La Nudité, c’est la santé, c’est le confort, c’est la beauté.
En faisant cette affirmation, ou, si vous voulez, en énonçant cette thèse, je ne parle pas d’une façon théorique, je ne fais nullement de la rhétorique. Non, il s’en faut de beaucoup. Je parle d’après la pratique, d’après l’expérience personnelle que j’ai faite et que je fais toujours, de la nudité, lorsque, bien entendu, la mauvaise température n’apporte aucun obstacle.
La nudité, c’est la santé. Oui, sous beaucoup de rapports. D’abord, à l’extérieur du corps, car elle entretient et développe l’hygiène de la peau. Quand on vit tout nu, on se tient plus propre et on se lave plus souvent tout le corps, comme on se lave le visage, car, si on a un tant soit peu d’esthétique, on n’aime pas à se voir sale. Ainsi, on pratique, en premier lieu, et d’une manière complète, la vertu de propreté. Ensuite, grâce à la nudité et à la propreté, le contact de l’air et de la lumière exerce sur la peau, dont les pores sont bien ouverts, l’effet le plus bienfaisant. Tout le corps respire, par tous les pores, et la circulation du sang se fait d’une manière plus active, en même temps que le sang lui-même se purifie et se débarrasse des humeurs qui le rendent plus faible. En conséquence, les maladies de la peau, comme les eczémas, par exemple, ou humeurs du même genre, disparaissent ou bien diminuent considérablement. Tous ces bons effets sont entravé et rendus même impossibles par le poids des habits et par la sueur, surtout en été, qui forme sur le corps une couche de crasse pâteuse, de telle façon que l’air et la lumière ne peuvent plus être en contact avec la peau. Quant aux bains de lumière que l’on pratique en exposant au soleil tout son corps nu, on sait combien ils sont bienfaisants et quels bons effets ils produisent, car ils permettent aux chauds rayons de soleil de dissoudre, de brûler les humeurs qui obstruent les pores. En même temps, je puis affirmer qu’ils sont. vraiment délicieux. Pour moi, je les pratique tous les jours, quand il y a du soleil, bien entendu, car j’ai la bonne fortune d’avoir une chambre exposée au levant et qui reçoit le soleil toute la matinée. Et je les trouve si bienfaisants et si bons que c’est avec une vraie passion et une véritable volupté quand je me dénude aussitôt que les rayons d’or pénètrent dans ma chambre, et que, suivant la belle expression de notre poète occitan Aubanel, « j’abandonne mon ventre aux baisers du soleil ».
Ensuite, avec la nudité„ plus de lourdeurs, en été, plus de torpeur ni de somnolence, plus de manque d’appétit et de mauvaise digestion. L’état de nudité prolongé et habituel entretient le corps léger, vif et dispos. Il produit dans l’homme une énergie, une vitalité, une activité toutes particulières qui rendent le travail facile et agréable, qui excitent l’appétit bien mieux que les apéritifs, et qui activent puissamment la digestion. Pour moi je me souviens de tous ces brûlants étés méridionaux où les vêtements me pesaient énormément, où la forte chaleur entretenait une sueur abondante et parfaitement désagréable, où je ne sentais aucune envie de manger, surtout le potage et la soupe que l’on trouvait toujours trop chaude, ou, après le repas pris et absorbé par force, je tombais sur une chaise comme un corps mort et je m’abandonnais à un sommeil lourd et nuisible qui paralysait en moi toute volonté et me rendait ensuite incapable de travailler et d’agir comme je l’aurais voulu. Rien de tout cela depuis que je pratique la nudité. Je me sens plein d’énergie et d’activité, sans le poids des vêtements. La chaleur, que je sens beaucoup moins, ne m’enlève plus l’appétit, et la digestion se fait très bien, sans aucune difficulté. Plus de sueur abondante, plus de sommeil lourd après le repas, plus de paralysie de la volonté. Nullement amolli par la chaleur, je retrouve toute mon énergie, toute mon activité, et je travaille avec un vrai plaisir, dans toute la force de ma nudité.
La nudité, c’est le confort. Cela est facile à concevoir. En été surtout, naturellement, comme on se sent à l’aise tout nu ! Plus de poids des vêtements, et, par conséquent, diminution de la chaleur. La chaleur naturelle elle-même devient beaucoup moins lourde, bien moins opprimante et, par suite, bien plus supportable. On est léger, on est frais et dispos, on se sent bien. Et l’on se rit de la chaleur. Et puis, quelle agilité dans les mouvements, dans la marche, dans le travail ! On est délivré du poids des vêtements, et aussi de leur entrave. On ne s’accroche à rien, on ne se prend nulle part, on ne se déchire pas. À se sentir ainsi libre et dégagé, tout nu, il semble qu’on va franchir les montagnes et les mers, il semble qu’on va s’élancer dans les airs et qu’on va voler comme les oiseaux. Oui, vraiment la nudité donne des ailes, en même temps qu’elle augmente la souplesse et la force des jambes et des bras.
La nudité, c’est la beauté. Parce que c’est, avant tout, la vérité, la sincérité. Être nu, se montrer nu, c’est être naturel, c’est se montrer tel que l’on est, sans voile, sans masque, sans tromperie. Comme la grande Nature dont nous sommes les fils et dont nous faisons partie. Dans la nature, c’est la nudité qui règne partout, dans le règne animal, comme dans le règne végétal et dans le règne minéral. Nus, nous sommes en harmonie avec toute la nature. Le vêtement détruit cette harmonie, car c’est le règne de l’artificiel, du conventionnel, et, souvent, du ridicule. La nudité, c’est la sincérité du corps, image de la sincérité de l’âme. On pourrait définir l’homme « un animal qui s’habille, au physique et au moral » ! Au physique, il s’habille et, par là, il cache les véritables formes de son corps, pour paraître ce qu’il n’est pas en réalité. Au moral, pareillement. Il s’habille, il se voile, en prenant des doctrines idéales, en tenant un langage idéal, et, par là, il cache les véritables aspirations de son être, il cache ses formidables appétits, ses convoitises insatiables, afin de tromper, de surprendre son semblable, et de l’exploiter à son profit. Là aussi, il fait tout pour paraître ce qu’il n’est pas en réalité. Et le vêtement physique, se mettant en rapport, en harmonie avec le vêtement moral, donne à l’exploiteur une façon nouvelle, une force de caste, et, en même temps, lui assure une espèce de stabilité et lui donne le prestige qui en impose aux foules simples, ignorantes et crédules à l’excès. Toujours le même stratagème : paraître, pour mieux gouverner, pour mieux dominer. Le chat couvert de farine pour tromper et prendre la naïve souris. « Ce bloc enfariné, dit avec raison le poète, ne me dit rien qui vaille ».
Mais la nudité, c’est aussi, d’une manière directe, la beauté, la beauté du corps, la beauté des lignes, la beauté des formes. Et c’est la nudité qui a produit les plus belles œuvres de la peinture et de la sculpture, chez tous les peuples et à toutes les époques, chez les Grecs et les Latins, chez les Italiens de la Renaissance. Sans doute, le vêtement cache bien des difformités, bien des laideurs physiques. Mais il cache aussi les belles formes, et cela suffit à le condamner. Et le poète, encore Aubanel, un amant fervent et passionné de la beauté plastique, a bien raison de dire à « la Vénus d’Arles » : « Montre-nous tes bras nus, tes seins nus, tes flanc nus, montre-toi toute nue, ô divine Vénus ! Ta beauté t’habille mieux que ta robe blanche. Laisse à tes pieds, tomber la robe qui autour de tes hanches s’enroule pour cacher ce que tu as de plus beau ! » O nudité, ô vérité, ô’ sincérité, ô beauté, beauté profonde et inaltérable, sois louée, sois aimée, sois pratiquée, maintenant et toujours !
[/José