La Presse Anarchiste

La quinzaine

La marche en avant

Signe pré­cur­seur d’un ache­mi­ne­ment vers une trans­for­ma­tion sociale, les tra­vailleurs de tous pays, jetant en rem­blai les patries et les dieux, l’au­to­ri­té et les maîtres, marchent vers l’a­ve­nir, ten­dant à s’é­man­ci­per de leur sécu­laire servitude.

En Espagne, pays des moines et terre clas­sique de l’In­qui­si­tion, le pro­lé­ta­riat, par dif­fé­rentes ten­ta­tives vio­lentes et des grèves puis­santes, conti­nue sa marche vers l’é­man­ci­pa­tion. Aus­si les classes diri­geantes, affo­lées, après avoir eu recours aux assas­si­nats juri­diques, après avoir gar­rot­té à Xérès, fusillé à Bar­ce­lone, tor­turent de nou­veau dans la pri­son de Vioh les mili­tants, gré­vistes, comme elles avaient déjà fait avec des anar­chistes, enfer­més dans les cachots de Mont­juich. Le hideux Cano­vas a des conti­nua­teurs, et la san­gui­naire Chris­tine semble avoir oublié le revol­ver d’Angiolillo.

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Dans l’A­mé­rique du nord, les capi­taux se concentrent pour mono­po­li­ser cer­taines branches d’in­dus­trie, qui ensuite se coa­lisent entre elles, pour tenir entre leurs mains toutes les res­sources indus­trielles et agri­coles néces­saires à l’exis­tence. En France en 1793 on tran­chait la tête aux acca­pa­reurs, mais les tra­vailleurs amé­ri­cains ne sont pas encore arri­vés à ce degré, à la coa­li­tion patro­nale, ils opposent la coa­li­tion ouvrière et le trust de l’a­cier vient de pro­vo­quer une grève de prés de 200.000 hommes, c’est déjà un nombre impo­sant et s’ils aban­don­naient la lutte paci­fique des bras croi­sés, dont l’éner­gie s’é­teint à force d’at­tendre, et ren­traient dans la lutte révo­lu­tion­naire, ils entrai­ne­raient avec eux un nombre, consi­dé­rable d’ou­vriers, qui tra­vaillent encore, et les forces de l’au­to­ri­té et du capi­tal ris­que­raient d’être vaincues.

Mais pour cela il ne faut plus comp­ter sur les pro­messes men­son­gères des poli­ti­ciens, ni sur les aug­men­ta­tions des salaires, qui amènent l’aug­men­ta­tion du prix des pro­duits manu­fac­tu­rés, car le pro­duc­teur, étant en même temps le consom­ma­teur, il paye lui-même l’aug­men­ta­tion, qu’il a pu conquérir.

On ne par­le­mente pas avec le patro­nat on le sup­prime la solu­tion est là rien que là.

La grande famille

Un « inci­dent » vient de se pro­duire ces jours der­niers, pen­dant les exer­cices au tir du 90e de ligne en gar­ni­son à Châteauroux.

Quatre balles, par­ties d’une escouade, venaient suc­ces­si­ve­ment sif­fler aux oreilles du colo­nel, mais sans l’atteindre.

Il est vrai, que pour le 14 juillet, au cours d’une de ces longues pro­me­nades, faites sous un ciel tor­ride, une ving­taine de sol­dats furent frap­pés d’in­so­la­tion, et qu’un autre jour, il fal­lut l’in­ter­ven­tion éner­gique du major, pour empê­cher que le régi­ment n’exé­cute une marche for­cée de 62 kilom., soit de Châ­tillon à Châteauroux.

Ah oui, certes, la caserne est une bien mau­vaise famille.

À propos d’une pétarade

Dans une église à Troyes (Aube) une explo­sion vient d’a­voir lieu, quelques saints furent déman­ti­bu­lés, le curé est pris de la jau­nisse, les autres qui si trou­vaient en prirent du bismuth.

Aus­si­tôt les vigi­lants de la sûre­té publique se dirent : qui est-ce-qui à bien pu faire cela ? ce sont les anar­chistes. Aus­si­tôt arres­ta­tion des cama­rades Fran­quet et Lam­bin. L’a­li­bi, qu’ils éta­blirent, prou­va bien qu’ils étaient autre part au moment de l’ex­plo­sion mais ceci n’y fit rien, le magis­trat ins­truc­tion­neur, comme le loup de la fable, dit : « si ce n’est pas toi, c’est donc ton frère, si tu n’en a pas c’est quel­qu’un des tiens ». Cela est suf­fi­sant, et sans autre scru­pule, les fit empri­son­ner, sans tenir aucun compte du pré­ju­dice, occa­sion­né à eux par la perte de leurs emplois, qui leurs per­met­taient de vivre maigrement.

Quand il s’a­git des escrocs du Pana­ma, c’est tout dif­fé­rent, il faut des preuves de par­faites exac­ti­tudes, afin de ne pas occa­sion­ner à ses per­son­nages les désa­gré­ments de la justice.

Encore si c’est un Fla­mi­dien, dans l’im­meuble duquel on trouve le cadavre d’un enfant. confié à ses soins, vio­lé et mort de vio­lence impos­sible d’en décou­vrir l’as­sas­sin ; et une ordon­nance de non lieu inter­vient vite pour arra­cher, sain et sauf, à l’ac­cu­sa­tion fan­tai­siste et erro­née dont il était victime.

Drôle de contraste.

Pour une guenille

Deux jeunes socia­listes, irri­tés par sa vue, arra­chèrent et jetèrent à terre le dra­peau tri­col qui s’ex­hibe sur la porte de la gen­dar­me­rie de Ste-Colombe (Rhône). Emblème de meurtre, d’in­cen­die et de pillage, créa­tion du pre­mier Bona­parte, c’est sous tes plis que furent mas­sa­crés les pro­lé­taires en Juin 48, en mai 71, ain­si qu’a Four­mies. Châ­lon, la Mar­ti­nique, c’est éga­le­ment sous tes plis, qu’à •Mada­gas­car les pro­fes­sion­nels du meurtre ont exter­mi­né dans une seule ville 5000 habi­tants, qui venaient, avec des pré­sents, volon­tai­re­ment se sou­mettre, sans défense, à l’au­to­ri­té des traî­neurs de sabre et du bou­clier en chef Gal­lie­ni ; tu as aus­si ser­vi d’é­ten­dard à ceux qui ont tué, vio­lé et pillé en Chine, pour le plus grand avan­tage des mis­sions reli­gieuses. Tu sers encore de cou­ver­ture aux tor­tures et assas­si­nats patrio­tiques com­mis dans les com­pa­gnies de dis­ci­pline, tels que ceux de Che­del, Chey­mol, Gre­nier, Lafond, tor­tu­rés dans les fers par les capo­raux et ser­gents qui furent ensuite approu­vés par leurs supérieurs.

Les bri­seurs d’emblème, sur­pris et arrê­tés dans leur acte d’é­pu­ra­tion, furent condam­nés à deux mois de prison.

Les juges étant nom­més par les ministres, les ministres par les dépu­tés et les dépu­tés par tous les élec­teurs. Espé­rons que cette consta­ta­tion suf­fi­ra pour les dégou­ter à jamais de tous les can­di­dats et de tous les votards — s’ils ne le sont déjà.

À l’Éclaireur de Vienne

Il est pénible et répu­gnant de consta­ter qu’un jour­nal soit disant ani­mé d’es­prit à ten­dance avan­cée, ait si peu de digni­té, d’in­cons­cience, pour ne pas remon­ter aux causes de condam­na­tions, lors­qu’il publie le compte ren­du des audiences du tri­bu­nal de simple police.

Dans un numé­ro d’août, nous rele­vons les pas­sages suivants :

« Favier Gabrielle, gra­ti­fiée d’une contra­ven­tion pour raco­lage, 2 francs d’a­mende. La même pour infrac­tion à l’ar­rê­té du 2 Décembre 1892, 3 francs d’amende.

Gerin José­phine a man­qué 2 fois à la visite sani­taire, 2 jours de pri­son, 5 francs d’amende.

Sala­bert Denise a éga­le­ment man­qué à la visite sani­taire, 2 francs d’amende ».

Eh bien, mes­sieurs de l’Éclai­reur, vous devriez au moins vous taire, après le congrès qui s’est tenu il y a peu de temps à Lyon, en faveur de l’a­bo­li­tion de le traite des blanches, où l’i­gno­mi­nie de la police des mœurs a été suf­fi­sam­ment mise à nue, ain­si que l’i­nef­fi­ca­ci­té des moyens pro­phy­lac­tiques, lais­sez à ceux qui condamnent ces mal­heu­reuses et dou­lou­reuses pros­ti­tuées, la mons­truo­si­té d’une pen­sée basse et odieuse. Vous ne devez pas igno­rer, que la pros­ti­tu­tion est une plaie sociale, que la socié­té capi­ta­liste refuse à la femme le droit de vivre libre. Pour sub­sis­ter, beau­coup de femmes ont besoin d’un sou­te­neur et elles ne peuvent le trou­ver que dans le mari — sou­te­neur légal — ou dans l’a­mant — sou­te­neur illé­gi­time. Qu’on donne à la femme la pos­si­bi­li­té de vivre par un tra­vail ration­nel, sain et hono­rable, elle se don­ne­ra à qui lui plai­ra et ne se ven­dra plus ni dans le mariage, ni sur le trot­toir. Mais pour réa­li­ser cela, il faut une révo­lu­tion sal­va­trice, qui détruise à tout jamais l’au­to­ri­té et le capi­tal et éta­blisse ensuite une socié­té nou­velle, basée sur la liber­té et la com­mu­nau­té des biens, c’est-a-dire l’anarchie.

Mais pauvres catins, mes sœurs, vos condam­na­tions font sou­rire les lec­teurs et lec­trices, s’ils ne les lisaient pas dans l’Éclai­reur avec les condam­na­tions du tri­bu­nal de jus­tice de paix, les écra­se­ments de chiens, les dis­putes des mégères, qu’y liraient-ils les mil­liers d’ignares ?

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Gare, les Cama­rades du Nord et de l’Est ! la pes­taille va être à vos chausses : le tzar va venir en France. On vous sur­veille­ra, vous tra­que­ra, vous cof­fre­ra, pour la plus grande gloire de la répu­blique. Le petit père Lou­bet, comme on disait à l’é­poque du Drey­fu­sisme aigü, lors des escortes de Long­champs, va rece­voir son grand ami le « Petit Père » de Rus­sie, et pen­dant que les rares anar­chistes de la région goû­te­ront aux hari­cots indi­gestes, des mil­liers et des mil­liers de braves pay­sans et ouvriers, der­rière les ran­gées de sol­dats et de gens d’armes, le long des voies fer­rées, sur les ponts dans les rues gueu­le­ront à tue-tête : « Vive le Tsar ! Vive la Répu­blique ! Vive l’Ar­mée ! » Faut tou­jours qu’il gueule : « Vive quelque chose ! » le popu­lo on ne l’en­ten­dra donc jamais gueu­ler : « Vive moi ! »

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