À tous les Syndiqués !
Aux Syndicats, Fédérations, Unions locales et régionales !
Appelés à examiner le problème du chômage, la CGTSR et le Comité d’Émigration institué en France sous le contrôle de l’AIT, constatent tout d’abord que ce chômage s’étend aujourd’hui à l’ensemble du continent européen.
Il n’est donc pas douteux que cette crise générale est provoquée par le capitalisme qui cherche à instaurer de nouvelles règles de production ayant pour but de renforcer son exploitation de la classe ouvrière et à imposer des formes nouvelles et réactionnaires de gouvernement.
Utilisant tour à tour le jeu de la hausse et de la baisse des changes, réalisant d’énormes bénéfices, soit dans le compartiment des valeurs ou dans celui des devises, la finance internationale a mis successivement en coupe réglée tous les pays de l’Europe.
La crise qui sévit actuellement en France, après avoir étreint l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, etc., est donc toute artificielle.
La politique de « revalorisation » à outrance poursuivie par le gouvernement Poincaré est manifestement imposée à celui-ci par le grand trust financier d’Amsterdam et ses agents français.
Le chômage qui résulte de la persistance de cette politique est le moyen qui doit permettre au capitalisme français – après le capitalisme allemand – d’opérer sa concentration ultime sous le contrôle et la direction de la finance internationale.
En même temps que la grande industrie se dispose à implanter, à la faveur du chômage, de nouvelles méthodes de production dont le fordisme et le taylorisme forment la base, la haute finance qui contrôle aujourd’hui toute la grande industrie, veut se débarrasser de la petite et de la moyenne industrie qui n’acceptent pas toujours les ordres des trusts et cartels et qui, en tout cas, par leur seule existence, sont un obstacle à la concentration capitaliste entrant dans le dernier stade de son évolution.
Les méthodes nouvelles de production dénommées, dans leur ensemble, rationalisation, exposées devant la Société Le Redressement français, par M, Hirsch, ex-secrétaire d’État socialiste au Ministère de l’Économie nationale d’Allemagne, le 6 décembre dernier, visent, paraît-il, à une organisation scientifique du travail.
Ni la CGTSR, ni le comité d’Émigration ne sont des adversaires du progrès, mais ils considèrent que les caractéristiques essentielles de ce progrès sont d’abord : de réduire la peine de l’homme, de diminuer la durée du travail, d’améliorer les conditions de vie.
Ni le fordisme, ni le taylorisme, ne donnent de tels résultats. Loin de diminuer l’effort humain, le travail « à la chaîne » l’amplifie, le mécanise, l’intensifie ; de même il annihile la personnalité de l’ouvrier pour en faire un rouage inconscient d’une machine immense. Ni l’un ni l’autre ne diminuent la durée du travail, et les industriels s’opposent, non seulement à toute réduction de la journée, mais encore ils font tous leurs efforts pour rendre caduque dans, tous les pays la journée de 8 heures. Enfin, ni le fordisme, ni le taylorisme ne sont susceptibles d’améliorer les conditions de vie. À l’exploitation renforcée qui fera d’hommes de 30 ans des vieillards, ces systèmes, en ajoutant à la fatigue physique la décrépitude morale, mettent en péril l’existence même de la race.
Enfin, il va sans dire que, suivant la loi d’airain, le salaire restera toujours fixé au strict minimum exigé par les nécessités.
La CGTSR et le Comité d’Émigration ne voient donc, dans la « rationalisation », aucun progrès social, mais au contraire une entreprise particulièrement criminelle de la classe capitaliste contre le prolétariat.
Examinant la question de la main-d’œuvre étrangère, la CGTSR et le Comité d’Émigration considèrent qu’elle est-étroitement liée à celle du chômage.
Ils rappellent que c’est le capitalisme français qui a introduit, avec la complicité des gouvernements français successifs et de ceux des pays émigrateurs, la main‑d’œuvre étrangère et coloniale dans ce pays, dans des conditions particulièrement honteuses.
La CGTSR et le Comité d’Émigration dénoncent les achats d’hommes opérés par le patronat français, en Italie, en Pologne, dans les Colonies, etc. Ils demandent la fermeture de ces marchés négriers qui continuent à déverser eu France, chaque semaine, en pleine crise de chômage, 5, à 6 000 hommes, dans le seul but de réduire à merci les travailleurs de ce pays et la main‑d’œuvre étrangère déjà importée ou fuyant devant le fascisme.
Ils déclarent toutefois que les frontières doivent rester ouvertes aux réfugiés politiques, dont le droit d’asile ne saurait subir aucune atteinte.
La CGTSR et le Comité d’Émigration voient dans l’afflux organisé de la main‑d’œuvre étrangère le désir évident, de la part du capitalisme, d’opposer violemment, au cours d’un chômage qui ira en se développant, les ouvriers français aux ouvriers étrangers.
De la même façon qu’il espère, sous la menace de la faim, faire accepter son plan de rationalisation, il veut aussi, en provoquant des luttes fratricides, dissocier les ouvriers étrangers et français qui opposent une résistance unique aux entreprises adverses.
À ce sujet, la CGTSR. met en garde les ouvriers français. Elle leur demande très vivement de résister aux manœuvres qui tendront à faire revivre, par la misère, le nationalisme qu’ils ont consciemment répudié.
De sons côté, le Comité d’Émigration insiste très vivement auprès des travailleurs de tous les pays, actuellement en Francs, pour qu’ils soient plus que jamais solidaires, dans le malheur, de leurs camarades français, et respectueux des revendications péniblement conquises par les ouvriers de ce pays.
À tous, la CGTSR. et le Comité d’Émigration demandent avec force d’opposer l’internationalisme ouvrier et la solidarité prolétarienne à l’internationalisme capitaliste et à la solidarité patronale.
En conclusion, la CGTSR invite les syndicats à réclamer :
- La cessation immédiate de l’embauchage, par l’État français, ses Offices à l’étranger ou l’industrie française privée, de la main‑d’œuvre étrangère ou coloniale :
- Le maintien de l’ouverture des entreprises, chantiers, magasins et bureaux ;
- Le contrôle de l’entreprise par les syndicats, si le patron décidait de la fermer ou d’en ralentir la marche ;
- Le respect absolu de la journée de 8 heures ;
- En, cas de ralentissement de la production, le droit au travail pour tous, et la diminution de la durée de travail pour chacun, après consultation du ou des syndicats ouvriers intéressés ;
- Le maintien du salaire horaire actuel. Le versement de la différente avec le salaire des 8 heures par une caisse nationale de chômage constituée à cet effet par les prélèvements sur les bénéfices de l’entreprise ;
- Un traitement égal pour les ouvriers français et étrangers ;
- En cas de chômage persistant et important, l’ouverture, sous le contrôle des syndicats, de grands travaux publics où seraient employés indistinctement les ouvriers français et étrangers.
Pour obtenir ces résultats, la CGTSR demande à ses Unions régionales et locales, à ses Fédérations, à ses syndicats, de mener une action vigoureuse et de tous les instants.
Aux Unions régionales et locales il appartient de mener cette lutte sur le terrain social ; aux Fédérations et aux syndicats il est dévolu de l’organiser sur le terrain industriel et professionnel.
Les chômeurs devront être organisés industriellement ou professionnellement par les Syndicats au sein des Unions locales. Il ne faut en aucun cas organiser des syndicats de chômeurs et toutes les manifestations des sans-travail doivent être étudiées et dirigées par les syndicats, Unions locales et Unions régionales, dans le cadre fixé ci-dessus par la CGTSR, en tenant compte cependant des situations particulières locales, régionales et industrielles.
La CGTSR. ne se dissimule pas que le capitalisme tend à entamer et à détruire, si possible, les organisations syndicales, à la faveur de la crise de chômage. Il espère ainsi créer une crise de désaffection des ouvriers pour leurs syndicats et, sous l’empire de la misère, détourner la classe ouvrière de ses organismes de classe.
Mesurant nettement ses responsabilités, certaine de la combativité de ses éléments, la CGTSR adresse à tous ses syndiqués et sympathisants un vibrant appel pour organiser la résistance et, le cas échéant, l’attaque de la classe ouvrière.
[/La CA de la CGTSR
Le comité International d’Émigration./]