Les sections représentées au Congrès étaient celles du Locle, de la Chaux-de-Fonds, de Porrentruy, de St-Imier, de Sonvillier, de Neuchâtel, de Fleurier, de Lausanne et de Genève, et les sociétés de métier des graveurs et guillocheurs du Locle et du Val-de-St-Imier, qui font partie à la fois de la fédération des graveurs et de la fédération jurassienne. La section de Moutier ayant décidé d’affecter la somme qu’elle aurait alloué pour frais de délégation, à soutenir la grève des graveurs de la Chaux-de-Fonds, avait adressé au Congrès une lettre dans laquelle elle déclarait se rallier d’avance aux résolutions qui seraient votées. Différentes sections constituées dans des villes de France dont nous ne pouvons publier les noms parce que ce serait dénoncer nos amis aux persécutions de la police, avaient envoyé également des lettres d’adhésion à la Fédération jurassienne.
Voici du reste la liste des délégués :
Fritz Heng et Albert Bernard, Section de la Chaux-de-Fonds ; — Ali Eberhardt et Georges Rossel, Section de St-Imier ; — Alfred Andrié et Adhémar Schwitzguébel, Section de Sonvillier ; — Jean-Louis Perdrisat et Jules Matile, graveurs et guillocheurs du Val-de-St-Itnier ; — Émile Prenez, Section de Porrentruy ; — J. D. Blin et Auguste Spichiger, Section du Locle ; Alexandre Chatelain et Paul Humbert, graveurs et guillocheurs du Locle ; — Jean Stegmeyer, Section de Fleurier ; — B. Malon et J. Guillaume, Section de Neuchâtel ; — Pindy, Section de Lausanne ; — Dumay (du Creuzot), Section de Genève.
Le bureau fut formé comme suit : Blin, du Locle, président ; Heng, de la Chaux-de-Fonds, vice-président ; les secrétaires furent choisis parmi les internationaux non-délégués, afin que tous les délégués pussent participer d’une manière active à la discussion ; ce furent Goss et Chautems, du Locle, et Jeanneret, de Neuchâtel.
Nous ne pouvons pas, vu le cadre restreint de notre Bulletin, entrer dans les détails des délibérations du Congrès du Locle ; nous nous bornons à en faire un résumé, suivi de la publication des résolutions adoptées par le Congrès.
L’ordre du jour du Congrès a été fixé comme suit :
- Rapport du Comité fédéral et affaires administratives.
- Question du Bulletin.
- Les statuts généraux révisés par le Conseil général.
- La Fédération jurassienne en présence du prochain Congrès général
- Le mouvement ouvrier dans l’industrie horlogère.
- L’attitude des ouvriers socialistes en Suisse, en présence de l’agitation révisionniste
Le Congrès, après avoir entendu la lecture du rapport du Comité fédéral, complété par des explications verbales, sur la situation des Sections de la fédération, se divisa en trois commissions chargées de rapporter et de présenter des résolutions sur chacune des questions à l’ordre du jour.
La 1re commission, ayant à s’occuper des deux premières questions, procéda à la vérification des comptes du comité fédéral, à l’examen d’une proposition tendant à admettre dans la fédération des membres centraux, affiliés directement au comité fédéral, et de la question, tant financière que morale, du Bulletin. On lira plus loin les résolutions qu’adopta le Congrès sur ces différentes questions.
La 2me commission devait s’occuper des 3me et 4me questions. Ces questions touchaient directement à l’avenir de toute l’Internationale, aussi la commission, ainsi que le Congrès, les abordèrent-ils avec la plus scrupuleuse attention. La commission présenta des résolutions bien motivées, auxquelles le Congrès donna son approbation. L’une des causes des dissentiments existants dans l’Association, est l’une des résolutions de la Conférence de Londres, autorisant le Conseil général à remplacer les Congrès généraux par de simples conférences. La nécessité, pour l’Internationale, d’avoir au plus vite un Congrès général, devient chaque jour plus évidente. Rechercher les moyens d’assurer la tenue du prochain Congrès général, fut donc une des préoccupations principales du Congrès jurassien.
Les travaux de la 3me commission, abordant les 5me et 6me questions, touchaient plus directement les intérêts des populations ouvrières horlogères. De la discussion il ressortit de précieux renseignements sur la situation misérable de certaines catégories de prolétaires ; cette situation mise en parallèle avec celle qu’occupent, par exemple, les ouvriers de l’industrie horlogère, démontra suffisamment que la position matérielle, de beaucoup plus privilégiée, des horlogers, leur imposait comme devoir de faire davantage pour l’affranchissement des plus déshérités. Malheureusement, on doit bien le constater, il règne, chez une forte majorité des ouvriers horlogers, de funestes préventions bourgeoises contre le reste du prolétariat, et trop souvent ce germe de bourgeoisie prend de telles proportions que les gens qui en sont atteints sont plus ennemis de l’émancipation générale des travailleurs que les bourgeois eux-mêmes. — L’égoïsme corporatif joue aussi un rôle trop considérable encore dans les revendications ouvrières, et il faut, coûte que coûte, à moins que les sociétés ouvrières ne veuillent trahir leur mission, faire disparaître de leur sein les tendances étroitement corporatives ; l’esprit d’une solidarité générale, largement pratiquée, doit pénétrer toute l’action des ouvriers. — La question des grèves aussi demande le plus sérieux examen ; il faut bien le dire : les grèves ne méritent pas d’une manière égale les sympathies des socialistes, et avec la manière d’agir de certaines corporations, nous risquerions de voir créer une espèce d’aristocratie ouvrière non moins dangereuse que la bourgeoisie elle-même. — Les résolutions adoptées sont l’expression des idées émises dans cette discussion.
Sur la question politique, le Congrès approuva les conclusions du rapport du comité fédéral.
La section de Genève présenta une proposition concernant la pratique révolutionnaire de l’Internationale. Le Congrès, après une longue discussion, nomma une commission, chargée de rédiger une résolution exprimant la pensée du Congrès sur la mission qui incombait désormais à l’Internationale, dans les événements socialistes-révolutionnaires. On trouvera plus loin cette résolution, qui fut adoptée à l’unanimité.
Le Congrès termina ses travaux par la désignation du lieu du siège fédéral. — Sonvillier fut désigné comme siège du Comité fédéral.
Pour clore ce court exposé des délibérations du Congrès du Locle, qu’il nous soit permis, au nom de toutes les sections, de remercier les adhérents loclois qui ont certainement, par l’accueil tout fraternel qu’ils ont fait aux délégués, contribué à la bonne réussite du Congrès.