tu pourras méditer dans le calme des jours
sans que la pie impose à ton immense amour
des hommes plus heureux ses griffes de tigresse.
La nature sera ton utile maîtresse.
Nul ne te maudira quand il sera prouvé
qu’un poème contient toute l’humanité
s’il est beau par le rythme et grand par la pensée,
si la flèche des mots artistement lancée
frappe le cœur le moins sensible et l’esprit lent
par l’imprévu d’un coup sonore, étincelant
et doux comme un regard d’étoile dans la brume.
Frère, tu seras riche :
riche d’un lourd passé de souffrance où les cris
de tous les réprouvés et de tous les proscrits
étouffent la chanson allègre de la terre
et poursuivent sans fin le rêveur volontaire ; —
riche d’un aujourd’hui réparateur où Toi,
peintre, sculpteur, musicien tout à la fois
tu réaliseras avec constance et flamme
ton œuvre social, magicien des âmes !
secondé par le peuple acteur et spectateur
mêlant toutes ses voix, son geste évocateur
à des rythmes légers ou graves qui l’inspirent ; —
riche de l’avenir que Toi, prophète heureux,
tu dresseras sur des principes généreux
compris par tous, admis par tous, indestructibles.
Et tu reculeras les bornes du possible,
mon frère, si tu veux répudier l’orgueil,
l’orgueil qui nous condamne à ne voir que d’un œil,
nous, les poètes du Vingtième minuscule
qui nous berçons encore aux chants du crépuscule.
(Hymnes Vierges)
[/G.