[|fin|] [[voir le numéro 2.]]
Certain jour, accoudée à la fenêtre de notre appartement (au 4e étage), ma compagne assiste à un échange de coups de pieds et coups de poings entre deux individus quelconques. Une crainte terrible qu’ils ne se fassent quelque mal rend sa figure anxieuse, et, angoissée, ma compagne se tourne vers moi : »Oh ! regarde ! Comment les séparer ?… »
Voila l’anecdote. Ma compagne se pique d’altruisme. Cette simple scène me permet de lui démontrer 1) qu’égoïste, elle était, sinon sans même réfléchir à sa propre existence, elle aurait dû enjamber la fenêtre, afin de pouvoir, au plus tôt, séparer les antagonistes. Mais son égoïsme, intelligent, parla plus fort, en elle, que son prétendu « altruisme ».
2) et que ledit altruisme n’était qu’égoïsme. Ce qui la peinait c’était moins les coups que les deux brutes pouvaient se porter que le spectacle désagréable, pour elle, de l’un d’eux pantelant, ou la simple représentation subjective de cette scène possible. Cela la faisait souffrir et pour que cesse sa souffrance, elle voulait que cesse le combat.
Digression un peu longue.
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Ce que je combats – car j’en ai souffert maintes fois – c’est cet aspect de l’égoïsme : l’altruisme. Ah ! qui nous débarrassera à jamais de ces gens importuns qui toujours s’efforcent de faire votre bonheur… Ce qu’ils appellent votre bonheur est souvent, pour vous, sujet de mille ennuis, mille vexations, mille entraves au développement de votre personnalité. Mais que pouvez-vous contre ces gens qui, malgré tout cela, ont décrété que là était votre bonheur ? Les mettre à la porte de chez vous ? Ce que j’ai fait à plusieurs reprises déjà. Et à travers des pleurs, ces « braves gens » vous traitent d’ingrat et de méchant.
Comme je voudrais que tous ces altruistes-là deviennent un peu plus « égoïstes » !
Non pas égoïste à la façon de cette camarade qui, au cours d’une discussion, laissa échapper quelque jour « Ma foi ! J’aime mieux faire travailler les autres que travailler chez les autres ! » Car il est un égoïsme aussi désastreux que le fameux altruisme : c’est celui de l’individu qui, souvent, ne sachant pas limiter ses besoins, empiète avec sans gêne, en surhomme, sur votre individualité. Cet égoïsme-là rejoint l’altruisme.
Est-il donc si difficile de se contenter de la seule réalisation de son propre bonheur, sans entraver celui de votre compagnon, et de n’intervenir dans la réalisation du bonheur de votre voisin qu’autant que celui-ci vous en fait la demande, de décliner à cette demande si elle ne vous agrée ou cesse de vous satisfaire ?
Cependant, c’est là que réside l’égoïsme que je propage. Je ne considère pas que les autres, je ne considère pas que moi-même. Je veux pouvoir arranger ma vie à ma guise sans être embêté. Pour atteindre ce but, je ne me crois pas si supérieur que je puisse me permettre de sacrifier à la réalisation de mes désirs, la vie ou l’épanouissement d’autres individualités. Et en échange de cette restriction que je m’impose, j’entends que jamais on ne vienne me demander de me sacrifier pour telle ou telle cause, moralement ou matériellement. Je ne suis pas un apôtre. Quand cela me plait, je donne mon effort à une action qui m’agrée, et aussi longtemps que j’en éprouve satisfaction. Et devant les réalisations que j’atteins, je ne m’agenouille pas béatement devant l’épanouissement de mon « moi », j’en fais part, à l’heure qui me convient, aux « miens » afin qu’ils en tirent tout le profit que leur individualité leur permet. Et cela est une autre joie que je porte en moi.
Tel est l’égoïsme que je propage.
J’y trouve mon bonheur et j’estime que l’humanité à davantage a attendre de lui que de maint altruisme.
[/Paul
Au prochain numéro, je fournirai, au sujet de la « Décentralisation dans la presse libertaire », les précisions que me demande Le Liseur du Libertaire.