La Presse Anarchiste

La vitrine de Noël

Tout le grand jour, il a marché
dans la neige, le nez au vent ;
C’est tout juste si les passants,
en le cognant, l’ont remarqué.
C’est un gosse, petit, si petit,
qui s’ar­rête à chaque boutique
pour contem­pler, mal­gré le froid,
les éta­lages magnifiques.
Comme ça sent bon chez le pâtissier !
Depuis le matin, il est parti
gre­lot­tant, sans savoir pourquoi,
ayant si faim, ayant si froid.
 — On lui défend de toucher
à toutes les bonnes et belles choses
que se par­tagent tant de gosses, —
Comme ça sent bon chez le pâtissier
Ça sent bon la brioche chaude.
Il est res­té là si longtemps,
le nez écra­sé sur la vitre,
à contem­pler un père Noël
scin­tillant comme le soleil,
que le père Noël a bougé
et s’est appro­ché de lui,
sur ses joues, ratatinées
a posé deux tendres baisers.
Dans ses bras il l’a porté
tout près du poêle,
où brillent tant et tant d’étoiles,
que le gosse tout ébloui
s’est cru sou­dain au paradis.
Sur ces lèvres il a savouré,
toute ronde et toute chaude,
la brioche du pâtissier.
Sur ses petits pieds glacés
deux longues mains fines et roses
deux longues mains se sont posées.
Pour lui, les anges ont chanté.
Alors vite, il s’est mis à rire
et comme un oiseau qui s’endort,
dans la neige il est tom­bé mort,
au pied de la riche vitrine.

[/Ma­rie-Claire Mague­lonne/​]

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