La Confédération Générale du Travail du Portugal traverse à l’heure actuelle une crise qui risque de briser l’unité syndicale du prolétariat portugais.
Il n’existe, au Portugal, qu’une seule C.G.T. Ses principes sont ceux du syndicalisme révolutionnaire et du fédéralisme. Elle n’a cessé d’être aux avant-postes de tous les mouvements de revendication de la classe ouvrière portugaise. La C.G.T. est une force avec laquelle ses ennemis doivent compter, et tous les coups d’État, militaires ou autres, qui noircissent les pages de l’histoire contemporaine du Portugal ont tâché de ne pas se frotter à la C.G.T. de peur d’y être piqués.
On aurait pu croire que les communistes qui beuglent sans cesse de l’unité syndicale et qui crient à tue-tête que seule cette unité est capable de tenir tête à la réaction, seraient heureux de coopérer, au sein de cette C.G.T., au renforcement de cette unité syndicale, la défendant jalousement contre toute atteinte capable de l’affaiblir.
Il n’en est rien. Les communistes ne pouvaient souffrir que la C.G.T. du Portugal soit fédéraliste et anti-étatiste, et surtout ils ne peuvent permettre qu’elle soit affiliée à l’A.I.T. N’ayant pu empêcher cette affiliation, ils ont commencé un travail lent de démoralisation au sein même de la C.G.T. unique. Ils ont mené une campagne sourde, pleine de calomnies et de mensonges, contre les militants ds la C.G.T. Ils ont tâché de détacher, de la C.G.T. des syndicats entiers ; ils ont réussi à détacher la Fédération des marins de la C.G.T. et la faire prendre l’autonomie corporative. Quand le travail énergique de la C.G.T. et de ses militants a pu conjurer le danger de dislocation qui menaçait l’existence même de la C.G.T. Et a pu convaincre la plus grande partie de la Fédération des marins de réintégrer la famille syndicale, les communistes ne s’en tinrent pas pour battus ; ils recommencèrent de plus belle leurs attaques contre la C.G.T. et contre les anarcho-syndicalistes qui avaient la complète confiance de la grande masse des travailleurs portugais. Profitant de la situation critique du pays même, affaibli par les coups d’État militaires qui se succédaient avec une régularité presque mathématique, — situation qui se répercutait inévitablement et sur la C.G.T., ― Les communistes tentèrent un coup d’État à eux, s’emparèrent des bureaux de la C.G.T., chassèrent les anarchistes et syndicalistes de la Commission exécutive de la C.G.T., accaparèrent la direction du quotidien de la C.G.T., A Batalha, et crurent que de cette façon ils instaureront le règne de la « vraie » unité svndicale — celle à la solde de Moscou.
Ce coup d’État ne vivra que ce que vivent les coups d’État militaires dans ce pays — « l’espace d’un matin ».
Mais c’est ainsi que les communistes comprennent la sauvegarde et la propagande de l’unité syndicale.
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Il existait en Bulgarie deux centrales syndicales : l’une d’elles était affiliée à l’Internationale d’Amsterdam ; l’autre, sans affiliation internationale, — centrale indépendante, — avait plutôt des sympathies communistes.
Ici, les communistes insistaient sur la nécessité de l’union des forces syndicales en un seul organisme et faisaient la propagande pour la fusion des deux centrales. Cette propagande porta ses fruits. Il y a trois mois environ, l’unité syndicale en Bulgarie sembla être un fait accompli grâce à la fusion des deux centrales : les portes du nouvel organisme unique-allaient être ouvertes à tous, quelles que soient leurs affinités politiques ou philosophiques, un congrès prochain devant décider de l’affiliation internationale définitive.
Mais… les Bulgares proposent et Amsterdam dispose. Le secrétaire de l’Internationale d’Amsterdam, Sassenbach, écrivait aussitôt à la centrale réformiste bulgare qu’il se refusait à ratifier l’accord survenu.
Les réformistes bulgares ne se le firent pas dire deux fois. Leur organe officiel, Narod, publiait aussitôt la notification de la rupture et y ajoutait la déclaration caractéristique suivante : « Si les ouvriers veulent l’union, ils ne pourront l’avoir que sous la bannière d’Amsterdam. Toutes les autres solutions ne sont que des trahisons. L’union ne peut se faire que contre Moscou. »
Et voilà comment les réformistes comprennent l’unité syndicale.
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Ces deux exemples caractéristiques montrent à quel degré ni les communistes ni les réformistes ne désirent l’unité. Ou plutôt si les uns et les autres la désirent, ce n’est que sous condition qu’elle soit réalisée contre une des parties contractantes. Les communistes veulent l’unité, mais que celle-ci soit à la sauce moscovite ; les réformistes ne l’auront que si elle écrase les communistes. Les deux sont ennemis également acharnés des syndicalistes révolutionnaires.
Est-ce que nos camarades le comprendront enfin ? Est-ce qu’ils insisteront toujours à vouloir l’unité malgré le refus net des réformistes et des communistes ? Ou bien veulent-ils coûte que coûte se laisser écraser par ceux qui ne voient dans l’unité qu’un moyen d’étrangler les unitaires à tout prix… et diantrement naïfs ?