Les citoyens Cachin et Frossard n’ont pas fait le voyage de Moscou simplement pour en rapporter la bénédiction de Lénine, comme le donnent sottement à entendre les journaux bourgeois. Ils ne l’ont pas entrepris non plus pour enquêter sur l’administration des Soviets, comme ils le donnent eux-mêmes confusément à entendre : ils savaient à quoi s’en tenir là-dessus aussi pertinemment que Lénine et Trotsky.
Les politiciens s’agitent beaucoup en ce moment autour de la C.G.T. et l’ardeur de leur zèle éclate avec une violence inusitée, dans les colonnes de L’Humanité. C’est l’évidence même que ce mouvement reçoit son inspiration des régions supérieures où l’on décrète la Dictature mondiale du Prolétariat. On s’explique donc la nécessité pour Cachin et Frossard d’aller prendre leur mot d’ordre à Moscou, à la veille de la grande offensive qui, dans l’esprit de ces stratèges, doit enfin aboutir à subordonner l’action syndicale à l’agitation politicienne.
Nous considérons que le socialisme d’État sera impuissant à réglementer la vie économique du pays. Nous considérons, au contraire, que la C.G.T. est la seule organisation capable de substituer l’administration de la chose publique au désordre capitaliste.
Dans cette Revue, où nulle ambition personnelle n’influence le jugement des rédacteurs, on a parfois usé, à l’égard des dirigeants de la C.G.T. de ce droit de critique et de libre discussion qui n’est guère absolument interdit qu’en Russie soviétique. Au moment où les forces combinées des dictateurs du Parti socialiste et des dictateurs syndicalistes vont tenter l’assaut du Bureau confédéral nous nous trouvons donc à notre aise pour répéter que nous sommes comme lui contre toute dictature, y compris celle du Prolétariat.
Que des militants syndicalistes débattent entre eux l’orientation de l’action confédérale dans une voie plus révolutionnaire, rien de plus souhaitable. Mais les calomnies dont certains d’entre eux sont systématiquement salis révèlent d’autres préoccupations.
Les dernières élections ne sont pas étrangères à la tactique des politiciens socialistes. S’ils avaient eu cinquante sièges de plus au Parlement, leurs élus se tiendraient tranquilles, tout comme leurs collègues de la Consulta. Si de bonnes élections ne sont peut-être pas toute la Révolution, c’est assurément le commencement de la sagesse pour les députés. Toute cette agitation extra-parlementaire durera jusqu’à la prochaine campagne électorale ; alors, elle changera d’objet.
En attendant, la lutte à laquelle nous assistons met aux prises la Commune de Paris et celle de Moscou.
Vive la Commune de Paris !
Vive la C.G.T. !
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