La Presse Anarchiste

Correspondance

New York, août 1913

… Après avoir lu, non sans un grand inté­rêt, l’énumération des points de vue ayant pour objet là for­ma­tion d’un ter­rain de ren­contre entre cama­rades. Je trouve aus­si agréable qu’utile votre idée de se sélec­tion­ner, de se recon­naître entre indi­vi­dus dont les concep­tions tendent vers un but nôtre……

J’ai essayé plu­sieurs fois ici, en Amé­rique, de lan­cer quelque chose de sem­blable, mais les dif­fi­cul­tés avec les­quelles j’étais aux prises ne m’ont pas per­mis de pour­suivre mon dessein.

Il existe par­tout quan­ti­té de cama­rades qui s’ignorent et qui finissent peu à peu par se mélan­ger à la foule qu’ils côtoient, si bien que les voi­là plus ou moins per­dus pour nous.

Je puis aisé­ment consta­ter que dans une ville aus­si impor­tante que New York, la grande géné­ra­li­té des cama­rades anar­chistes (excep­tion faite des orga­ni­sa­teurs de mee­tings et bat­teurs d’estrade vivant pour et par l’idée) ne se ren­contrent jamais. Cha­cun reçoit (ou ne reçoit pas) son jour­nal, le lit et s’endort. On dirait que le dieu Dol­lar s’infiltre par­tout pour enli­ser dans l’isolement et l’apathie cer­tains qui étaient naguère encore des énergies.

Vous avez en France vos réunions de dis­cus­sion, vos bal­lades cham­pêtres, qui per­mettent aux tem­pé­ra­ments divers de se ren­con­trer et de s’associer. Ici, rien ou presque. Le pays tout entier semble engen­drer la mélan­co­lie, tant il est pour­ri par sa pour­suite écœu­rante de l’or.

[/​A. Baillif/]

La Presse Anarchiste