une occupation », attendu que « même en cas d’une occupation sans lutte, il n’eût pas été prudent de rester », étant donné que « le gouvernement lui-même avait monte qu’il se désintéressait de la question ». M. Jean Grave, tel un vulgaire individualiste, M. Jean Grave se sauve. « Les anarchistes auraient pu agir… » M. Jean Grave agit, lui, en suivant l’exemple du gouvernement ; seulement au lieu de fuir à Bordeaux il préfère traverser la Manche et se terrer à Clifton, d’où, prudemment, il s’exerce… à remonter le moral de l’arrière.
Agir ? Il n’avait guère dépassé la soixantaine. Costaud comme il l’était, il eût pu s’engager comme savetier de 2e zone ou pompier de 1er classe, comme plongeur à cheval, faute de mieux.
Comparer l’acte conséquent de M. Charles Surugue avec la panique d’un Jean Grave — c’est mesurer toute la différence qui peut exister entre un bourgeois courageux et un renégat couard.
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