La Presse Anarchiste

In Memoriam

Au moment où la grande presse, de France et du monde entier emplit de com­pactes colonnes des louanges du dis­pa­ru : Ray­mond Poin­ca­ré, il semble indis­pen­sable de consa­crer quelques lignes véri­diques à celui qui vient de mou­rir tran­quille­ment dans son lit, après avoir cau­sé la mort de mil­lions de jeunes hommes. 

Peu à peu dis­pa­raissent les res­pon­sables de la grande héca­tombe. Nico­las ii eut la triste fin que l’on sait, Isvols­ky pré­cé­da dans la tombe, il y a quelques années, son ami et com­plice Poin­ca­ré, Guillaume de Hohen­zol­lern mour­ra sans doute bien­tôt, en son exil doré de Dorn, et avec eux il semble, hélas ! que doive dis­pa­raître de la mémoire des hommes les noms mau­dits de ceux qui déclen­chèrent un peu par­tout le cataclysme. 

C’est pour éveiller cette mémoire, pour qu’il demeure par­mi le flot des fla­gor­na­tions hypo­crites quelque par­celle de véri­té que nous publions ces lignes. 

La mémoire de Ray­mond Poin­ca­ré, le « grand Fran­çais », le « grand Lor­rain », doit demeu­rer à jamais exé­crée par les mères, les veuves, les fils de tous ceux qui lais­sèrent, dans cette absurde et féroce tue­rie, leur vie ou une part de leur chair et de leur sang. 

Res­pon­sable, Ray­mond Poin­ca­ré le fut au pre­mier chef. Les argu­ments abondent qui démontrent irré­fu­ta­ble­ment sa culpa­bi­li­té froi­de­ment cal­cu­lée. Il n’y a que l’embarras du choix : les Car­nets de Georges Louis, ambas­sa­deur de France à Péters­bourg ; docu­ments belges du baron Beyens et du baron Guillaume, paroles pro­phé­tiques de Jau­rès, voire de Gus­tave Her­vé ; aveux du sinistre Isvols­ky, com­plé­tés par la publi­ca­tion des archives russes et même, pour mémoire, ces paroles de M. Des­cha­nel appre­nant en 1913 l’ac­ces­sion de Poin­ca­ré à l’E­ly­sée, et s’é­criant spon­ta­né­ment : « Poin­ca­ré… c’est la guerre ! »

La preuve de la res­pon­sa­bi­li­té de Poin­ca­ré, on la trouve aus­si dans le livre de Gérin, dans ceux de Demar­tial, dans la docu­men­ta­tion de la Socié­té d’é­tudes cri­tiques sur la guerre et même dans un livre de M. Tar­dieu, inti­tu­lé « De quelques ques­tions de poli­tique exté­rieure en Europe », livre publié chez Alcan, où l’on peut lire des lignes affir­mant la volon­té de revanche du « grand Lor­rain » et de ses amis. 

Ce n’est pas ici le lieu de citer une fois de plus la biblio­gra­phie nom­breuse et variée éta­blis­sant la preuve de la res­pon­sa­bi­li­té de Poin­ca­ré dans le grand crime. Ces lignes ne sont écrites que pour for­mu­ler une pro­tes­ta­tion au milieu du concert de dithy­rambes qui accom­pagne les funé­railles nationales. 

Espé­rons que d’autres voix s’u­ni­ront à la nôtre pour ten­ter de redres­ser le men­songe de l’His­toire offi­cielle qui glo­ri­fie éper­du­ment cet homme qui ne fut même pas un grand tueur, comme Alexandre ou Napo­léon, mais un médiocre avo­cas­sier, entê­té dans son idée de revanche, sans enver­gure, plein de lui-même, alors qu’un de ses col­lègues du Sénat pou­vait le cin­gler de cette appel­la­tion jus­ti­fiée : « l’a­voué glo­rieux » et qu’un pro­fes­seur d’his­toire put affir­mer en pleine Sor­bonne son effroyable médiocrité. 

Il est donc néces­saire, indis­pen­sable, que le nom du falot et mal­fai­sant Poin­ca­ré passe à la pos­té­ri­té avec le seul sur­nom qui lui convienne et qui déjà tant de fois lui fut appli­qué : Poin­ca­ré-la-guerre

[/​Génold./​]

La Presse Anarchiste