La Presse Anarchiste

A une fausse amie

Tu me vois rire des gens d’armes
et bla­guer les cloi­trés des carmes,
me moquer du fakir-devin,
des dépu­tés, des pots-de-vin ;
m’in­sur­ger contre la bêtise,
l’au­to­ri­té qui me défrise,
n’af­fi­cher que pro­fond mépris
pour tous ceux qui n’ont rien appris
et qui vont, car­casse harassée,
mais dont est morte la pensée…

Tu me vois, gogue­nard, qui baille
devant tes patrons, ta curaille ;
(les tru­blions, les intrigants,
qui vous abreuvent de slogans)
déser­ter les cités haineuses
et leurs dévotes venimeuse,
les vieux beaux mar­cheurs décatis,
les « honorables » (
effrayé du mal que peut faire
tant d’é­goïsme séculaire…

Tu me vois, avant de pourfendre,
essayer tou­jours de comprendre ;
hon­nir l’i­gno­rance et ses maux,
et jeter au feu tes journaux ;
tu me vois détes­ter la guerre,
le laid qui four­mille sur terre ;
ébloui du songe qu’osa.
le pan­théiste Spinoza,
j’en­tre­vois une ère nouvelle
où l’exis­tence sera belle…

Tu tes gri­sée à ma parole !
main­te­nant, ce qui, te désole…
c’est que je suis sin­cère et fier.
Tu croyais mes pro­pos, « en l’air » ?
Mais je n’aime point le mensonge.
Va-t’en, veux-tu ? Pas­sons l’éponge.
Je suis un anar­chiste — soit.
Suis ton che­min, plus ou moins droit.
Laisse en moi s’é­pa­nouir mon rêve,
et ne l’é­treint pas ― pour qu’il crève ! 

[/​Rasco Dua­nyer/​]

La Presse Anarchiste