La Presse Anarchiste

Mouvement social

La-Chaux-de-Fonds. — L’hor­lo­ge­rie qui est notre seule indus­trie et par consé­quent notre unique gagne-pain, en est arri­vée d’an­née en année, au point qu’au­jourd’­hui, les juifs et les machines aidant, il n’est plus pos­sible à l’ou­vrier de faire « le tour ». Jamais, peut être, on n’a fabri­qué autant de montres qu’au­jourd’­hui, mais on les fait si vite et à si bon mar­ché qu’il n’est plus pos­sible de dire que les affaires vont bien. 

Il y a quelques jours une banque de toute « mora­li­té » et de pre­mière impor­tance a fait faillite. Une pre­mière mai­son d’hor­lo­ge­rie a éga­le­ment fait faillite, lais­sant un défi­cit de plus d’un mil­lion, entraî­nant dans sa chute d’autres mai­sons qui ferment avec des défi­cits de 500 000 francs. Et ce n’est que le com­men­ce­ment de la débâcle ! Des usines se sont ins­tal­lées un peu par­tout dans les cam­pagnes, ce qui fait qu’a­vec un outillage per­fec­tion­né et des ouvriers moi­tié cam­pa­gnards, moi­tié hor­lo­gers, on y fabrique des montres qui se vendent 4 et 4 fr. 50. 

On bâtit des pri­sons où le besoin s’en fait sen­tir ; on reforge des codes, on aug­mente la solde des gen­darmes, on leur bâtit des mai­sons habi­tables et, à La Chaux-de-Fonds, il y a eu ces der­nières années, un vrai déluge d’a­vo­cats, de notaires et autres « hommes de lois ». 

On se demande ce que fait l’ou­vrier au milieu d’une telle débâcle ? Il ne fait rien, ou ne fait que « le poing dans la poche ». Il va encore voter par-ci, par-la, et croit avoir reven­di­qué beau­coup lors­qu’il fait par­tie d’un « par­ti ouvrier ». Ce par­ti est un très médiocre agi­ta­teur ; il ne satis­fait en rien les besoins du peuple. Si vous lisiez leurs jour­naux de main­te­nant, vous seriez éton­nés de la nul­li­té de leurs argu­ments. J’ai enten­du des ouvriers s’en plaindre, c’est tout dire. 

Le monde anar­chiste, lui, ne fait guère plus. Mais il a été secoué par plu­sieurs pro­cès qui ont, ou affa­mé les hommes et les familles ou à moi­tié tué ceux qui ont fait du bagne. 

Il y a comme un vent d’as­sou­pis­se­ment qui a amol­li toute vie, toute agi­ta­tion ; toute ini­tia­tive chez nous comme chez les ouvriers en général.

Les sou­cis du pain sont pour beau­coup dans cet ava­chis­se­ment des masses, et il est encore assez rare de ren­con­trer des hommes qui en soient écœu­rés et dont le cœur ren­ferme de la haine. 

Nico­let

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