Persuadés qu’ils avaient été défaits non sur leur valeur propre, mais de par les maléfices de l’espionnage prussien, nos militaires voulurent se mettre à l’école du vainqueur, ainsi que le recommandait Ernest Renan dans sa Réforme intellectuelle et morale.
L’école du vainqueur consistait en particulier à s’organiser fiévreusement sous le rapport du « renseignement ». Il n’y avait pas innovation absolue mais la confiance dans la furia francese, reine des batailles, avait entraîné une certaine négligence dans le domaine.
La Section de statistique, alvéole du 2e bureau mais pratiquement indépendante, durera jusqu’en 1900, date où on commencera à parler de Bureau de renseignement, mais pas encore de S.R., ce qui devait faire trop ambitieux.
Mais 1914 survient qui ne bouleverse pas exagérément l’ancienne structure. Sans doute croit-on d’abord que la guerre s’achèvera au proche Noël, comme l’a laissé entendre Joffre. Un capitaine Ladoux, ancien saint-cyrien tombé dans le boursicotage et le journalisme est bien appelé par Messiny en considération d’alliances radicales, au contrôle télégraphique, district du « renseignement », qui apparaît le plus important.
Mais les hécatombes se prolongent au-delà de ce qu’on avait cru, et il faut songer à s’organiser vraiment pour un temps de guerre de durée imprévisible.
Ladoux est alors chargé de construire une véritable organisation, qu’il baptise S.C.R. (Section de centralisation des renseignements).
Partout où il y a armée en campagne c’est le 2e bureau des états-majors traditionnels qui a compétence.
Cette considération amènera des complications quand Paris se trouvera déclaré camp retranché car un 2e bureau se trouvera alors dépendre du gouvernement militaire, et dont les attributions chevaucheront avec les services du ministère de la guerre.
Mais des proliférations nouvelles et fatales des organismes de renseignement entraîneront une sécession de ceux-ci d’avec le 2e bureau, pour former le 5e bureau, qui ne durera que le temps de guerre. Tout reviendra comme avant, après 1918, et il faudra 1939, pour qu’un 5e bureau, né de la même ségrégation renaisse.
La drôle de guerre se poursuivra avec un 5e bureau au ministère de la guerre, doublé du 2e bureau du G.Q.G.
L’armistice entraînera évidemment la suppression officielle desdits, mais une renaissance prompte se fera sous le nom de B.M.A. (Bureau des Menées Antinationales).
Parallèlement, Londres prenait son essor. Le colonel Passy dans ses Souvenirs abonde en détails sur les cheminements du B.C.R.A., qui fut tour à tour S.R., 2e bureau, B.C.R.A.M. (Bureau central de renseignements et d’action militaire) puis enfin, pour quelques saisons, simplement B.C.R.A., celui-ci se subdivisant même en B.C.R.A.L. et en B.C.R.A.A. (le premier restait la maison mère londonienne) et le second l’échelon d’Alger quand il y eut transbordement partiel après la reconquête de l’Afrique du Nord.
Mais la grande cavalcade des appellations à la petite semaine va commencer, après que services giraudistes et gaullistes vont commencer de vouloir fusionner.
On aura d’abord le S.R.A. (Service de renseignements et d’action), qui régentera quelque temps le général Cochet, un aviateur.
Désignation éphémère, à laquelle on substituera non moins éphémèrement le titre de D.S.R.S.M. (Direction des services de renseignements et de sécurité militaire), imbroglio nouveau dans lequel anciens de Vichy et nouveaux de Londres continueront de se regarder en chiens de faïence.
Puis de Gaulle affermissant son autorité, on réformera une nouvelle fois l’institution, tout au moins dans son fronton et ce sera la D.G.S.S. (Direction générale des services spéciaux) que couronnera Soustelle.
Puis nouvelle venue, la D.G.S.S. devient la D.G.E.R. (Direction générale des études et recherches), qui reverra Passy, apparemment déchu du premier rôle depuis Londres.
Dernier avatar, avant le S.D.E.C.E. !