La Presse Anarchiste

Pour le régime sec

J’ai été aba­sour­di par les ren­sei­gne­ments four­nis par « un cama­rade », rela­tifs à la pro­hi­bi­tion des liquides alcoo­liques et den­rées et parus en der­nière page du no10 de Plus Loin :

« Il y aurait, aux États-Unis, en 1924, cinq fois plus de décès attri­bués à l’alcoolisme qu’en 1919. Dans les pri­sons et dans les asiles d’aliénés, la pro­por­tion des vic­times de l’abus des drogues (alcool, mor­phine, etc.), serait pas­sée dans le même laps de temps de 6 à 40 %. »

Reli­sons ce texte et réflé­chis­sons. Peut-on admettre que du fait de l’interdiction de l’alcool quelque part, les gens vont se mettre boire cinq fois plus, rien que par motif de contra­dic­tion ou haine de l’autorité ? Et puis ces 6 et 40 %. se rap­portent à quoi ? Pour­quoi la rédac­tion ne passe-t-elle pas au crible de l’examen avant inser­tion, les affir­ma­tions les plus abracadabrantes ?

À la vue de l’entrefilet fabu­leux, j’ai été aux infor­ma­tions. Voi­ci ce qui en est de la pro­hi­bi­tion aux États-Unis (je ne veux pas entrer dans le détail qui nous mène­rait très loin) :

Le 8 sep­tembre 1917, les États-Unis inter­disent la dis­til­la­tion. Le 1er juillet 1919, pro­hi­bi­tion tem­po­raire, dite de guerre. Le 16 jan­vier 1920, éta­blis­se­ment de la pro­hi­bi­tion nationale.

De 1910 à 1917 inclu­si­ve­ment, la mor­ta­li­té par alcoo­lisme a été en moyenne annuel­le­ment de 5,2 pour 100 000 habi­tants ; en 1923, de 3,2.

Pour­suites judi­ciaires pour alcoo­lisme, à New-York :

1916 : 16 355 cas,

1923 : 8 101cas.

(Pen­dant ce temps les condam­na­tions à Londres étaient alcoo­liques et den­rées et par­tis en der­nière page du n°10 res­pec­ti­ve­ment de 29 394 et de 30 490)[[le texte est paru avec cette coquille qui en tronque le sens.].

Les arres­ta­tions pour alcoo­lisme à New-York ont été :

En 1916 de 17 099,

En 1923de 10 643.

Les chiffres des autres villes ont varié très sen­si­ble­ment dans les mêmes pro­por­tions, mais un compte exact, pour 1924 en par­ti­cu­lier, n’est pas encore éta­bli pour le pays entier.

Les inter­ne­ments à l’Hôpital Bel­le­vue, de New-York, ont été pour les cas d’alcoolisme chro­nique de 418 en 1916, de 74 en 1923 ; au home de Ches­ter Crest les admis­sions ont été durant ces mêmes années de 436 et de 291.

Ces don­nées, tirées de l’Annuaire de la Ligue anti­al­coo­lique d’Amérique (1925), docu­ment de toute confiance, montrent que si la pro­hi­bi­tion n’a pas sup­pri­mé la détes­table habi­tude de « boire », elle ne l’a en aucun cas éten­due – bien au contraire. Les faits sont les faits.

À la véri­té, il y aurait encore deux chiffres inté­res­sants qui pour­raient don­ner à pen­ser. Dans 300 villes de tous les États, sauf Okla­ho­ma et Caro­line du Nord, les arres­ta­tions pour alcoo­lisme ont été de 1913 à 1916 de 1 756 078 c’est-à-dire de 58,946 pour mille. Durant les années 1920 à 1923, le nombre a pas­sé à. 2 040 700, mais la popu­la­tion ayant aus­si aug­men­té, la pro­por­tion est de 58,859 pour mille. Empres­sons-nous d’ajouter que pour 1913 – 1916 il s’agit d’arrestations et de condam­na­tions d’individus ivres, ne pou­vant plus se tenir debout dans la rue, tan­dis que pour les années 1920 – 1923 il s’agit d’arrestations et de condam­na­tions non seule­ment d’ivrognes, mais de simples consommateurs.

Il est temps d’approuver la lutte contre l’alcoolisme, même si l’État s’en mêle. Les souf­frances des ménages de buveurs, comme les enfants tarés par l’alcoolisme des parents nous le demandent impérieusement.

[/​Dr Jean Wintsch/​]

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