Il y a quelques jours une banque de toute « moralité » et de première importance a fait faillite. Une première maison d’horlogerie a également fait faillite, laissant un déficit de plus d’un million, entraînant dans sa chute d’autres maisons qui ferment avec des déficits de 500 000 francs. Et ce n’est que le commencement de la débâcle ! Des usines se sont installées un peu partout dans les campagnes, ce qui fait qu’avec un outillage perfectionné et des ouvriers moitié campagnards, moitié horlogers, on y fabrique des montres qui se vendent 4 et 4 fr. 50.
On bâtit des prisons où le besoin s’en fait sentir ; on reforge des codes, on augmente la solde des gendarmes, on leur bâtit des maisons habitables et, à La Chaux-de-Fonds, il y a eu ces dernières années, un vrai déluge d’avocats, de notaires et autres « hommes de lois ».
On se demande ce que fait l’ouvrier au milieu d’une telle débâcle ? Il ne fait rien, ou ne fait que « le poing dans la poche ». Il va encore voter par-ci, par-la, et croit avoir revendiqué beaucoup lorsqu’il fait partie d’un « parti ouvrier ». Ce parti est un très médiocre agitateur ; il ne satisfait en rien les besoins du peuple. Si vous lisiez leurs journaux de maintenant, vous seriez étonnés de la nullité de leurs arguments. J’ai entendu des ouvriers s’en plaindre, c’est tout dire.
Le monde anarchiste, lui, ne fait guère plus. Mais il a été secoué par plusieurs procès qui ont, ou affamé les hommes et les familles ou à moitié tué ceux qui ont fait du bagne.
Il y a comme un vent d’assoupissement qui a amolli toute vie, toute agitation ; toute initiative chez nous comme chez les ouvriers en général.
Les soucis du pain sont pour beaucoup dans cet avachissement des masses, et il est encore assez rare de rencontrer des hommes qui en soient écœurés et dont le cœur renferme de la haine.
Nicolet