La Presse Anarchiste

Un utopiste au temps de Cromwell : Wistanley le piocheur

Quelques mots d’introduction

Au moment de pré­sen­ter le pre­mier fas­ci­cule de la série de sup­plé­ments que nous nous sommes enga­gés à faire paraître, il nous a paru que les évé­ne­ments qui se déroulent actuel­le­ment ne nous per­met­taient guère de nous confor­mer au pro­gramme que nous nous étions tra­cés et auquel nous revien­drons. Dans le même temps, il m’a été don­né, pour cer­taines recherches, de consul­ter la col­lec­tion de « l’ère nou­velle » des années 1903 – 1904. À cette époque – il y a donc cin­quante-deux ans de cela – j’étais très pré­oc­cu­pé par trois ques­tions : la réa­li­sa­tion de l’idéal liber­taire sous la forme du com­mu­nisme expé­ri­men­tal, la pro­pa­gande anar­chiste indi­vi­dua­liste aux États-Unis (telle que l’entendait le pério­dique « Liber­ty »), enfin le « tol­stoïsme ». Dans les nom­breuses uni­ver­si­tés popu­laires qui exis­taient alors à Paris et en sa ban­lieue, j’exposais ce que je savais sur ces sujets, en par­ti­cu­lier sur les réa­li­sa­tions pra­tiques de « milieux de vie en com­mun » (ou colo­nies), les unes plus ou moins com­mu­nistes ou col­lec­ti­vistes, les autres d’esprit liber­taire. Je dois dire que mes cau­se­ries ras­sem­blaient un public sym­pa­thique et attentif.

En effet, les hommes qui se sentent insa­tis­faits de leur misé­rable condi­tion sociale, ont tou­jours été atti­rés par la des­crip­tion des « uto­pies » [[On désigne sous le nom d’Utopie (du grec ou – non – et topos – lieu – c’est-à-dire qu’on ne ren­contre en aucun lieu) un pays ima­gi­naire où tout est par­fai­te­ment réglé pour le bon­heur de cha­cun ; l’utopiste est le créa­teur d’une uto­pie ; ce peut être aus­si le par­ti­san des créa­tions de ce genre.]] ou socié­tés meilleures ou séduits par le mirage (mais est-ce bien un mirage ?) des ten­ta­tives qui ont été entre­prises pour les réa­li­ser. Entre­prises sur une grande échelle, englo­bant par exemple une par­tie de la pla­nète, il ne semble pas que ces « réa­li­sa­tions » de socié­té meilleure aient tenu leurs pro­messes, c’est-à-dire qu’elles aient ren­du plus heu­reuses, moins assu­jet­ties à l’arbitraire du Pou­voir les masses dont elles s’étaient assi­gnées pour tâche d’« orga­ni­ser le bon­heur ». C’est ain­si que dans de vastes régions où le socia­lisme se don­nait comme éta­bli sur les ruines de la bour­geoi­sie écra­sée, on a vu niées toutes sortes de liber­tés dont la sup­pres­sion, ou la res­tric­tion, au début de ce siècle, ne parais­saient conce­vables qu’en des pays sou­mis à des régimes auto­cra­tiques ou au contrôle des capi­ta­listes ou des financiers.

Il a fal­lu déchan­ter. Nous avons été témoins, dans ces ter­ri­toires pré­ten­du­ment socia­listes, de l’annihilation de la liber­té d’association, de réunion, d’expression indé­pen­dante de la pen­sée. Nous savons qu’on y a pro­cé­dé à la liqui­da­tion phy­sique des oppo­sants (vrais ou sup­po­sés) au régime poli­tique. Tri­bu­naux d’exception, condam­na­tions sans fon­de­ment, dépor­ta­tions mas­sives, répres­sions san­glantes, main­tien de popu­la­tions entières sous un joug qu’elles abhor­raient, tout cela, depuis cin­quante ans, s’est accom­pli sous nos yeux. Il n’y a pas eu de libé­ra­tion ni de libé­ra­teurs de l’humanité, mais de nou­veaux maîtres char­geant de liens de nou­veaux esclaves.

Les indi­vi­dua­listes à notre façon, les indi­vi­dua­listes an-archistes l’avaient pré­vu depuis long­temps, depuis tou­jours. Sur tous les tons, ils avaient pro­cla­mé qu’il ne pou­vait exis­ter de « socié­té meilleure » sans uni­tés sociales meilleures, c’est-à-dire pos­sé­dant une men­ta­li­té autre que celle qui règne par­mi nos mal­heu­reux sem­blables. Ceux qui pensent qu’une inter­ven­tion poli­tique exté­rieure, par exemple, est indis­pen­sable à l’entretien des rap­ports nor­maux qu’ils peuvent avoir avec autrui – ceux-là ne pour­ront jamais conce­voir une socié­té humaine sans gou­ver­nants ou diri­geants, sans meneurs du jeu social, sans dic­ta­ture d’un par­ti ou d’une élite, sans impo­si­tion de la majo­ri­té sur la mino­ri­té, sans écra­se­ment de « l’unique » par l’ensemble. Ceux-là pour­ront être satis­faits au point de vue de l’alimentation, du logis, de la vêture, des autres com­mo­di­tés sociales, leur men­ta­li­té res­te­ra la même : celle de la sou­mis­sion, de la rési­gna­tion, même dans l’intimité pro­fonde de leur être, aux maîtres de l’heure.

Il n’y a donc pas pos­si­bi­li­té d’entente ou de com­pro­mis entre ceux qui ne conçoivent de socié­té meilleure – de « socié­té future » comme ils disent – que par la réduc­tion à un même com­mun déno­mi­na­teur (éco­no­mique, poli­tique ou autre) – et les indi­vi­dua­listes an-archistes qui, lorsqu’il est ques­tion d’« huma­ni­té future » (à condi­tion que ce sujet les inté­resse, ce qui n’est pas tou­jours le cas) ne l’imaginent que se « dérou­lant sans gare ter­mi­nus, sans point d’arrivée ».

Voi­ci ce que dans « l’Initiation indi­vi­dua­liste anar­chiste » (com­po­sée vers 1920) nous écri­vions à ce sujet. On ne peut pas être plus net : 

« L’humanité future », telle que la conçoit l’individualiste, se « déroule » sans gare ter­mi­nus, sans point d’arrivée. Elle est en éter­nel deve­nir, évo­luant indé­fi­ni­ment sous l’impulsion des concep­tions et des réa­li­sa­tions mul­tiples qui s’y feraient jour. Une huma­ni­té du type dyna­mique, si on peut ain­si s’exprimer, ignore l’arrêt en cours de route, ou s’il y a arrêt aux sta­tions, que ce soit le temps stric­te­ment néces­saire pour y dépo­ser ceux qui veulent ten­ter une expé­rience qui n’engage jamais qu’eux-mêmes.

L’humanité future, « l’humanité nou­velle » comme la com­prennent les indi­vi­dua­listes, consti­tue une gigan­tesque arène où, tant au point de vue de la pen­sée, de la cou­tume que de la tech­nique, lut­te­ront et se concur­ren­ce­ront entre eux tous les pro­jets, les plans, les asso­cia­tions, les pra­tiques de vie ima­gi­nables. Et cela quels que soient le moment, le stade de l’évolution du globe. C’est à cause de ces carac­té­ris­tiques bien tran­chées que « l’humanité nou­velle » n’a aucun point de res­sem­blance, ne peut avoir aucun point de ren­contre avec la « vieille huma­ni­té », la nôtre. Elle sera poly­dy­na­mique, poly­mor­phique, mul­ti­la­té­rale

Ce qui dis­tin­gue­ra « l’humanité future » à la façon indi­vi­dua­liste, c’est qu’elle ne consa­cre­ra pas le triomphe d’un par­ti – éco­no­mique, poli­tique, reli­gieux – la vic­toire d’une classe sociale ou intel­lec­tuelle– d’une aris­to­cra­tie, d’une élite. Elle ne pour­ra exis­ter que par l’avénement d’une men­ta­li­té autre que l’actuelle, d’une concep­tion de l’existence autre que celle qui domine actuel­le­ment, d’une façon autre de situer l’unité humaine dans le milieu humain.

Le « monde à venir » n’incarnera pas le triomphe d’un par­ti ou d’une classe ; il sera fonc­tion de l’avènement d’une men­ta­li­té.

La grande, l’ineffaçable carac­té­ris­tique de cette men­ta­li­té nou­velle, c’est la place qu’elle fera à « l’unité humaine », consi­dé­rée comme base de toute acti­vi­té, de toute réa­li­sa­tion sociale – à la per­sonne humaine envi­sa­gée, dans toutes les situa­tions, comme intan­gible, comme invio­lable. C’est l’impossibilité abso­lue pour le social de pré­va­loir contre ou sur l’individuel. C’est, dans les rap­ports de toute nature qu’ils peuvent entre­te­nir les uns avec les autres, la mise sur le même pied, au même niveau, des col­lec­ti­vi­tés et des iso­lés, des tota­li­tés et des uni­tés humaines. Autre­ment dit, l’assurance qu’aucun désa­van­tage ou infé­rio­ri­té – en matière d’accords, de trac­ta­tions ou autres – ne puisse résul­ter pour la per­sonne humaine du fait de vivre, agir, pro­duire ou consom­mer isolément.

Quand on demande com­ment, dans « l’humanité future » telle que la veulent les indi­vi­dua­listes, l’on solu­tion­ne­ra exac­te­ment tel point liti­gieux, il est clair que le ques­tion­né n’en sait rien. Mais, pour impar­fai­te­ment qu’elles soient esquis­sées, les consi­dé­ra­tions qui pré­cèdent per­mettent de répondre à l’interrogateur qu’en aucun cas il ne sera réso­lu par la méthode d’autorité. Peut-être en réa­li­té, telle dif­fi­cul­té, dans « le monde à venir » ne se résou­dra pas de la façon dont les indi­vi­dua­listes actuels le pré­voient – il se peut que l’événement contre­dise leurs hypo­thèses pré­sentes. Mais il est un point acquis, et sans conteste, c’est qu’on n’aura pas recours à la contrainte, à la force, à la vio­lence pour tran­cher le différend.

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Pour en reve­nir à « l’ère nou­velle » et aux années 1903 – 1904, je remarque par­mi ceux qui s’intéressèrent à la pro­pa­gande que nous menions alors et vinrent faire des cau­se­ries dans un local qui, sis rue Fran­çois-Miron à Paris, nous ser­vait de salle de tra­vail, chambre à cou­cher et le reste, Jean Mares­tan (les ten­ta­tives de com­mu­nisme expé­ri­men­tal), Féli­cie Numietz­ka (un poète liber­taire : le bon Lafon­taine), Ivan Tré­gou­beff (La cam­pagne anti-tol­stoïenne et la réponse d’un tol­stoïen russe) Han Ryner (Ibsen et Mai­son de Pou­pée). Elie Mur­main et l’abbé Vio­let (L’évolution de l’anarchisme, contro­verse), Charles Gide (le para­si­tisme social). A. Daude-Ban­cel, les natu­riens Gra­velle et Zis­ly, d’autres encore. Et cela jusqu’au moment où nous dûmes inter­rompre ces cau­se­ries (au cours des­quelles nous offrions le thé, s’il vous plaît), les voi­sins se plai­gnant de l’affluence d’invités plus ou moins recom­man­dables, bien entendu. 

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Par­mi les nom­breuses cau­se­ries que je dif­fu­sais tant à Paris qu’en pro­vince s’en trou­vait une consa­crée à Ger­rard Wins­tan­ley qui déploya son acti­vi­té au temps d’Olivier Crom­well. C’est une figure d’utopiste remar­quable, peu connue en France, qui mérite qu’on s’y arrête, d’autant plus que les ques­tions sou­le­vées par ce doc­tri­naire (qui n’est point un liber­taire loin de là) sont en rap­port avec celles qui de nos jours retiennent l’attention des spec­ta­teurs des drames qui se jouent sur le lamen­table théâtre d’un monde dont la Ter­reur gou­verne les actions. Quoi qu’il soit, voi­ci le texte in-exten­so de cette cau­se­rie, telle que je la don­nai le 8 octobre 1911 à la salle des annexes de l’Hôtel-de-Ville de Tours : 

**Wins­tan­ley le pio­cheur et son sys­tème social

Le socia­lisme et le com­mu­nisme ne sont pas des doc­trines aus­si nou­velles qu’on pour­rait le croire. Sans par­ler des théo­ries plus ou moins com­mu­nistes de l’Église chré­tienne pri­mi­tive et de l’Église du Moyen-Âge, théo­ries qui avaient sur­tout pour but d’accorder l’idéal chré­tien avec les mœurs de la socié­té contem­po­raine, qui condam­naient, par exemple, les prêts à inté­rêt, et per­met­taient cepen­dant de les pra­ti­quer moyen­nant cer­tains arti­fices, les pre­mières doc­trines com­mu­nistes appa­raissent, presque en même temps que l’imprimerie, vers le sei­zième siècle. 

Le pre­mier essai sur le Socia­lisme com­mu­niste est Uto­pia de l’auteur anglais Tho­mas More ou Morus, qui parut en 1516. La pre­mière par­tie de ce livre est une cri­tique de la socié­té anglaise de cette époque, la seconde un plan com­plet de réor­ga­ni­sa­tion sociale. Dans le pays d’« Uto­pia », il n’y a pas de castes ; tous les citoyens sont égaux poli­ti­que­ment et éco­no­mi­que­ment. La tolé­rance la plus abso­lue y existe en matière de reli­gion. On y pra­tique la divi­sion du tra­vail. Les pro­duits de ce tra­vail sont emma­ga­si­nés et dis­tri­bués par les magis­trats, sui­vant les besoins ration­nels de cha­cun. Le tra­vail quo­ti­dien est de six heures, à rai­son de deux séances par jour de trois heures cha­cune, sépa­rées par un repos de deux heures. Huit heures par jour étant consa­crées au som­meil, il reste huit heures de loi­sir. Pour les occu­per, des salles d’études, des salons de musique, des jeux, etc., sont ouverts au public. Il n’y a ni com­merce, ni mon­naie. Si un pro­duit manque dans une loca­li­té, il est com­pen­sé par l’excès qui se mani­feste dans d’autres. L’échange n’est conser­vé que pour les rap­ports obli­gés avec les socié­tés indi­vi­dua­listes envi­ron­nantes. Tho­mas Morus estime que c’est la mon­naie qui est la cause de toutes les ini­qui­tés et de toutes les misères sociales. 

La Réforme n’est pas un mou­ve­ment socia­liste ; mais, en atti­rant l’attention sur les prin­cipes du chris­tia­nisme pri­mi­tif, et en sapant, en démo­lis­sant les hié­rar­chies ecclé­sias­tiques, en pro­cla­mant enfin l’égalité morale et spi­ri­tuelle des hommes, elle sus­cite des idées d’égalité éco­no­mique. La célèbre secte des Ana­bap­tistes, ain­si nom­més par ce qu’ils reje­taient le bap­tême des enfants comme inef­fi­cace et sou­met­taient à un second bap­tême ceux qui embras­saient leurs doc­trines, accu­sait de fortes ten­dances com­mu­nistes. Ils esti­maient que le com­mu­nisme pur est seul conforme à l’idéal chré­tien. Ceux de Zurich affi­chèrent même une pro­fes­sion de foi net­te­ment com­mu­niste et même liber­taire ; ils pré­co­ni­saient la com­mu­nau­té abso­lue des biens ; ils ne recon­nais­saient plus aucun magis­trat, et refu­saient le ser­vice mili­taire. Ils condam­naient l’échange, le prix, la mon­naie. Leur pro­pa­gande fut arrê­tée en 1529 par une cruelle répres­sion. Beau­coup s’enfuirent et allèrent fon­der, aux Pays-Bas et en Mora­vie, des colo­nies com­mu­nistes. Dans ce der­nier pays, ils prirent à bail des terres de la noblesse. Leurs colo­nies furent d’abord pros­pères, leur nombre s’éleva à sept mille ; mais soit que, par suite du peu de valeur de leur tech­nique agri­cole, soit à cause du loyer sans doute éle­vé qu’ils payaient, soit par suite de ces deux cir­cons­tances réunies, les pro­duits à par­ta­ger se trou­vassent insuf­fi­sants, le prin­cipe de la pro­prié­té indi­vi­duelle l’emporta bien­tôt. Les colo­nies se désa­gré­gèrent et les colons furent réduits à la plus pro­fonde misère.

Chez les ana­bap­tistes réfu­giés aux Pays-Bas et dans le nord- ouest de l’Allemagne, le com­mu­nisme s’affirma avec plus d’audace et de vio­lence. Ceux-là étaient des révol­tés qui, sous la conduite de Mel­chior Hoff­mann, et après l’emprisonnement de celui-ci, de Jean Mathias et de Jean de Leyde, ne se conten­taient pas de vivre en com­mu­nistes, mais décla­raient une guerre sans mer­ci à la socié­té envi­ron­nante. Leur centre de ral­lie­ment était la ville de Muns­ter. Luther s’éleva contre eux, sui­vi par la noblesse alle­mande, Muns­ter fut pris, Jean de Leyde sup­pli­cié ain­si que ses prin­ci­paux par­ti­sans, ce qui étouf­fa la révo­lu­tion com­mu­niste ; cepen­dant des com­mu­nau­tés ana­bap­tistes se conser­vèrent en Hol­lande, en Alle­magne, en Suisse, et, par immi­gra­tion, aux États-Unis ; quelques-unes allèrent s’établir en Angle­terre, où elles firent d’assez nom­breux adeptes.

Vers 1550, Rabe­lais, le joyeux curé de Meu­don, décri­vait dans un de ses livres, l’abbaye de Thé­lème, d’organisation tout à fait liber­taire et dont la seule loi était : Fais ce que veux… Dans cette abbaye (ima­gi­naire), l’échange n’était pas abo­li, mais il était trans­for­mé en une réci­pro­ci­té de ser­vices, en prêts mutuels sans inté­rêt. Il n’y avait ni mon­naie, ni actes de com­merce pro­pre­ment dits.

En 1620, Fran­çois Bacon, qui fut ministre d’Angleterre, publiait atlan­tis novo (la Nou­velle-Atlan­tide). Ce pays sup­po­sé avait pour capi­tale Ben­sa­lem, et dans cette ville se trou­vait un ins­ti­tut cen­tral de tous les arts et de toutes les sciences. La nation était divi­sée en familles ; chaque famille avait un chef, et un domaine suf­fi­sant attri­bué par l’État. Il n’est ques­tion, dans ce livre, ni d’échange, ni de mon­naie [[On peut n’accepter que sous béné­fice d’inventaire l’opinion de Lamar­tine que « les uto­pies ne sont que des véri­tés pré­ma­tu­rées » ou celle d’A. France que « l’utopie de la veille n’est le plus sou­vent que la réa­li­té du len­de­main », il reste repen­dant que les uto­pies consti­tuent une docu­men­ta­tion de pre­mier ordre concer­nant les reven­di­ca­tions ou aspi­ra­tions sociales, poli­tiques ou morales d’un âge déter­mi­né. Les Uto­pies sont légion. De « la Cité du Soleil » du moine Cam­pa­nel­la (xvisup>e siècle) à l’Histoire des Séva­rambes de Vai­rassc (1677), et à « L’Humanisphère » de Joseph Dejacques (milieu du xixe siècle) des titres d’ouvrages se pressent sous ma plume ; « Terre Libre » de Hertz­ka, « Les lettres de Malai­sie » de Paul Adam, « Au Pays de l’Harmonie » de Georges Del­bruck, « Les Paci­fiques » de Han Ryner, « Uto­pies des îles bien­heu­reuses » de Mas­son, « M. Barns­taple chez les Hommes-Dieux » de Wells, « Une vie nou­velle » de Made­leine Pel­le­tier, etc. il semble que de nos jours les ouvrages de science-fic­tion aient détrô­né les romans utopiques.]].

La Révo­lu­tion anglaise de 1648 eut un carac­tère autant reli­gieux que poli­tique. Hen­ri viii s’était conten­té de reje­ter l’autorité du pape et n’avait pas modi­fié par ailleurs le dogme catho­lique. Après sa mort, Edouard vi fit du cal­vi­nisme la reli­gion offi­cielle, qui rede­vint catho­lique sous Marie Tudor. L’Église angli­cane ne fut orga­ni­sée que sous Eli­sa­beth. Elle res­ta monar­chique et aris­to­cra­tique, à l’image de l’État. L’autorité du pape fut défi­ni­ti­ve­ment reje­tée, ain­si que la vie monas­tique et le céli­bat des prêtres, mais la hié­rar­chie fut main­te­nue ; il y eut des arche­vêques et des évêques, et le sou­ve­rain devint chef de l’Église. Cette orga­ni­sa­tion était agréable au gou­ver­ne­ment, dont elle ren­for­çait l’autorité, et à l’aristocratie, deve­nue pro­prié­taire des biens des anciens monas­tères. Mais elle parais­sait insuf­fi­sante à la bour­geoi­sie et au peuple, qui pui­saient dans la lec­ture assi­due de la Bible des maximes démocratiques. 

À côté des « épis­co­paux » ou confor­mistes, par­ti­sans de l’Église éta­blie, il y eut bien­tôt des « pres­by­té­riens » qui deman­daient la sup­pres­sion des évêques et des « indé­pen­dants » qui vou­laient sup­pri­mer les ministres eux-mêmes. Dans un tel milieu, la pro­pa­gande des ana­bap­tistes réfu­giés ne devait pas res­ter lettre morte. 

Sous le règne de Charles ier, les sectes non-confor­mistes furent per­sé­cu­tées, et beau­coup d’indépendants allèrent s’établir en Amé­rique. À un moment, l’émigration parut alar­mante. Charles ier l’interdit. Bien­tôt il vou­lut impo­ser aux Écos­sais pres­by­té­riens la reli­gion angli­cane. Ce fut le signal de la révolution. 

On sait le reste. Charles ier, obli­gé, pour avoir de l’argent de convo­quer un Par­le­ment, y trou­va de nom­breux enne­mis. Les pres­by­té­riens et les indé­pen­dants y étaient majo­ri­té. Bien­tôt une guerre civile écla­ta. Oli­vier Crom­well, gen­til­homme obs­cur qui était membre du Par­le­ment, put lever quelques régi­ments de fana­tiques, les « Côtes de fer », et devint bien­tôt le chef incon­tes­té de la Révo­lu­tion. Après l’exécution de Charles ier il se trou­va aux prises avec la secte indé­pen­dante des « Level­lers » ou nive­leurs, qui, sous la direc­tion de John Lil­burne, pré­co­ni­saient une Répu­blique éga­li­taire. C’est à cette secte, qui comp­tait dans l’armée anglaise de nom­breux adeptes, qu’appartenait Wins­tan­ley le Piocheur. 

C’est le 17 avril 1649 que le géné­ral Fair­fax, selon le récit de Bul­strode Whi­te­lock, envoya deux déta­che­ments de cava­le­rie pour avoir rai­son de cer­tains « nive­leurs » éta­blis à Saint-Margaret’s Hill près de Cob­bam et à Saint-Georges’ Hill dans le com­té de Sur­rey, où ils pio­chaient le sol et l’ensemençaient, sans se pré­oc­cu­per des pro­prié­taires et du loyer. Un cer­tain Eva­rard et Wins­tan­ley se ren­dirent auprès de Fair­fax et lui remirent une « décla­ra­tion géné­rale », bien­tôt sui­vie d’une « décla­ra­tion » plus géné­rale encore, où Wins­tan­ley prou­vait « comme une équi­té indé­niable que le com­mun peuple doit pio­cher, culti­ver, ense­men­cer le sol et vivre sur les biens com­muns sans les louer ou payer de loyer à qui que ce soit. » 

Dans cette décla­ra­tion plus géné­rale, Wins­tan­ley demande si toutes les lois qui ne sont pas éta­blies sur l’équité et la rai­son, et qui ne donnent pas une liber­té égale à tous, et celles qui consacrent les pri­vi­lèges des sei­gneurs et des pro­prié­taires fon­ciers ne sont pas dis­pa­rues en même temps que tom­bait la tête du roi ? Suivent quelques apos­trophes assez véhé­mentes lan­cées au cler­gé du temps, qui « contrai­re­ment à la parole divine, sou­tient l’iniquité ».

Comme on peut bien le pen­ser, ces lettres eurent peu d’effet sur Fair­fax et Crom­well. Quoi donc ! disait ce der­nier, mais le but des prin­cipes des nive­leurs c’est de rendre le « tenant » l’égal de son « land­lord » (pro­prié­taires) ! « Par nais­sance je suis un gent­le­man. Il faut tailler ces gens-là en pièces, sinon ce sont eux qui le feront de nous. »

Wins­tan­ley écri­vit une nou­velle épître à Crom­well, où les grands pro­blèmes sociaux sont dis­cu­tés et réso­lus à sa façon. En pas­sant Wins­tan­ley montre les causes de l’insuccès des révo­lu­tions. « Le peuple ne sait pas pour­quoi il com­bat, dit-il. » Puis il explique que la pos­ses­sion de la terre est le résul­tat de la « loi de la mas­sue ». En dépit de son inexo­rable logique, Wins­tan­ley n’est pour­tant ni mar­xiste, ni socia­liste d’état, car il n’entend pas que le com­mu­nisme soit impo­sé : « que ceux qui n’en veulent pas conti­nuent à ache­ter et à vendre ; l’exemple les convain­cra. » Il ne se montre pas tou­jours aus­si into­lé­rant, hélas !

Ces décla­ra­tions et la publi­ca­tion d’une bro­chure inti­tu­lée « Les vrais nive­leurs », dans laquelle il dis­tin­guait les « vrais » nive­leurs ou com­mu­nistes des nive­leurs poli­tiques, lui valurent d’être jeté en pri­son à King­ston en 1649. Il fut condam­né avec deux autres à 10 livres ster­ling envi­ron d’amendes et de frais. On ne pos­sède guère d’autres détails sur Wins­tan­ley, qu’on pré­sume avoir été bour­geois de Londres. En 1652 on le retrouve par­tant de Har­row-on-the-Hill en tour­née de pro­pa­gande : il est arrê­té à Not­tin­gham, puis on n’en retrouve plus de traces. 

Il a publié de nom­breuses bro­chures, où il se montre un éco­no­miste de grande valeur, qui, selon Mor­ri­son David­son, (dans « Annals of Toul ») vaut tous les uto­pistes, de Pla­ton à Bel­la­my, en pas­sant par Adam Smith et Karl Marx.

Voi­ci quelques-unes de ses prin­ci­pales idées :

« La loi a deux racines (buts) : 1o la conser­va­tion com­mune ; 2o la conser­va­tion indi­vi­duelle ». Une com­mu­nau­té libre doit comprendre :

« Dans la famille : le père.

« Dans la ville, bourg ou paroisse : 1o le paci­fi­ca­teur ; 2o quatre sortes de sur­veillants : pour le main­tien de la paix, pour l’apprentissage des métiers, pour la répar­ti­tion des pro­duits du tra­vail et leur entas­se­ment dans des maga­sins géné­raux, pour la sur­veillance géné­rale (tous les citoyens ayant dépas­sé soixante ans) ; 3o les sol­dats ; 4o les maîtres des tra­vaux ; 5o l’exécuteur.

« Dans le ter­ri­toire : 1o le cler­gé ; 2o le par­le­ment ; 3o l’armée. »

Quant aux lois de la com­mu­nau­té : 1o La simple lettre de la loi suf­fit ; 2o Qui­conque ajoute ou retranche à la loi perd son office ; 3o Qui­conque rend la loi pour de l’argent ou une récom­pense est puni de mort.

Sont éga­le­ment punis de mort, les assas­sins, les ache­teurs et les ven­deurs, les magis­trats prévaricateurs. 

Quoique le sol et les entre­pôts soient com­muns, chaque famille vivra cepen­dant à part : la mai­son, l’ameublement, les vête­ments, sont la pro­prié­té de la famille. Chaque demeure doit conte­nir les ins­tru­ments et outils qu’il faut pour culti­ver la terre. 

(La com­mu­nau­té n’est pas liber­taire et n’ignore pas les punitions.) 

Si quelqu’un refuse d’assister les sur­veillants dans leur tra­vail, la rai­son doit lui en être deman­dée. Si c’est à cause de mala­die ou d’indisposition il sera dis­pen­sé du ser­vice ; si c’est par simple paresse, il sera puni selon les lois des­ti­nées à répri­mer la paresse. 

(On voit que Wins­tan­ley n’a pas comme cer­tains théo­ri­ciens actuels, confiance dans le besoin d’activité de l’individu. Cela s’explique d’ailleurs, étant don­né le tra­vail long, pénible et rebu­tant qu’au dix-sep­tième siècle exi­geait la production.) 

Si quelqu’un refuse d’apprendre un métier, ou de tra­vailler en temps de semailles ou de mois­son, ou de rem­plir sa tâche d’administrateur aux maga­sins, tout en conti­nuant à se nour­rir et à se vêtir aux frais des autres, les sur­veillants le répri­man­de­ront, d’abord en pri­vé. S’il conti­nue à pares­ser, la répri­mande sera publique et si, dans le mois qui suit, il ne s’est pas amen­dé, il sera remis au maître des tra­vaux, qui le met­tra au tra­vail obli­gé pour douze mois, ou jusqu’à ce qu’il fasse sa soumission.

À par­tir de qua­rante ans, per­sonne n’est obli­gé de tra­vailler. C’est dans les hommes et les femmes de plus de qua­rante ans que sont choi­sis les sur­veillants et autres délé­gués à la bonne exé­cu­tion des lois. 

L’instruction est gra­tuite et obli­ga­toire. L’assistance médi­cale est gra­tuite, naturellement.

Mais les plus carac­té­ris­tiques des ordon­nances de la com­mu­nau­té sont les lois contre l’achat et la vente, crime de lèse-huma­ni­té par excel­lence aux yeux de Winstanley. 

Si n’importe qui achète ou vend la terre ou ses pro­duits, il sera mis à mort comme traître à la com­mu­nau­té. Celui ou celle qui appelle sienne la terre sera expo­sé en public et livré pour douze mois au maître des tra­vaux. Qui­conque cher­che­ra, par que­relle, ou per­sua­sion secrète, ou révolte armée, à réta­blir le régime de la pro­prié­té sera mis à mort. Per­sonne ne loue­ra ses propres ser­vices à autrui, ou ne loue­ra les ser­vices d’autrui, sous peine de perdre sa liber­té et d’être livré pour douze mois au maître des tra­vaux… L’or et l’argent ne pour­ront ser­vir qu’à faire des plats et objets d’ornement pour l’intérieur des mai­sons, comme on emploie actuel­le­ment l’étain, le fer, la fonte, etc.

Lorsque l’humanité a com­men­cé à ache­ter ou à vendre, c’est alors qu’elle a per­du son inno­cence ; c’est alors qu’en effet les hommes ont com­men­cé à s’opprimer l’un l’autre, à se dépouiller mutuel­le­ment des droits égaux qu’ils tenaient de la créa­tion. Qu’une terre appar­tienne à trois per­sonnes, et que deux d’entre elles en tra­fiquent sans le consen­te­ment de la troi­sième, voi­ci son droit enfreint et sa pos­té­ri­té enga­gée dans une guerre.

Ce fut, pense Wins­tan­ley contre le consen­te­ment d’un grand nombre que dès l’abord la terre fut ache­tée et ven­due. De cet achat et de cette vente résul­tèrent et résultent encore des mécon­ten­te­ments et des que­relles, fléaux dont l’humanité a déjà assez souf­fert. Les nations de la terre n’apprendront pas à trans­for­mer leurs épées en char­rues et leurs lances en hoyaux, ne ces­se­ront pas de guer­royer, avant que ce misé­rable pro­cé­dé d’achat et de vente n’ait été jeté au rebut par­mi les autres débris de la puis­sance royale.

Dans la com­mu­nau­té, nul homme ne pour­ra deve­nir plus riche qu’un autre ; cela n’est pas dési­rable, car les richesses rendent les hommes vani­teux, orgueilleux, et les conduisent à oppri­mer leurs sem­blables, elles sont des occa­sions de que­relles. Cela non plus n’est pas juste, car nul ne peut arri­ver à la for­tune sans l’aide de ses voi­sins, et s’il y arrive, sa for­tune appar­tient tout autant à ses voi­sins qu’à lui, puisqu’elle est le fruit de leur tra­vail. Tous les hommes riches vivent à l’aise : ils se nour­rissent et se vêtent par le labeur des autres, non par le leur, et cela fait « leur honte et non pas leur noblesse ». Les riches reçoivent tout ce qu’ils pos­sèdent de la main des tra­vailleurs ; quand ils donnent, ce n’est pas leur tra­vail, ce n’est pas leur pro­prié­té, c’est celle des autres ; leurs actions ne sont donc point des actions équitables.

Mais com­ment, l’achat et la vente étant sup­pri­més, la vie éco­no­mique fonc­tion­ne­ra-t-elle ? Wins­tan­ley règle le méca­nisme de la pro­duc­tion et de la consom­ma­tion par sa fameuse loi des entre­pôts : Il exis­te­ra des entre­pôts, à la cam­pagne comme à la ville, où les fruits de la terre et les pro­duits de l’industrie seront appor­tés et déli­vrés à chaque famille selon ses besoins ou trans­por­tés par bateau dans les pays étran­gers en échange des choses que notre sol ne peut pro­duire. Comme cha­cun tra­vaille­ra de façon à accroître le « stock » com­mun, cha­cun aura le libre usage de tous les objets dépo­sés dans les entre­pôts pour son plai­sir ou son confort, sans avoir besoin d’acheter ou de vendre, sans aucune limite non plus.

Les entre­pôts géné­raux rece­vront le blé et les pri­meurs. Les entre­pôts par­ti­cu­liers ou maga­sins rece­vront les pro­duits de l’industrie ; ain­si les outils en fer se trou­ve­ront entre­po­sés dans un maga­sin spé­cial, les cha­peaux dans un autre et ain­si de suite. Ces entre­pôts et maga­sins seront tenus en ordre par des admi­nis­tra­teurs « qui rece­vront et déli­vre­ront libre­ment en les pré­le­vant sur le stock en maga­sin tout ce que leur deman­de­ront les per­sonnes ou les familles. » (Somme toute le régime de « la mise et prise au tas ».)

Selon l’esprit du temps, tous les écrits de Wins­tan­ley revêtent une phra­séo­lo­gie reli­gieuse, très proche parente de celle de Tol­stoï. À ce point de vue spé­cial il est uni­ver­sa­liste et il fut le pre­mier en Angle­terre qui pro­cla­ma le salut pour « l’humanité tout entière », tan­dis que le dog­ma­tisme théo­lo­gique d’alors le réser­vait aux « pré­des­ti­nés ». Il ne tarit pas d’invectives contre le cler­gé et montre que la théo­lo­gie (doc­trine de la divi­ni­té) n’est nul­le­ment en concor­dance avec les ensei­gne­ments du Christ « dont les paroles étaient la science pure ».

Pour lui, la théo­lo­gie est une trom­pe­rie qui, en tour­nant les regards des hommes vers le ciel, leur fait oublier les droits qu’ils tiennent de naissance.

Il convient d’ajouter que Wins­tan­ley ne croyait pas en l’efficacité des « pro­jets de loi » hors leur rati­fi­ca­tion for­melle par le peuple, cela bien avant qu’on connût le mot « Refe­ren­dum ». Tout élu lui ins­pi­rait de justes soup­çons et dans sa pen­sée l’activité de l’élu devait se confi­ner à des fonc­tions pure­ment administratives. 

« D’ailleurs, comme le remarque Han­cock, sa théo­rie de la réforme sociale repo­sait sur une base essen­tiel­le­ment moderne, oppo­sée aux concep­tions puri­taines d’alors. Comme aux Pères d’Alexandrie, Dieu lui appa­rais­sait comme la Rai­son éter­nelle, l’homme et la créa­tion tout entière étant les pro­duits de cette Rai­son par­faite. La vie indi­vi­duelle et la vie sociale, la conscience et l’Etat ayant déchu de la place que leur avait assi­gnée la Rai­son, il n’était pas de réfor­ma­tion sociale et per­son­nelle pos­sible sans un retour à cette base. » 

Occu­pés à se « voter » les uns les autres ce qui res­tait des terres confis­quées à la cou­ronne, aux églises et aux « rebelles », les fameux colo­nels « Côtes-de-fer » ne prê­tèrent pas plus l’oreille aux doléances du petit groupe de « Nive­leurs », influen­cés par les idées de Wins­tan­ley, qu’aux pro­jets de réforme sociale de ce der­nier. Tan­dis que Car­lyle, Fédé­ric Har­ri­son, John Mor­ley, Rose­ber­ry, le pré­sident Roo­se­velt, s’inclinent devant l’imposteur que fut Oli­vier Crom­well et cherchent à qui mieux mieux à pré­sen­ter leur idole comme un Répu­bli­cain du type le plus pur, van­tant son génie et sa pro­bi­té, presque per­sonne ne parle de Wins­tan­ley, le pré­cur­seur incon­nu et mécon­nu, mais dont le tra­vail ne fut pas accom­pli en vain, puisque, à en croire Cour­ber, le doyen de Durham, qui écri­vait en 1678, c’est à sa petite bande de par­ti­sans qu’on doit repor­ter l’origine des Qua­kers, ce qui n’est pas défi­ni­ti­ve­ment établi.

Cepen­dant, bien qu’après le retour des Stuarts, les Qua­kers s’abstinrent de se mêler à la poli­tique, il semble, selon Han­cock, qu’au début de leur mou­ve­ment, ils aient répan­du des bro­chures au ton net­te­ment socia­liste et il existe des preuves qu’alors ils aient stig­ma­ti­sé la pro­prié­té pri­vée. En 1657, selon un auteur du nom de Pring­sheim, les Qua­kers se firent hous­piller à Rot­ter­dam et en Zélande en prê­chant que toutes choses doivent être tenues en com­mun. Un jour­nal conser­va­teur de l’époque, le « Hol­landse Mer­cu­rius » pré­tend que s’ils pro­fes­saient de telles doc­trines, c’est parce qu’il s’agissait, pour la plu­part, de voleurs et de va-nu-pieds. Voi­là une façon de voir qui éton­ne­rait fort les Qua­kers contemporains.

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Le moins qu’on puisse dire, en résu­mé, est qu’un indi­vi­dua­liste à notre façon ne se sen­ti­rait certes pas à son aise dans une socié­té du type Winstanley.

[/​25 novembre 1956./]

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La Presse Anarchiste