Félicitons les auteurs de ce film d’avoir fait une tentative, d’avoir réussi, jusqu’à un certain point, à présenter au public un tableau instructif. Félicitons-les d’avoir introduit quelques tableaux accessoires dont « l’invention du télescope » est un des mieux réussis. Félicitons-les, mais avec modération.
Il est au moins de mauvais goût de la part des auteurs de se présenter à l’admiration du public. Au point de vue scientifique, il y a des manques et des erreurs. Le dia¬gramme prétendant expliquer « Les Saisons » est très mauvais ; celui des « Phases de la lune » n’est guère meilleur. Il est bien inutile de projeter le texte des lois de Kepler sans en donner quelque explication. Enfin, pour nous borner, signalons que Ptolémée n’ensei¬gnait certes pas que la Terre soit plate.
Mais notre critique principale est d’ordre moral. Peut-être est-ce la Préfecture de police qui a exigé le reniement de Galilée. En ce cas, il fallait aussi esquiver Copernic et Kepler. C’est une muflerie que de nous intéresser aux tribulations des deux derniers dans leurs recherches astronomiques (et l’on cache la nationalité allemande de Kepler), puis de passer Galilée sous silence. S’il y eut jamais un savant qui puisse nous intéresser par son courage c’est bien lui, mais il a peu de successeurs.
Bien longtemps avant l’ère chrétienne, on avait remarqué la fuite de l’horizon et constaté que la Terre était ronde dans les limites où on la connaissait alors, ce qui ne veut pas dire que la notion du globe entier, impliquant l’antipode, fût très claire. En tous cas, il y a environ 2140 ans qu’Evatosthènes, se basant sur la différence de longueur de l’ombre, à Syene, sous le tropique, et à Alexandrie, le jour du solstice d’été, et sur la distance séparant ces deux lieux, calcula la dimension du globe terrestre. Le résultat de son calcul fut étonnement approché de la vérité, — un septième trop petit, — et cette mesure ne fut corrigée que dix-huit siècles plus tard, après la découverte de l’Amérique et la circumnavigation du globe.
Quant au mouvement de la Terre, on discutait librement cette idée parmi les philosophes grecs. Ptolémée, de 400 ans postérieur à cette belle époque, connaissait la théorie et la ridiculisait. Vint l’Église chrétienne qui enterra toute science pour douze à quinze siècles. La notion de rotondité n’était pas entièrement perdue, puisqu’elle se re-trou¬va faire partie de la connaissance générale sans qu’aucun nom s’attache à la pro¬cla-mation de cette vérité. C’est probablement par les Arabes qu’elle rentra dans la science.
Mais de Ptolémée (deuxième siècle) à Copernic (1473 – 1543) la croyance était générale que le soleil tournait autour de la terre. Encore Copernic imprima-t-il le contraire, mais ne l’enseigna-t-il pas. Kepler était purement un mathématicien et ses « lois » sont applicables au système dit de Ptolémée comme à celui de Copernic. Enfin, près de cent ans après Copernic, Galilée (1564 – 1642) enseigna le mouvement de la terre et ce fut là son crime aux yeux de l’Église. Il y a à peine 300 ans ; on connaît son abjuration forcée devant le tribunal religieux, son monologue « Et pourtant elle se meut » et son emprisonnement subséquent ; son propre fils acceptant d’être le geôlier. Pourtant, après Galilée, la rotation de la terre n’est plus mise en doute.
Puisque « Les Mystères du Ciel » nous ont amené à parler astronomie, constatons avec un immense regret qu’il n’y ait pas, dans une agglomération comme Paris, un seul télescope au service du public. Normalement, tout enfant devrait avoir été admis au spectacle des splendeurs du ciel. Rien de plus beau, de plus émotionnant.
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