La Presse Anarchiste

La jeune fille d’aujourd’hui.

… « Ce temps est immense et sa jeune fille est à son image. Regardez-la :

« Sor­tie de la mort, elle est par­tie sur un signal, au trot de ses jambes alertes, vers la vie. Elle dirige lar­ge­ment sa tête comme un gou­ver­nail, pre­nant elle-même la res­pon­sa­bi­li­té de sa marche ardente. Elle ne craint plus son corps et même éprouve une joie orgueilleuse et juste à mon­trer qu’elle en a un, comme une pro­messe écla­tante de vie, comme une vic­toire sur la mort. Et elle pense que la pudeur est réser­vée aux estro­piés. Elle les plaint beaucoup.

« La jeune fille de ce temps est libre d’être ou de n’être pas une jeune fille. Elle connaît la valeur des meilleures rai­sons de ses parents et, au besoin, leur en four­ni­rait quelques-unes de plus. Elle est unique ; jamais, au cours d’au­cun siècle, elle ne fut mira­cu­leu­se­ment, comme elle l’est aujourd’­hui : consciente.

« Nous ne nous réjoui­rons jamais assez d’ap­par­te­nir à la grande date du com­men­ce­ment de la fin de la jeune fille. Aux époques d’éner­gie et d’ar­deur, la jeune fille dis­pa­raît. On recon­naît une époque médiocre, plate, blanche et hon­teuse au nombre et à la per­fec­tion de ses jeunes filles:I>…

« Ah ! vive le vaste xvie siècle où vous n’eus­siez pas plus trou­vé une pucelle en nos pays qu’une puce sur ma main à cette heure !

« Ah ! vive la triom­phale concep­tion de Rabe­lais où des petites filles gar­gan­tuesques s’exer­çaient à l’a­mour en leurs ber­ceaux dans la crainte magni­fique de mou­rir vierges !

« Honte aux temps qui ont inven­té les rosières et cano­ni­sé les pucelles ! Vir­gi­nie est une oie, tor­dons-lui le cou !… ».

[/​Lucie Por­que­rol (Notre Temps)./​]

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