La Presse Anarchiste

In Memoriam Manuel Devaldès 6

La Camarde, ne ces­sant de faire sa mois­son, vient de nous-empor­ter un grand Ami qui, lui, ne mar­chan­da pas son labeur en faveur de ces Idées et de ces Actions qui nous sont tel­le­ment chères qu’il nous est impos­sible, vrai­ment, de nous en séparer.

En effet, c’est une très impor­tante et, magni­fique figure qui vient de nous quit­ter en la per­sonne de Manuel Devaldès.

Celui-ci, à l’encontre de tous les plu­mi­tifs qui savent si bien faire de l’art d’écrire une insur­pas­sable pros­ti­tu­tion, nous a mon­tré – cela plus d’une fois – ce qu’était l’Homme der­rière ses jets de plume qui, eux, méritent incon­tes­ta­ble­ment de res­ter en pre­mière place dans les annales des épo­pées libertaires.

J’ai sou­ve­nance – depuis ma col­la­bo­ra­tion au Réveil de l’Esclave [[Le 1er n° du Réveil de l’esclave porte la date du 1er mai 1920. Son appa­ri­tion avait été pré­cé­dée d’une cir­cu­laire où l’on signa­lait l’urgence de la publi­ca­tion d’un organe de pro­pa­gande anar­chiste indi­vi­dua­liste, et d’un tract inti­tu­lé : « Que veulent les indi­vi­dua­listes ? » Le Réveil de l’esclave cesse de paraître le 1er avril 1925. Y col­la­borent de nom­breux auteurs connus de nos milieux, tels que Albin, E. Armand (dont il publia plu­sieurs extraits de « l’Initiation indi­vi­dua­liste »), Paul Ber­ge­ron, Pierre Bon­niel, G. Butaud, Han Ryner, E. Hureau, G. de Lacaze-Duthiers, A. Loru­lot, Léon Prou­vost, Dr Robert­son-Pro­schows­ky, etc. En outre de son impor­tante col­la­bo­ra­tion per­son­nelle, Manuel Deval­dès y insère des tra­duc­tions d’auteurs anglo-saxons, par exemple celles « Du droit d’ignorer l’État », d’Herbert Spen­cer, « Mal­thus et l’anarchisme », de C.-L. James. On trouve aus­si dans ce pério­dique men­suel une enquête inti­tu­lée : « La tac­tique révo­lu­tion­naire et l’individualisme liber­taire » qui recueillit un assez grand nombre de réponses variées et por­tant à réflé­chir. Il serait injuste d’oublier que l’absorbante admi­nis­tra­tion du « Réveil de l’Esclave » fut assu­mée par Auguste Gorion mort à l’hôpital Bichat, le 30 Juin 1952.]] – d’avoir ren­con­tré quelques fois cet être silen­cieux qu’accompagnait sans cesse la Gran­deur d’une Connais­sance qui le ren­dait très puis­sant, tout en le lais­sant, tou­jours déten­teur d’une ten­dresse qui rayon­nait autour, de lui.

Un des pre­miers objec­teurs de conscience – pour ne point dire le pre­mier –, maître en la façon de déve­lop­per et pro­pa­ger le néo-mal­thu­sia­nisme, écri­vain dont le talent ne peut être contes­té par qui­conque, logi­cien de grande enver­gure, ratio­na­liste d’une convic­tion frap­pante, phi­lo­sophe d’une tenue et d’une pra­tique excep­tion­nelle et exem­plaire, c’est avec fer­veur que nous sui­vions et admi­rions les créa­tions et les pré­sen­ta­tions de cet Unique et par­fait Bâtis­seur qui, loin des foules et du bruit, a tant et tant contri­bué à appor­ter les maté­riaux prin­ci­paux et indis­pen­sables à l’édification de cette somme qu’est la res­plen­dis­sante An-archie.

Vain­cu par « celle qui n’épargne per­sonne », il a su, tout au cours d’une exis­tence assez longue, faire de son pas­sage sur la boule ter­ra­quée, une telle œuvre d’art, que si nous sommes réel­le­ment de ceux qui ne peuvent oublier l’apport four­ni par les incom­pa­rables construc­teurs d’idéaux flam­boyants – mal­gré les regrets immenses qu’un pareil départ sus­cite en nos cœurs, – nous ne pou­vons que conser­ver et for­ti­fier en nous le sou­ve­nir le plus tenaillant de cet homme qui savait si bien, par l’importance de sa per­son­na­li­té, nous faire oublier le règne de plus en plus gran­dis­sant des sous-hommes.

[/​A. Bailly./​]

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