À Londres, conférence des ministres des Affaires Étrangères. Les requins du capitalisme international sont réunis. Ils espèrent bien décider, à huis clos, du sort de la planète. Et le public, lui, de suivre avec une attention soutenue autant que ridicule, ce que d’aucuns appellent pompeusement des « conversations qui préparent la paix du monde ».
La paix du monde, cette armature d’acier dont se prémunissent tous les États ?
La paix du monde, cet ensemble de mesures prises par une clique d’aventuriers, et qui permettra de maintenir des centaines de millions de salariés sous le joug de leurs oppresseurs ?
La paix du monde, ce nouveau traquenard des principaux actionnaires des industries-clefs ?
Depuis cinq ans, on nous a habitués aux conférences à deux, à trois, à quatre ou à cinq. Il s’agissait, nous disait-on (en pleine guerre), de vaincre l’hitlérisme. Mais on employait ses méthodes. Aujourd’hui, l’Allemagne et le Japon sont des nations militairement vaincues ; on continue cependant les mêmes procédés.
Après la Charte de l’Atlantique, Téhéran, Yalta, Potsdam, Londres. MM. les ministres des Affaires Étrangères des Nations Unies (deux euphorismes) délibèrent dans le secret.
D’une part, on veut donner l’impression d’une grande largesse de vue en laissant aux peuples libérés de l’occupation allemande la faculté de se donner, par le jeu d’élections dites libres (
D’autre part, on délibère en secret, on décide, entre quelques hommes, du partage des territoires et de la répartition des richesses.
D’un côté, simulacre de liberté. De l’autre, acte dictatorial, s’il en est.
C’est ainsi qu’à l’échelle universelle le grand complot contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes bat son plein. Les hommes de main de la Russie totalitaire et stalinienne (que nous ne confondons pas avec le peuple russe) s’associent à cette vaste opération qui vise à l’asservissement du prolétariat international.
Que de promesses ont été faites à tous les peuples durant ces années de guerre. Mais c’est parce qu’il fallait alors pouvoir compter sur eux pour régler les comptes, lorsque la grande famille capitaliste se trouvait divisée. Aujourd’hui, c’est la grande réconciliation ! Et malgré de nombreuses sources de conflits inhérentes à de tenaces contradictions d’intérêt, tout ce ramassis de malfaiteurs officiels, s’érigeant en jury, prépare la distribution des récompenses.
Ce n’est pas la paix du monde qui pourra résulter des entretiens de ces affairistes, mais un réseau de fortifications, d’embuscades ayant pour objet de retarder la véritable transformation sociale : la révolution. Les causes de conflits subsisteront et garantiront une prolongation de la durée du régime capitaliste, car la peur de la guerre a toujours été un moyen pour faire oublier aux travailleurs où se trouvaient leurs véritables intérêts.
Mais, parallèlement à ce reclassement des valeurs (
Les deux seuls « blocs » qui comptent pour nous vont donc être constitués : le bloc capitaliste, qui ne manquera pas de signer des accords temporaires ; le bloc prolétarien, qui aura bientôt son Internationale syndicale.
Du premier, nous savons ce qu’il faut attendre, le grand complot des hommes d’État, des financiers et des industriels entrant déjà, à l’échelle universelle, dans sa phase décisive.
Que nous réserve le second, celui en lequel nous voudrions pouvoir espérer ? Son orientation sera lourde de conséquences. Puissent les travailleurs de tous les pays savoir se libérer de l’influence des chefs, qui ne peuvent que les mener aux catastrophes.
Les mouvements de grèves, en Amérique, en France et ailleurs, viennent de prouver à nouveau que l’action directe contre le patronat et l’État, en dehors et au-dessus des partis, demeure seule capable de préparer des temps meilleurs.
À une époque où les élections succèdent aux élections, où les dirigeants de la C.G.T. paraissent plus préoccupés par un certain référendum que par les réalités de la lutte de classes, il est indispensable de revenir à une conception plus courageuse de la Guerre Sociale, qui, elle, n’a pas cessé.
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