La Presse Anarchiste

L’anarchie de Zurich à Venise

Cent ans après sa mort, Bakou­nine conti­nue un rude com­bat. Des mille et une idées qu’il expri­ma il y en a une cen­taine qui main­te­nant com­mencent à ger­mer. Une longue vie de rebelle le pré­pa­ra à être le créa­teur et l’in­ter­prète d’une idée nou­velle, pour expri­mer un mou­ve­ment qui nais­sait — …il est deve­nu l’hé­gé­lien le plus à gauche de l’aile gauche de l’hé­gé­lia­nisme du début des années 40, un révo­lu­tion­naire poli­tique de 1848, un révo­lu­tion­naire social des années 60 » [[Petr Lavrov, juillet 1876. Dans A. Leh­ning : Michel Bakou­nine et les autres, 1018, Paris, 1976, p. 392.]] — et se trou­ver au centre du conflit qui divi­sa l’In­ter­na­tio­nale, deve­nant le porte-parole du pôle anti­au­to­ri­taire du mou­ve­ment socia­liste. Un nou­veau mou­ve­ment social com­mu­niste, révo­lu­tion­naire et anti­au­to­ri­taire se met en marche. Le révo­lu­tion­naire de Dresde devient anarchiste. 

C’est grâce à cela que Bakou­nine est actuel. Il a pu théo­ri­ser deux élé­ments fon­da­men­taux de cette lame de fond que fut la 1re Inter­na­tio­nale : 1) son radi­ca­lisme ; 2) son enra­ci­ne­ment col­lec­tif, com­mu­nau­taire, social. 

C’est à cause de cela aus­si qu’il est pré­sent de deux façons dif­fé­rentes quand les anar­chistes d’au­jourd’­hui se réunissent pour par­ler de Bakou­nine et de l’a­nar­chie. Non pas pour sacra­li­ser un mythe, mais pour appro­fon­dir une idée. 

Plus de 300 per­sonnes, jeunes pour la plu­part, à Zurich [[Les jours 3 et 4 juillet se réa­li­sa à Zurich un col­loque sur Bakou­nine orga­ni­sé par le groupe James Guillaume de Zurich, la coor­di­na­tion liber­taire Romande et la coor­di­na­tion anar­chiste de la Suisse Ita­lienne.]]. Le scé­na­rio tra­di­tion­nel : les ora­teurs pré­vus et le public. La confé­rence magis­trale et les mili­tants-élèves qui, n’é­tant pas ins­truits, ont l’o­bli­ga­tion d’ap­prendre. Au nom de quel prin­cipe le plus grand nombre qui ne le sou­haite pas a l’o­bli­ga­tion d’é­cou­ter les quelques-uns qui « savent » ? 

Le public conteste, veut par­ti­ci­per, dire ce qu’il res­sent, apprendre à tra­vers la rela­tion dia­lec­tique qui s’ins­taure quand, niant ce qui est, ce qui n’est pas prend place. C’est la pagaille, l’a­nar­chie. « Le désir de la des­truc­tion est un désir créa­teur ». À Zurich était pré­sent l’es­prit de Bakounine. 

Mais, rap­pe­lons-nous, « l’a­nar­chie est la plus haute expres­sion de l’ordre ». Venise [[À venise eut lieu une Confé­rence Inter­na­tio­nale d’É­tudes Bakou­ni­niennes les 24, 25 et 26 sep­tembre, au Palaz­zo Sce­ri­man. Elle était orga­ni­sée par le GAF et par l’As­so­cia­tion Cultu­relle Liber­taire A. et B. Caro­ca­ri. Plus de 500 per­sonnes ont pur suivre, en deux langues grâce à la tra­duc­tion simul­ta­née, les dif­fé­rents tra­vaux, com­mu­ni­ca­tions et dis­cus­sions aux­quels par­ti­ci­pèrent par­mi d’autres A. Leh­ning, Pier Cario Mas­si­ni, Tina toma­si, Pel­li­ca­ni, Setem­bri­ni, Nico Ber­ti, etc.]] est là pour que nous n’ou­blions pas les révo­lu­tion­naires. Les études, l’in­for­ma­tion, l’his­toire des his­to­riens nous donnent un por­trait encore vivant de Bakou­nine. La connais­sance, si néces­saire à ceux qui veulent trans­for­mer le monde, est reçue par une jeu­nesse plus nom­breuse qu’à Zurich et, peut-être grâce à la struc­ture même du congrès, plus sage. À Venise est pré­sente, en par­tie, la pen­sée de Bakou­nine [[Il me semble impor­tant de sou­li­gner la diver­gence évi­dente qui, tout en disant les mêmes choses, sépa­rait à Venise les « his­to­riens » et les « militants ».]]. 

L’a­nar­chie est la des­truc­tion des rap­ports de domi­na­tion et d’ex­ploi­ta­tion qui déter­minent l’u­ni­vers établi. 

L’a­nar­chie c’est l’ordre, l’har­mo­nie des rap­ports cher­chés et sou­hai­tés par les hommes dans une socié­té sans contrainte.

L’a­nar­chie est en même temps la des­truc­tion du monde d’au­jourd’­hui et l’u­to­pie de demain. C’est l’ac­tion, l’acte créa­teur par lequel un monde ancien dis­pa­raît, empor­té par un monde nou­veau qui naît.

Nico­las.

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